L’UE face à la concurrence des pôles régionaux

A l’heure où l’approbation du Traité de Lisbonne est quasiment acquise, le processus de construction européenne pourrait être concurrencé par la formation, au sein du vieux continent, de nouveaux pôles régionaux. Face à une Union Européenne dont l’accroissement des prérogatives empiète sur la souveraineté nationale, les eurosceptiques voient dans la coopération régionale le moyen de palier le développement de l’Europe Communautaire. Ces organismes rassemblent, à défaut de l’UE, plusieurs états dont la proximité linguistique, culturelle ou historique favorise la mise en place de pareilles associations. Plongés dans une relative torpeur depuis quelques années, ces pôles régionaux occupent à nouveau le devant de la scène.

Au sud, la Yougoslavie ressuscitée

Au sud, en ex-Yougoslavie, l’amorce d’une coopération régionale avait été érigée dès 1999, où un Processus de Stabilisation et d’association (PSA) avait été instauré. Orchestré par l’Union Européenne qui souhaitait stabiliser la région, il avait pour mission de permettre aux états des balkans occidentaux de réunir rapidement les critères d’adhésion à l’UE en misant sur leur synergie. De plus, du fait d’accords bilatéraux, une zone de libre-échange avait été institué (sauf avec la Slovénie). La coopération régionale en ex-Yougoslavie n’est donc pas un phénomène récent.

En revanche, depuis 2008, sa finalité n’est plus la même. Auparavant censée permettre aux états d’ex-Yougoslavie de faciliter leur adhésion à l’UE, le dessein de la coopération inter-étatique est désormais plus centré sur la formation d’un nouvel acteur économique et politique, la « Yougosphère ». La dissolution du PSA l’an dernier au profit d’un Conseil de Coopération Régional (incluant également l’Albanie, la Roumanie et la Bulgarie) incarne ce changement de mentalité, puisque la coopération régionale ne sera ainsi plus chapeautée par Bruxelles mais résultant de la volonté propre des états.

Ce conseil de coopération régionale a d’ores et déjà permis la formation d’un centre de pompiers commun à tous les pays d’Europe du Sud-Est, un projet auquel l’Europe n’a jamais réussi à aboutir, laissant à chaque état la gestion de ses propres soldats du feu. Pareille réussite incite donc les républiques d’ex-yougoslavie à intensifier la coopération, le premier ministre serbe Boris Tadic a d’ailleurs récemment souligné l’importance d’unir les entreprises d’ex-yougoslavie. Le conseil de coopération régionale exerce également des responsabilités en matière de lutte contre le crime organisé et la résorption des inégalités sociales. Et l’adhésion à l’UE apparaît presque comme secondaire…

Visegrad : l’ultime combat de Vaclav Klaus ?


En Europe Centrale, le Groupe de Visegrad réunit depuis 1991 la République Tchèque, la Slovaquie, la Pologne et la Hongrie au sein de cet organe de coopération régionale, qui s’offre une nouvelle jeunesse après plusieurs années de doute sur la pertinence de son existence. Sa création résultait effectivement de la volonté des pays d’Europe Centrale d’allier leurs efforts dans l’optique d’une adhésion à l’Union Européenne. Désormais, les quatre états ont tous rejoints l’UE en même temps qu’une majeure partie de l’ex-bloc soviétique en 2004, et le Groupe de Visegrad est devenu un accessoire.

Cependant, le président tchèque souverainiste Vaclav Klaus, qui se résignera très probablement à apposer sa signature au Traité de Lisbonne n’entamera pas pour autant une lune de miel avec l’UE et on peut s’attendre à ce qu’il trouve un nouveau cheval de bataille pour justifier sa lutte avec Bruxelles. Or, ce néo-libéral affirmé n’a que cesse de vanter les mérites du Groupe de Visegrad, qu’il considère comme le meilleur moyen pour faire entendre la voix des états d’Europe centrale. Fervent partisan d’une modernisation de l’organisme, Vaclav Klaus a d’ores et déjà soutenu des projets d’une chaîne de télévision Visegrad, de compétitions sportives communes ainsi que l’adoption de positions communes en matière de politique étrangère : en somme, faire de Visegrad un véritable acteur politique…et concurrent de l’Union Européenne.

Vaclav Klaus n’est d’ailleurs pas dépourvu d’alliés dans cette bataille : dans les quatres états membres du groupe de Visegrad, l’adhésion à l’UE n’a pas engendré les performances économiques espérées et l’euroscepticisme grimpe : ainsi, la Hongrie, avec seulement 39% de la population qui approuve l’appartenance à l’UE est le pays de l’Union Européenne où l’adhésion à l’Europe est la plus impopulaire. En Slovaquie, la coalition gouvernementale nationaliste-socialiste (sans mauvais jeu de mot) a, à l’instar de la République Tchèque, formulé une demande de dérogation quand à l’application de la Charte des Droits Fondamentaux, retardant à nouveau l’approbation unanime du Traité de Lisbonne.

Les pays nordiques gagnés par la nostalgie du nordisme


C’est sans doute la seule région d’Europe ou la coopération régionale est un phénomène de longue date. Les cinq pays nordiques que sont l’Islande, la Norvège, la Finlande, la Suède et le Danemark n’ont cessé à travers les siècles de développer des liens. En ce qui concerne l’Islande, la Suède, la Norvège et le Danemark, leur unité linguistique les a amené de nombreuses fois à se confondre au sein d’entités politiques : l’Union de Kalmar, préfigure d’une confédération monarchique rassemblait du XIV au XVIème siècle, l’ensemble des pays nordiques. Par la suite, le scandinavisme et le nordisme appelaient au XIXème siècle à la réunification des royaumes scandinaves et nordiques.

Dans l’histoire moderne, les pays nordiques ont également été les premiers à élaborer un processus de coopération régionale : un Conseil Nordique a été mis en place dès 1952, qui, à l’image de l’UE, rassemble périodiquement les ministres de 5 pays nordiques dans le cadre de conseils des ministres particulièrement productifs : préfigurant l’Espace Schengen mais sur une plus petite échelle, l’Union Nordique des Passeports permettait dès 1958 à tous les citoyens des pays membres du Conseil Nordique de voyager librement à travers la région. Le Conseil Nordique a également initié dans certains pays comme en Allemagne, la fusion des ambassades de ses états membres au profit d’ambassades nordiques. Autre réussite, la compagnie aérienne scandinave SAS (Scandinavian Airlines System).

Aujourd’hui, à l’heure où les nordiques, dont l’euroscepticisme n’est plus à démontrer, s’apprêtent à concéder à nouveau quelque peu de leur souveraineté à l’Union Européenne, les eurosceptiques agitent la flamme de la coopération nordique. Les pays nordiques (dont deux sont restés en marge de la construction européenne) n’ont jamais acquis une véritable conscience européenne : la peur de voir leur cocon social-démocrate ébranlé. D’ailleurs, le nordisme redevient au goût du jour à l’occasion du bicentenaire de la séparation de la Suède et de la Finlande et la perspective de donner une nouvelle impulsion à la coopération nordique fait son chemin….au détriment à nouveau de l’UE ?

Alex Joubert

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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