Le parti socialiste européen devient un véritable parti

Le Parti socialiste européen, rassemblement de l’ensemble des partis socialistes et sociaux-démocrates européens, était en congrès les 7 et 8 décembre à Prague. Au-delà de la grande messe relativement consensuelle que l’on peut attendre de ce type d’évènement, ce rassemblement a été l’occasion de donner une impulsion majeure à la création d’un véritable parti européen, et à la constitution d’une démocratie vivante au niveau européen.

Le premier signe est la modification des statuts qui acte que le PSE aura un candidat pour la Commission européenne lors des prochaines élections (et des suivantes), avec naturellement un programme commun. Il faut dire que les dernières élections se sont révélées un tel fiasco qu’il est apparu de façon crue que le cavalier seul et le repli sur le territoire national n’était pas une solution fortement dynamique. On notera également la réélection triomphale de Poul Nyrup Rasmussen avec 99,6% des voix, attendue puisqu’il était le seul candidat, mais qui aurait pu être moins unanime après un discours où il a annoncé fortement son intention de développer le PSE et l’intégration entre les différents partis socialistes d’Europe: « le parti socialiste européen doit se réformer ou mourir ». La rédaction d’une déclaration de principe est prévue, ainsi que l’intensification des échanges entre les différents PS et la poursuite de rencontres entre les chefs de partis et les chefs de gouvernements.

L’autre signe est le développement et la reconnaissance officielle des « activistes PSE ». Il s’agit de l’équivalent des adhérents directs de l’UDF, membres à la fois des partis nationaux et spécialement impliqués dans le fonctionnement de la structure européenne. Leur rôle est dorénavant prévu dans les statuts, ils ont eu une place de choix dans le discours de Rasmussen, et une réunion de travail leur était consacrée. Outre l’intérêt même de leur participation au PSE, on attend d’eux qu’ils soient le fer de lance de l’européanisation de leurs partis nationaux. Le PSE a également créé un think-tank, la FEPS, qui aura pour tâche de fédérer la réflexion sociale-démocrate en Europe.

Les français ont été à l’honneur, Martine Aubry ayant fait un discours très volontaire sur le renforcement du PSE, seul instrument de gauche à la mesure des défis posés par le capitalisme financier. Elle a également fait très bonne impression lors des questions, retrouvant à cette occasion beaucoup de spontanéité. Par ailleurs, Pervenche Bérès a fait une intervention très remarquée lors de la table ronde sur les marchés financiers. Elle présidait la commission économie lors de la dernière mandature, et on regrette que cette commission ait été sacrifiée en faveur des conservateurs anglais lors des dernières négociations.

Le Parti socialiste européen a donc pris une décision fondamentale pour la suite de son activité, en cessant d’être un club de rencontre entre dirigeants socialistes pour devenir la structure où se définit la politique socialiste au niveau européen. Il existera désormais une gauche européenne structurée lors des rendez-vous électoraux, ce qui devrait changer fortement la physionomie de la démocratie européenne, avec l’introduction d’un débat politique qui n’existait pas jusqu’alors.

D’un point de vue plus subjectif, quelques évènements ressortent de ce congrès. Le premier, malheureux, est la réintégration du parti socialiste slovaque, qui s’est allié à l’extrême droite locale pour revenir au pouvoir. Il aura suffit d’une déclaration d’intention de respecter les valeurs socialistes pour acter les retrouvailles, ce qui semble un peu léger. Le désir de renforcer l’unité du PSE nouveau prévaut un peu encore sur celui d’y affirmer une ligne commune solide…

Une certaine convergence des réflexions en cours au sein des partis socialistes européens a pourtant été mise en lumière par l’intervention de Roger Liddle, président du Policy network, au Fringe meeting de la FEPS au cours de laquelle, après voir défendu le bilan des travaillistes sous Blair, il a estimé que les Britanniques devaient tirer certaines leçons de leurs expériences. En premier lieu il est erroné et dangereux de trop faire confiance aux marchés pour fonctionner seuls, et en second lieu que la lutte contre les inégalités ne peut se réduire à la lutte pour l’amélioration du sort des plus pauvres. Ceci implique donc, d’une part un consensus sur la nécessité de réguler l’économie, et d’autre part sur l’idée que les inégalités ne peuvent pas simplement être traitées une fois qu’elles sont nées, mais que l’action publique doit être beaucoup plus globale, à la fois en amont de la création des inégalités et de manière plus large que sur les seuls démunis.

Notons également l’extraordinaire cravate de Rasmussen qui, dans les circonstances, a beaucoup marqué les esprits, ainsi que le discours de Martin Schulz, président du groupe SD au Parlement, extrêmement énergique et aux accents évocateurs. Affirmant que « Kameraden, wir sind ein antikapitalismus Partei ! », il a mis en accusation Brown et Zapatero, regrettant qu’ils ne se soient pas déplacés au Congrès pour qu’il puisse leur dire en face après leur soutien à Barroso que cette Europe libérale qui se construit, « c’est votre Europe », « das ist Ihren Europa ! ». Etonné par tant de vigueur de la part de l’homme des accords techniques au Parlement, qui a lui-même décidé que les socialistes s’abstiendraient lors du vote sur la désignation de Barroso, je lui pose la question. Tout ceci est en fait du à une incompréhension culturelle des français, pour lesquels le seul modèle politique valide est l’opposition d’un bloc de gauche et d’un bloc de droite. D’autres modèles politiques existent, et en particulier les institutions du Parlement impliquent un travail en commun car sinon il n’y a aucune majorité. Les socialistes sont donc « dans une opposition frontale de principe, mais dans une position de collaboration institutionnelle ». L’explication se tient, mais le contraste entre la force du discours et la modestie de la pratique reste un peu surprenante ; certains parlent même à voix basse de « molletisme ».

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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