Relever les défis d’une jeunesse française métissée

Depuis le début de son mandat, analystes, journalistes, polémistes en tous genres s’emploient à rappeler à François Hollande une de ses principales promesses de campagne « faire que la jeunesse en 2017 vive mieux qu’en 2012 ».

Si pour certains cette jeunesse devrait « se barrer » ou pour d’autres « s’impliquer davantage civiquement » pour prendre en main son destin, très peu soulignent finalement la portée réelle du message de François Hollande à l’adresse de la société française, si tant soit peu qu’on accepte d’ y croire. Car il ne s’agit plus ici d’une campagne électorale mais de l’obligation impérieuse d’une société dans son ensemble de relever un défi.

En effet, la réussite ou l’échec français sur ce sujet, aura force d’exemple à l’échelle mondiale. Tous les pays, sans exception, sont confrontés de manière cruciale à la question générationnelle, que ce soient les pays jeunes qui misent sur leur dynamique démographique, sans en accepter parfois toutes les conséquences démocratiques ou les pays vieillissants chez qui le sentiment d’un asservissement d’une génération au profit d’une autre émerge fortement.

Ce défi générationnel prend en France plusieurs dimensions.

Une dimension culturelle liée au métissage croissant des jeunes générations. Les frontières amoureuses et amicales étant heureusement de plus en plus poreuses, une France métissée émerge poussée par les jeunes générations qui au travers le modèle de leurs icônes mondialisées, ou tout simplement leur vécu de terrain, imposent un métissage culturel à la société française. Ce qui est déjà vrai aux Etats Unis, quand des études soulignent l’émergence d’une élite métissée et mondialisée, sera également vrai en France. Le premier défi que nous devons relever collectivement sera donc d’ordre culturel : éviter l’affrontement entre une jeunesse qui expérimente le métissage et une jeunesse refusant le mélange et l’ouverture culturelle.

Cette question du métissage doit être comprise dans toutes ses formes et concerne autant le jeune dit « gaulois » craignant les dangers d’une mixité raciale que le jeune « issu d’une immigration récente » plaçant l’appartenance communautaire ou religieuse comme préalable à toute forme de rapport de confiance.

Ce premier défi, sur fond de populisme européen et de montée du repli communautaire, doit rester la priorité de la politique de François Hollande en direction de la jeunesse : accompagner la mutation culturelle de la société en évitant un affrontement identitaire.

Les sujets de frictions sont nombreux : du respect des identités religieuses y compris au sein des couples mixtes, en passant par les défis sociaux à relever en faveur des jeunes dont les parents sont issues d’une immigration pauvre ou l’existence encore très forte de clichés interraciaux.

Pour relever ce premier défi, la culture est le seul moteur du dialogue. Il faut pour ce faire s’appuyer non pas sur la gestion culturelle à la française axée sur les nominations institutionnelles mais sur un projet culturel puissant, inspiré du travail des grandes métropoles françaises comme Paris, Lille ou Nantes qui ont su porter un projet culturel fort et fédérateur pour affirmer leur identité urbaine. Ce grand projet culturel nécessite la redéfinition de la notion de patrimoine culturel français et un combat pointu en faveur de la réelle diversité culturelle française et non pas celle rêvée par une petite élite.

C’est néanmoins sur le terrain économique que la situation est certainement la plus urgente mais c’est au final dans cette dimension que la réponse est la plus facile politiquement. C’est parce que les indicateurs sont tous dans le rouge que le défi doit être gagné. Chômage exorbitant des jeunes, existence d’un iceberg social à la dérive qui a désormais un nom NEET « sans emploi, sans formation, sans recherche active », flambée de la pauvreté chez les moins de 25 ans, envie pressante de s’expatrier chez les jeunes diplômés.

La seule issue est d’imposer la jeunesse comme grande cause européenne et que les pays comme l’Allemagne qui en ont les moyens, acceptent d’investir massivement en faveur d’une relève générationnelle particulièrement dans les pays du sud. Le chemin est pris en France sur l’éducation, les aides à l’emploi ciblées, la création d’un vrai statut étudiant ou celle d’un revenu minimum pour les jeunes précaires. Ce combat doit être prolongé à l’échelle européenne dont les institutions ont peut-être enfin compris que leur survie dépendra de leur capacité à redonner une perspective aux jeunes générations. Le projet ne pourra survivre sans une réflexion autour d’un revenu citoyen minimum européen. Ce sera certainement tout l’enjeu des prochaines élections européennes.
En effet, c’est au nom de l’effort national en faveur de la jeunesse que la collectivité pourra accepter les efforts et concessions obligatoires, efforts historique des plus riches ou des plus protégés socialement, qui sont souvent en France aussi les plus âgés. Il est nécessaire de le chiffrer précisément et d’expliquer l’impact des décisions sur les générations futures en rendant visible et compréhensible au grand nombre le bilan intergénérationnel de chaque décision.

Enfin, ce n’est que par un nouveau modèle politique que le combat en faveur de la jeunesse pourra être gagnée dès 2017. La promesse de renouvellement n’a pas pu être tenue réellement à l’assemblée nationale en 2012. La moyenne d’âge y est sensiblement la même que les mandatures précédentes et les profils des députés n’ont pas fortement changé.

Néanmoins, le processus du non cumul des mandats est engagé et la diversité générationnelle ainsi que la mixité sociale et culturelle des candidats aux législatives de 2017 seront les seuls garants, ou non, d’une dynamique politique pour le président sortant.

Mais au delà des futurs élus, c’est dans l’exercice du pouvoir quotidien que le métissage politique doit être conduit. Métissage social en garantissant la valorisation des parcours alternatifs, métissage culturel en regardant systématiquement la composition de ses équipes avec les questions permanentes en tête « je discrimine ? », « vais-je vraiment chercher tous les talents ? ».

C’est dans ce métissage politique que la jeunesse de 2017, et la société française dans son ensemble, se reconnaîtront ! ou pas…

Bruno Laforestrie

 

 

 

Bruno Laforestrie

 

Texte paru initialement dans le Huffington Post le 12 février

 

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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