Un budget européen qui sacrifie la solidarité

« Les politiques de l’UE doivent être conformes aux principes de subsidiarité, de proportionnalité et de solidarité et doivent également générer une véritable valeur ajoutée. » (Conclusions du Conseil européen du 8 février 2013, paragraphe 1).

Voilà qui a le mérite de la franchise ! Mais pourquoi associer le budget européen au principe de subsidiarité ? Comment placer côte à côte la solidarité et la subsidiarité ? La solution est simple : il suffit de ramener le budget de 1,08% du RNB (proposition de la Commission européenne) à 0,95% (le budget adopté en crédits de paiements). J’invite les plus courageux à lire les 49 pages des conclusions du Conseil européen relatives au cadre financier pluriannuel (ci-après CFP).

Un certain nombre de ces paragraphes sont consacrés aux mécanismes bureaucratiques qui seront mis en œuvre pour veiller à des dépenses au plus près (« Il incombe à l’Union européenne, en prévoyant certaines conditions, des contrôles approfondis et une évaluation efficace des performances, de s’assurer que les ressources sont mieux dépensées. », paragraphe 9 des conclusions précitées). Pourquoi cette annonce et cette insistance sur les contrôles ? Les Européens voudraient amplifier les soupçons de fraude et de malversation entourant, selon certains, l’utilisation des fonds européens qu’ils n’auraient pas fait autrement. De plus, il est à craindre que ces « conditions » et « contrôles approfondis » rendront tellement compliquées les attributions desdits fonds qu’il en restera en 2020 ce qui constituera l’éclatante démonstration de ce que les économies sur le montant des dépenses auraient pu être plus fortes encore que celles obtenues par David Cameron et ses « alliés ». Ce dernier terme est de lui. Fêterons-nous le 60ème anniversaire du traité de l’Elysée après la redistribution des cartes politiques qui se dessine après le dernier Conseil européen des 8 et 9 février 2013 ?

Des progrès figurent-ils dans le CFP ? Il faut chercher une telle perle ! Prenons la garantie pour les jeunes, devant aider à leur insertion professionnelle. La somme de 6 milliards d’euros est consacrée à cet objectif pour les années 2014-2020, c’est-à-dire pour toute la période et non par an. Or combien coûte aux Européens le chômage des 18/35 ans qui concerne 25% des jeunes Européens en moyenne, avec des pics de 55% en Grèce ou 45% en Espagne ? La coquette somme de 150 milliards par an ! L’effort de solidarité au travers du budget européen se monte à 0,04% du coût réel sur les 7 années du cadre financier pluriannuel. Retenez ce chiffre et relisez les conclusions précitées. Comment ne pas être en colère dans de telles conditions ? Ce sont les mêmes dirigeants qui ont voté le CFP qui, avec émotion, s’émeuvent de la montée du populisme et du nationalisme en Europe. Mais comment se sentir encore pro-européen ?

Par ailleurs, le Programme Européen d’Aide au plus Démunis (PEAD) aurait été « sauvé », en passant de 3,5 milliards pour 17 Etats membres à 2, 5 milliards d’euros pour …28 Etats membres ! Le ministre délégué chargé de l’Agroalimentaire, Guillaume Garot, aurait promis que la différence, entre ce que les associations caritatives françaises touchaient par an de l’Europe (70 à 77 millions d’euros) et ce qu’elles percevront avec le nouveau CFP (15 millions d’euros), soit 60 millions d’euros serait couvert à « l’euro près ». Qu’en penser ? Tout d’abord, où trouver ces 60 millions d’euros ? Sur quel budget récupérer ce montant ? Mais surtout, comment parler encore d’une Europe solidaire et sociale quand les budgets frappés de restriction touchent les jeunes (une « garantie pour les jeunes » bien faible, un budget Erasmus en déficit) ou les plus fragiles (le PEAD) ? Comment ne pas voir, qu’en l’occurrence, une brèche est ouverte dans la solidarité européenne en ce qu’une dépense auparavant financée par l’Union est « renationalisée » ?

Comment, dans ces conditions, ne pas nourrir le populisme en Europe lorsque nos concitoyens peuvent constater les milliards mobilisés pour les banques et la faiblesse de la solidarité de l’Europe en faveur de ceux qui en ont le plus besoin ?

 

Jean-Luc Sauron

Professeur à l’Université Paris-Dauphine

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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3 Commentaires

  1. Depuis plus d’un an, pour palier aux aides qui vont se faire de plus en plus rare, j’ai organisé un système de dons permettant d’acheter un produit et de reverser l’intégralité des profits et en plus de pouvoir redistribuer l’aide fiscal.
    C’est une initiative citoyenne et j’espère qu’au fur et à mesure cette idée comme certainement d’autres pourront aider à passer ce cap difficile qui malheureusement risque de durée un certain temps.

  2. Entièrement d’accord avec ce triste constat.

    Cela me renforce dans l’idée qu’un véto de François Hollande aurait clarifié les positions des uns et des autres, et éviter que l’intérêt des Français pour l’UE ne se transforme en opposition.

    On dit que Hollande ne pouvait pas faire cela tout seul; de Gaulle l’a bien fait avec la politique de la chaise vide!

    Le consensus mou ne sert que les intérêts des plus déterminés; aujourd’hui ce sont les anglais, qui eux, ont toujours eu une vision de l’Europe: le libre échange et pas plus.

    • De Gaulle avait refusé l’entrée des Anglais, et pour cause ce sont les amis exclusif des Américains. L’ Europe aurait toujours du rester à 6 et faire des partenariats.

      J’ai une solution pour créer 4 millions d’emploi qui ne coûte rien, uniquement un redéploiement des dépenses, ce qui permettrait par le même occasion de supprimer les déficits sociaux et relancer l’économie.
      Le problème comment se faire entendre par des politiciens qui sont aveugles, frileux et sans objectifs?

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