Le respect des droits de l’homme doit être un critère déterminant pour les relations euroméditerranéennes.

L’affaire humanitaire est plus lourde de conséquences dans l’avenir sur les choix à opérer dans nos relations avec la Libye que le seul aspect institutionnel dans lequel a été enfermée la séquence diplomatique de l’affaire libyenne. L’Union européenne devait tout faire pour sauver de cet enfer des personnes, dont nombre de ses ressortissants. Ce qui a été fait par l’UE, y compris la démarche de Mme Sarkozy, tout cela était justifié.

La commission d’enquête parlementaire déterminera l’ampleur des contreparties françaises, s’il y en a eu, leur adéquation avec le but recherché, ou leurs risques potentiels dans le futur et d’éventuelles responsabilités politiques, mais qui évaluera l’ampleur du dommage humanitaire et surtout le sens qu’il revêt ? Les détenus auraient été torturés. Des coups leur auraient été portés, l’électricité utilisée et l’aide d’un chien aurait même été requise pour obtenir des aveux, ou tout simplement humilier et faire souffrir, si tant est qu’à un certain seuil d’abjection les moyens submergent les fins. Les infirmières et un médecin palestinien l’ont répété et, quoique mezzo voce le fils du chef d’Etat Libyen l’a lui-même admis de même que l’innocence des persécutés, car c’est le mot.
La question est de déterminer les critères qui fixeront la qualité et le niveau des relations à entretenir avec un Etat dont l’administration, soumise à ses dirigeants, s’est placée en dehors de la loi internationale. La France peut-elle faire commerce avec un régime qui aurait ainsi porté atteinte à l’intégrité des personnes en se rendant coupable de ce qu’il convient de désigner comme des actes de torture et de barbarie.

Il s’agit des termes exacts du code pénal français pour ce genre de faits. Ces pratiques sont en infraction avec la convention des Nations unies contre la torture de 1984 et, obligation plus contraignante pour l’Europe encore, avec la convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 4 octobre 2005. Cette question est posée, à la France comme à l’Europe qui s’est soudée dès 1951 par la convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et maintenant par la charte européenne des droits fondamentaux. Il s’agit d’une question morale. Il s’agit aussi d’efficacité politique.

Nos lois ne sont elles qu’un chiffon de papier ? Alors elles seront méprisées et l’on se détournera de ceux qui les ayant votées ou adoptées n’ont pas eu la force de les faire respecter. L’exemple libyen contaminera d’autres Etats, et insensiblement chez nous aussi certains s’autoriseront ce que nous avons autorisé à d’autres chez eux. La France propose de créer un partenariat avec le Maghreb, une sorte d’Union des pays de la Méditerranée. Elle ne pourrait voir le jour qu’avec avec un traité. C’est un beau projet, à la condition de ne pas sombrer dans un relativisme insidieux, qui se satisferait d’attribuer des sous-droits à des sous-humains, et que nous ne cédions précisément en rien sur les fondamentaux du droit des personnes.
Des millions de femmes et d’hommes du Maghreb, y compris en Libye, attendent cette attitude ferme qui bâtira une union d’hommes et de femmes respectés dans leur dignité et leur intégrité sur les deux rives de la Méditerranée. Sinon le despotisme, le fanatisme religieux emporteront tout sur leur passage, et l’on se souviendra de nos rêves d’union comme d’une chimère, ou d’une tactique.

L’adhésion à un pacte euroméditerranéen relatif aux droits de l’homme devrait précéder et constituer l’une des conditions d’appartenance à cette union, comme la ratification de la convention européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, est l’antichambre obligée pour les Etats souhaitant rejoindre l’Union européenne. Il va de soi que ce traité euroméditerranéen relatif aux droits de l’homme supposerait la mise en place d’une juridiction supra nationale de même type que celle de Strasbourg. Elle pourrait condamner les Etats violant ses dispositions. Ce serait donc autre chose qu’une pieuse déclaration d’intentions.

Le «signal fort» est un tic langagier de l’époque. Pour le coup ce serait détonnant. Dans l’attente, il faut tout savoir de la nature et de la gravité des sévices subis par les otages. Car ils furent des otages.

Jean-Pierre Mignard,
avocat à la cour d’appel de Paris,
Co-Président de Sauvons l’Europe
[article publié par Libération le 17 août 2007]

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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