Ouvrons le chantier de l’Europe participative

Nous reproduisons ici la tribune collective publiée par le Le Monde le 14 mai dernier. Elle officialisait de notre part un cycle de travail participatif, qui s’est notamment manifesté par notre proposition de lobbying citoyen.

A l’aube des prochaines élections européennes, les crises populistes nous rappellent l’urgence de replonger l’Europe dans le Jourdain de la démocratie. L’éventualité annoncée de listes « gilets jaunes » pour les prochaines élections européennes, mais aussi le grand débat ouvert en France autour de nouvelles pratiques démocratiques entrent sans conteste en résonance avec l’immense défi pour l’exécutif européen de retrouver lui aussi la confiance des citoyens. En effet, la « machine bruxelloise » repose avant tout sur la négociation et la norme. Son pouvoir est par nature mesuré et dilué, donc moins saisissable encore pour les citoyens qu’un leadership national. Née en réaction aux totalitarismes du siècle dernier, la gouvernance européenne est l’exact contraire des nouveaux pouvoirs populistes en Europe, plutôt bruyants et bottés. Aujourd’hui, la maison européenne est devenue la cible incarnée d’un « dégagisme ultime», quasi ontologique, qui prétend libérer les classes moyennes européennes des maux qui font leur déclin relatif. Beaucoup aiment à résumer l’acquis européen à un entre soi oligarchique entre privilégiés mondialisés…

Dans ce contexte, la démocratie participative ne devrait elle pas s’inviter, en parallèle de la démocratie représentative, au sein même du processus de décision européen ? Prenons acte du fait que les réformes démocratiques engagées depuis le traité de Maastricht n’ont pas produit l’espace démocratique européen attendu. Un meilleur équilibre institutionnel au profit du Parlement européen n’a pas suffi. L’urgence démocratique du moment exige aujourd’hui d’explorer les possibilités d’un « pacte participatif européen » à même de porter le projet européen au delà du « dégagisme » actuel. Ce Pacte doit intégrer au sein même du fonctionnement de l’Union Européenne les acquis sociétaux de la révolution numérique. Ces acquis rendent aujourd’hui possible et nécessaire une participation plus présente et directe des citoyens.

La participation citoyenne aux affaires de l’Europe peut prendre des formes variées et mérite un vrai débat sur le contenu possible d’un pacte participatif européen. A ce titre, quelques pistes nous semblent prioritaires. Nous pensons particulièrement à la mise en place d’un forum de citoyens tirés au sort et réunis mensuellement à Strasbourg qui soit doté de réels pouvoirs d’influence sur les décisions des autres institutions européennes. Ce forum serait doté de financements et d’un secrétariat ad hoc. Il y aurait là l’occasion de repenser le sens du statut institutionnel de Strasbourg, au cœur des nouveaux défis démocratiques. En parallèle, une refonte complète de l’initiative citoyenne européenne s’impose, qui pourrait ouvrir un droit d’initiative législative pour le Parlement européen. Enfin, le financement public d’un droit au lobbying à Bruxelles pour tout citoyen serait une réponse forte aux critiques incessantes concernant le poids excessif du lobby des acteurs économiques privés en Europe. Imaginons une plateforme de lobbying citoyen qui permette à tout citoyen de mener et financer une campagne de lobbying à Bruxelles, s’il se sent impacté par une norme européenne.

En matières financières, le pouvoir budgétaire pourrait utilement être « redescendu » au niveau des citoyens via des budgets participatifs pour une partie raisonnable des budgets européens, dont l’exécution est locale. Une première avancée pourrait concerner les fonds régionaux européens avec un objectif modeste d’allouer à chaque citoyen européen la somme de 10€ par ans pour financer des projets en commun en lien avec leurs élus locaux.

Enfin, tout Président de la Commission européenne devrait obligatoirement avoir interagi directement avec les citoyens européens avant de s’installer à Bruxelles ! Nous l’envisageons notamment sous forme du financement public de rencontres citoyennes auprès des citoyens, qui seraient la condition formelle et préalable pour installer un candidat à la tête de la Commission européenne.

Le « chamboule tout » politique et populiste qui affecte nos démocraties met directement en question la valeur ajoutée du cadre européen tel qu’il fonctionne. Osons dépasser le seul affrontement de « l’Europe face aux populismes » pour imaginer « une Europe au delà des populismes » ! Soyons convaincus du nécessaire renforcement de la démocratie représentative par des processus puissant et objectifs de démocratie participative au sein de nos démocraties. Ouvrir le chantier de l’Europe participative, est un préalable indispensable pour rendre intelligible et légitime les nouveaux partages de solidarités et de souveraineté auquel la marche du monde convie 500 millions d’européens.

[author title= »Arthur Colin, Henri Lastenouse et Stefan Seidendorf » image= »https://www.sauvonsleurope.eu/wp-content/uploads/2018/09/logo-initiales-SLE.png »]Arthur Colin et Henri Lastenouse, membres de « Sauvons l’Europe », et Stefan Seidendorf, directeur adjoint de l’Institut franco-allemand de Ludwigsbourg[/author]

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2 Commentaires

  1. Vos propositions sont probablement pas mal, mais je crois que le vrai point est un autre, il me semble que le ‘citoyen’ ne s’intéresse pas vraiment. – Je n’ai jamais eu une impression de « dégagisme » au niveau de UE. Pourquoi? Je connais mes représentant au PE, ils ont un bureau avec sécrétariat ici, qui donne des réponses qu’ont j’ai eu une question, Surtout avant les elections il y avait beaucoup de discussions publiques, malheureusement je n’ai eu le temps pour aller discuter deux fois. Les « Junge Europäischen Föderalisten » proposent beaucoup de discussions, avec des représentation du EP de la Commission etc. Mais il proposent aussi un « Stammtisch » régulière. J’ai visité plusieurs fois le EP à Strssbourg comme a Bruxelles, j’ai visité avec une groupe deux fois la Commission. J’étais plussiers fois à la représentation du Land de Hesse et aussi de la Bavière (un site splendide, tout près du Berlymont), nous avons pu discuté avec les représentants et leurs collaborateurs, toujours bien informés. Je peux dire que j’ai toujours été bien recue par des gents engagés, mes questions ont été bien recue et j’ai toujours eu une bonne réponse…

  2. Nous pensons particulièrement à la mise en place d’un forum de citoyens tirés au sort et réunis mensuellement à Strasbourg qui soit doté de réels pouvoirs d’influence sur les décisions des autres institutions européennes. Ce forum serait doté de financements et d’un secrétariat ad hoc.
    Voila encore une nouvelle usine à gaz budgétivore. Ce forum doit se tenir au sein des commissions de L’Assemblée Nationale et Européenne pour ne pas coûter un centime de plus aux contribuables qui font tout pour fuir le raquet du fisc Ce forum doit être financé par les économies à réaliser sur les trop nombreux députés de ces deux assemblées.
    L’urgent est de décider pour une Europe démocratique, de faire le choix d’une langue commune officielle. Est-il convenable de vouloir unir des peuples qui ne se comprennent pas, c’est l’aberration la plus totale. Ne soyons pas la risée du monde ! Ne retenir dans l’union seulement les pays désireux d’avoir une langue commune à choisir par référendum. L’Europe pourra enfin entrée dans le XXI e siècle.
    Rejoignez l’UCEF « Union des Citoyens Européens Francophones »

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