Europe : que de silences !

Lorenzo Consoli est journaliste auprès des institutions européennes depuis un quart de siècle et l’ancien président de l’association internationale de la presse à Bruxelles. Il est interrogé par Henri Lastenouse, Secrétaire général de Sauvons l’Europe

Pourquoi la Commission Européenne est elle si peu audible face aux populismes ?

Vu de la salle de presse, c’est très clair.

Les directives du président Juncker et de son secrétaire général aux portes paroles de la Commission visent un seul objectif. La Commission ne doit pas dire des choses qui puissent ensuite permettre aux journalistes de mettre la Commission Européenne en porte à faux vis à vis des Etats Membres ou vice versa !

Par son refus d’assumer son rôle de gardienne des traités la Commission européenne fragilise son autorité morale, politique et juridique, alors qu’elle possède au sein du collège des commissaires quelques talents tout à fait capable de jouer ce rôle !

Par exemple la commissaire tchèque Jourova à la Justice:

Interrogée sur le projet de fichage ethnique des rom évoqué par le ministre italien de l’intérieur, elle n’ a pas hésité à sortir le drapeau rouge en se référant sans ambiguité aux heures sombres de notre histoire en citant le tragique précédant de la conférence de Wansee…

En même temps, l’Autriche occupe la présidence tournante de l’Union européenne avec un gouvernement dont l’un des partenaires de coalition est ouvertement un parti d’extrême droite…

Ce ne sont pas les présidences tournantes qui font les politiques européennes, mais bien la Commission Européenne. Les présidences tournantes jouent un rôle de médiation, mais non de décision. Il n’est pas d’usage de voir les présidences imposer leur propre priorité aux autres Etats Membres, car on attend d’eux qu’ils jouent le rôle « d’honnêtes broker ».

Naturellement, dans ce rôle, la présidence autrichienne n’est peut être pas la mieux placée pour aider à la réforme du règlement de Dublin qui organise l’accueil des migrants en Europe…

Où en est on précisément sur la question d’une réforme de l’accueil des migrants en Europe ?

La meilleure proposition de réforme actuellement sur la table vient du Parlement Européen où elle fédère une large majorité.

La Position du Parlement Européen prévoit l’annulation du principe de premier arrivée et introduit un système automatique de quotas basé sur des critères objectifs. Donc tous les pays sont alors solidaires et contribuent selon leur capacité.

Cette approche constitue une forte motivation pour les migrants demandeur d’asile à se manifester, car ils ne doivent pas forcément rester dans le pays où ils se déclarent.

Où se situe le blocage sur ce dossier ?

Le blocage vient avant tout d’un groupe de pays imperméables à n’importe quel changement en la matière. Il s’agit des pays du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie).

Le second problème vient de l’attitude du président du Conseil Européen qui réunit les chefs d’Etats et de gouvernement. Le polonais Donald Tusk ne pousse à l’agenda que les dossiers sur lesquels il y a quasi unanimité. Il ne souhaite pas s’engager sur les dossier qui « divisent » les chefs d’Etat et de gouvernement et privilégie le plus petit dénominateur commun…

Henri Kissinger se serait demandé qui appeler en cas de besoin. Malgré ses démentis, la phrase a fait florès. Parce qu’elle frappait juste. Aujourd’hui, la question n’est elle pas encore plus simple : Y a t il encore un pilote dans l’avion ?

Trois des ténors européens sont dans une « situation de transition » et c’est un euphémisme… Je veux parler de l’Allemagne, de l’Italie, et de l’Espagne. Leur gouvernements sont pour diverses raisons otages de leur politique intérieure.

Reste Emmanuel Macron qui était le grand espoir des européen voilà un an. Vu de Bruxelles, il a perdu beaucoup de force de consensus en France depuis. Donc il est politiquement plus faible au niveau européen que voilà un an.

Aujourd’hui, il n’existe pas forcément un leader parmi les chefs d’Etat et de gouvernement avec un consensus intérieur suffisant fort pour être capable de pousser en avant le projet européen…pour répondre au défit populiste…

Pour preuve les deux dossiers les plus importants du moment qui auraient dû être résolus en juin et ont été repoussés. La réforme de Dublin et l’approfondissement de l’union monétaire qui avance à vraiment tout petits pas….

Alors 2018, encore une année de grand silence européen ?

Dans un an, en 2019, nous seront confrontés au risque d’un nouveau Parlement Européen aux mains des populistes. Au mieux, il y aura une majorité pro-européenne très difficile à former.

Des réformes comme celle de Dublin ou de l’Union monétaire seront de ce fait encore plus difficiles !

Ne pas utiliser le temps qui reste avec le Parlement actuel, largement favorable au projet européen pour venir à bout de ces réformes est une erreur.

 

Version longue d’un entretien publié par nos amis de Témoignage chrétien

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