Quel avenir pour l’Europe? L’analyse de J. LECUIR

Nous savions qu’il suffisait qu’un des 27 pays de l’Union Européenne refuse de ratifier le projet de Traité Lisbonne pour que tout soit remis en cause, puisqu’il faut l’accord unanime pour qu’il soit mis en oeuvre et que se mette en place un compromis institutionnel plus viable et plus intéressant que le Traité de Nice.

Nous savions que la ratification parlementaire n’allait pas de soi dans quelques pays comme la Tchéquie et la Suède – qui vont présider l’Union, après la France, en 2009 -, ou encore en Pologne où le président conservateur s’oppose à la ratification acquise.

Mais nous savions aussi que la procédure irlandaise du référendum était à l’évidence risquée : un texte de ce genre, fatalement de nature très technique, est difficile d’accès direct au citoyen et relève de l’examen parlementaire. Les mêmes mécanismes que ceux que nous avions vécus en France et aux Pays Bas n’ont pas manqué de se mettre en place dans l’opinion, dans un contexte où la construction européenne suscite plus de craintes que d’espoir. Le défoulement du cumul des non pour des raisons hétérogènes couvrant tout l’arc des sensibilités politiques est dans la nature même du référendum, surtout s’il s’opère dans le seul cadre national et qu’il ne comporte pas de sanction évidente pour le pays.

Ainsi se paye la transformation de la « bureaucratie bruxelloise » en bouc émissaire commode par des gouvernements et parlements nationaux qui expliquent moins l’Europe qu’ils ne se défaussent sur elle de leurs difficultés internes.

Ainsi se paye des ratifications en ordre dispersé, selon des méthodes différentes. La leçon est évidente pour l’avenir. Ou les 27 pays décident ensemble de s’engager tous dans une ratification parlementaire , ou ils choisissent d’organiser un référendum le même jour en posant le principe que la réponse positive (à une majorité qualifiée des citoyens et des Etats) s’imposera à tous; pour respecter les souverainetés nationales, l’Etat qui n’aura pas adopté ne sera pas obligé de participer, et pourra choisir de sortir de l’Union, mais au moins il ne bloquera pas les autres.

On ne peut certes préjuger de l’avenir du traité de Lisbonne; une seule chose est certaine : il ne sera pas renégocié.On peut toujours rêver que, ratifié par 26 pays à la fin 2008, la pression sera telle que l’Irlande reviendra sur son vote dans des délais tels que les élections européennes de 2009 puissent se dérouler dans un climat positif. Le calendrier est si serré que ce déroulement serait une divine surprise. Ou le gouvernement irlandais dira-t-il aux 26 qu’il se met en congé de l’Union en les laissant libres d’appliquer le Traité ? Il est plus probable que l’on fera de la ratification des 26 la priorité, puis qu’on donnera du temps au temps pour obtenir l’accord irlandais, en se contentant, en attendant, du traité de Nice et de la mise en oeuvre de coopérations renforcées pour avancer, sans attendre l’accord de tous, comme on le fit avec la zone euro ou l’accord de Schengen. Les sujets ne manquent pas, par exemple la politique énergétique, la coordination économique et monétaire, ou l’environnement, défense et sécurité, ou l’immigration.

En fait, nous payons cher les retards pris dans la construction d’une Europe politique. Le traité de Lisbonne est de ce point de vue l’ultime tentative pour enclencher à partir de 2014 des processus de décision majoritaire. Car on sait que l’Union européenne ne s’imposera comme une entité politique que le jour où « les peuples et les Etats accepteront de se soumettre à la loi commune, fussent-ils en minorité » (Jean-Louis Bourlanges).

Que le traité de Lisbonne soit ou non en rade, les élections européennes de juin 2009 vont faire figure de rendez-vous majeur : les souverainistes de tous horizons s’y donnent déjà rendez-vous. Or, comme le souligne Jacques Delors, il n’y aura pas de relance politique de l’Europe, au sens plein du terme, tant que les chefs d’Etat et de gouvernements ne seront pas capables de dépasser les intérêts nationaux, en acceptant un minimum de fait majoritaire, en donnant une vision rassurante et exaltante de l’Europe et en le faisant avec pédagogie en réaction à l’actualité. La campagne électorale, dès à présent ouverte, pour le Parlement européen de juin 2009 est une occasion d’apporter des réponses aux interrogations des citoyens qui ne se résignent pas à la dilution de l’Union Européenne.

 

Jean Lecuir,

vice-président du collectif Haute-Garonne

“Sauvons l’Europe – Faisons l’Europe”

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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