B. Geremek : la fin tragique d’un grand militant de l’Europe

Quelle triste rentrée pour le Parlement européen. Ainsi donc ce 13 juillet dernier Bronislaw Geremek a succombé à un accident de voiture dans son cher pays la Pologne.

Un combattant pour les libertés a tragiquement disparu. C’est une disparition encore irréelle pour la Pologne et pour l’Europe, lui qui a su si souvent impulsé, guidé tant de chemins et de routes pour sortir la Pologne du joug communiste. Jeune rescapé de l’holocauste, il fut membre du Parti communiste polonais, qu’il quitta après l’invasion de la Hongrie en 1956 et le coup de Prague en 1968. Il s’était pleinement engagé aux côtés de Lech Walesa et des militants de Solidarnosc en 1980.

Il avait été emprisonné deux fois en 1981 au moment du coup de d’Etat polonais et en 1983. Il assura les fonctions de ministre des affaires étrangères polonais de 1997 à 2001. Il fut l’artisan de l’adhésion de la Pologne à l’OTAN, et à l’Union Européenne, avec, entre autre son complice et ami, Jan Kulakowski (ancien secrétaire général de la Confédération Mondiale des Travailleurs (CMT), aujourd’hui Parlementaire européen. Il était un infatigable Parlementaire européen écouté et respecté par la quasi-totalité des parlementaires.

Son militantisme pour une Europe démocratique, élargie, unie, politique, citoyenne était sans borne. Parmi ses nombreuses responsabilités, il assumait les fonctions de co-Président d’Honneur avec Jacques Delors, de l’association France Pologne pour l’Europe.

Un hommage/témoignages lui sera rendu le 25 Septembre à 17h30 au siège de la CFDT 4 Boulevard de la Villette – Paris 19e, avec l’association France Pologne pour l’Europe, la Fondation pour l’innovation politique (dont il était vice-Président), Sauvons l’Europe, Notre Europe, le monde universitaire et intellectuel etc… B. Geremek restera marqué au cœur des militants européens. Ensemble nous devons poursuivre son œuvre et son combat pour une Europe toujours plus démocratique, politique et citoyenne. Ses obsèques nationales et européennes ont eu lieu le lundi 21 juillet en la cathédrale de Varsovie, tout un symbole…

Jean-Pierre Bobichon

 

Bronisław Geremek, Parlementaire européen, mais également grand historien et grand Européen, faisait l’honneur de sa présence aux seconds Etats Généraux de l’Europe le 21 juin 2008 à Lyon. Nous reproduisons ici l’intégralité de son propos. En guise de témoignage, souvenons-nous de ses paroles, hélas, lors d’une de ses dernières interventions publiques :

 

« Mesdames et Messieurs,

D’abord un mot sur un pays d’où je viens : le pays célèbre pour ses plombiers. La Pologne est un pays et un peuple très européen. Les sondages d’opinion publique le prouvent. Le référendum d’accession en Pologne avant l’entrée en 2003 a obtenu 56% de participation et plus de 75% de oui à l’Union européenne. Et ce peuple à aussi des moments où il élit des élites qui sont moins européennes que lui, ça arrive aussi.

L’élargissement n’était pas seulement un geste à l’égard de peuples qui ont combattu pour la liberté mais aussi un geste raisonnable, dans l’intérêt européen. L’Europe est plus forte, pourquoi a-t-elle maintenant un sentiment de morosité, de faiblesse ?

En partageant ce sentiment d’urgence, qu’a exprimé le Président Giorgio Napolitano, je voudrais mettre l’accent sur un problème particulier, le problème de la citoyenneté. Pas la citoyenneté comme une chose évidente, mais le problème de la citoyenneté. Y a-t-il une citoyenneté européenne si dans le traité, la seule formule qui la définit est que l’on est citoyen européen quand on est citoyen d’un pays membre ? Lorsque l’on disait « citoyen romain », ça voulait dire, des droits nouveaux et des obligations nouvelles. Nous n’avons pas su jusqu’à maintenant définir la citoyenneté dans ces termes-là. Elle apporte un avantage évident, pour moi, mais pas pour la majorité des présents ici : avoir le passeport européen, ça veut dire non seulement la facilité de passer les frontières, mais la possibilité de passer les frontières. Le passeport était un rêve intouchable, presque impossible à obtenir, pour nous, les gens de l’Est. Le privilège du citoyen européen, pouvoir passer les frontières sans problème, même sans passeport, c’est un privilège immense.

Mais pour les autres, comment traduire la citoyenneté en termes de droits, et d’obligations ensuite ? Il faudrait qu’on trouve à côté d’Erasmus, qui a formé presque un million et demi d’ambassadeurs de l’Union européenne, une autre formule. Comment faire pour que le monde du travail voie aussi les avantages immédiats et directs venant de l’Union européenne ? Il faut y réfléchir, il faudrait qu’on puisse par exemple avoir un fonds européen pour le réapprentissage de métiers, pour un renouvellement de l’éducation, parce qu’il y a les exigences de la globalité, qui vont jusqu’à changer le contexte de notre vie. C’est ce vers quoi l’Union européenne devrait tendre.

Deuxièmement, je voudrais mettre l’accent sur le contenu de la citoyenneté. Quand on dit qu’on est citoyen, on pose le problème : d’où venons-nous ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ? C’est un problème d’histoire et de mémoire collective. Nous n’avons pas de mémoire collective, nous avons des mémoires individuelles. La mémoire collective est celle que nous sommes en train de faire et que nous faisons en premier lieu par l’éducation. C’est pourquoi l’éducation européenne me semble être actuellement le point faible dans la construction européenne. Si nous voulons avoir une communauté politique, une communauté de citoyens, il faudrait que l’on ait une conscience commune du destin commun, et d’un projet d’avenir.

Il m’est facile de dire que j’aime l’Europe, parce que c’était pour moi un rêve impossible. Je n’ai jamais pensé que de ma vie je verrais mon pays libre, membre de l’Union européenne, et que je serais moi-même au Parlement européen. Cette partie du rêve doit être le centre même de la formation de l’esprit citoyen.

Je dirais donc, premièrement et maintenant, la citoyenneté et l’éducation. Merci. »

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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