Civiliser la guerre

récompensée par le Nobel donné à l’Union européenne.  Un humour souvent grinçant a accueilli ce prix post mortem. A l’heure où la Belgique, l’Espagne, le Royaume-Uni se désunissent, quand les tensions nationales sont plus fortes que depuis des années en Europe, alors que l’extrême droite et le fascisme font leur retour en tant que forces politiques structurées, ce prix peut en partie apparaître comme une mauvaise blague. Allons au fond des choses cependant.

 

Une des meilleures critiques du TSCG, est qu’en verrouillant le système budgétaire après la monnaie,  il fait porter toutes les contraintes d’ajustement sur les Etats individuels, et donc qu’il organise non pas la solidarité mais la concurrence entre les Etats. Ceci n’est pas tout à fait exact, les négociations avançant rapidement sur le volet solidarité entre les membres de l’Union. Mais enfin, on a pu entendre que l’Union n’avait pas établi la paix en son sein, mais simplement « civilisé la guerre ».

 

Oui, Ô combien! La paix se définit-elle purement par l’absence de guerre? Est-on en paix quand on est entre deux guerres? On a tendance à mettre en première explication de la paix dont l’Europe fait l’expérience les liens économiques tissés entre ses membres. Des échanges économiques très développés n’ont pas empêché la guerre de 14. De même, l’alliance industrielle profonde entre le Japon et la Chine en semble pas, aux dernières nouvelles, avoir produit un état de paix entre ces deux pays. C’est donc autre chose.

 

Cet autre chose, c’est la volonté depuis un demi-siècle de civiliser la guerre. Il n’y a pas si longtemps, entre l’Angleterre et l’Irlande, des menaces militaires étaient un élément normal des relations commerciales sur la laine. Aujourd’hui, ces deux pays négocient de plus ou moins bonne foi autour d’une table dans des bâtiments moches. L’accomplissement de l’Union européenne est là! Pas dans l’établissement d’un règne d’amour, qui reste en projet et dont Erasmus est le porte étendard, mais dans la discussion permanente et la création d’institutions qui résolvent les conflits pacifiquement.

 

Quoi! Il n y aurait plus de conflit? Plus de heurts? Qu’est ce que la démocratie, sinon une manière de décider pacifiquement ensemble, de surmonter nos désaccords et d’avoir une direction légitime pour tous? Qu’est ce que la négociation sociale, sinon la recherche d’accords et de solution commune entre des mondes ayant des intérêts divergents? Qu’est ce que le projet fondamental de l’Europe sinon la résolution des conflits des oppositions, l’intégration des rancoeurs? Civiliser la guerre ? Est-ce que ça marche? Mais oui ça marche.

Aujourd’hui même le système fait entendre des grincements inquiétants et craque de toutes part. Pourtant il tient bon! Prenons un instant de recul: nous sommes en train, peut être, de créer un Etat fédéral. Après une monnaie commune, nous allons coordonner nos budgets. Nous discutons de nouvelles voies de solidarité entre nous, et de l’établissement d’une démocratie fédérale. Ce n’est pas un petit saut et nos cousins des Etats-Unis d’Europe ont connu une guerre civile quand ils l’ont tenté. Pour l’instant, la paix européenne s’en sort plutôt bien.

 

 

 

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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4 Commentaires

  1. Salutaire rappel!
    Oui, la paix n’est pas un état mais un combat. La guerre n’est jamais loin de nous (Palestine, Syrie, bien des endroits en Afrique); elle était aux frontières de l’Europe avec la Yougoslavie, la Géorgie .. et elle menace dans bien des endroits. Nos soldats le savent bien, et leurs familles aussi.
    Le prix Nobel de la Paix a, tous les ans, un parfum de provisoire. Il est par nature un voeu de progrès, constatant des résultats que nous sommes pourtant obligés d’admettre éphémères; ce n’est pas une distribution de bons points, ni un examen de passage réussi. Il nous incite à regarder en face les nouveaux dangers qui pointent. Il n’y a que les « imbéciles heureux contents d’être bêtes » qui ricanent de cet événement.

  2. Ceux qui ont accueilli avec dérision le prix Nobel ont montré qu’ils ignoraient la portée historique du projet européen qui ne peut se confondre avec telle ou telle politique évidemment contestable.
    L’octroi du Nobel a l’immense mérite de rappeler les objectifs fondamentaux de l’UE : la paix par la gestion supranationale d’intérêts communs et la liberté par la consolidation de la démocratie dans l’ensemble du continent.

  3. Oui, il vaut mieux 20 millions de chômeurs que 20 millions de morts. Beaucoup d’entre nous oublient qu’un chômeur, indépendemment du fait qu’il n’ait qu’un minimum pour vivre ( ce qui est regrettable, parfois inadmissible) a encore la « possibilité et l’opportunité » de discuter, de vivre, de s’opposer, de revendiquer sa liberté, d’aimer, de « copuler » et de faire encore des enfants et de ce fait contribuer encore à l’enrichissement de notre société, alors qu’un mort n’engendre que tristesse et désespoir. Pour moi, l’Europe c’est çà avant tout… Ne jamais l’oublier est le devoir de tout citoyen…. Et se battre pour que tout le monde ait ce droit est le deuxième devoir.

  4. Vision anti-kantienne à son paroxysme, le futur État fédéral Européen se transformera vite en un despotisme technocratique à echelle continentale… Le projet d’une Europe fédérale ne peut pas être menée à bien tant les conditions et intérêts économiques des pays membres divergent… comparer les normes sociales roumaines avec les françaises suffit à comprendre pourquoi l’idée d’une économie généralisée à l’Union ne peut pas marcher… le projet de l’Europe est certes louable et beau, mais ne peut pas fonctionner dans l’état actuel des choses. Seule la puissance d’institutions internationales type ONU peuvent permettre la pérennité de la paix. La prolifération des armes nucléaires, qu’on le veuille ou non joue aussi dans ce sens même malgré l’inquiétude qu’elles peuvent nous procurer.

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