Les dernières semaines, deux débats ont à nouveau secoué Bruxelles sur la Hongrie de Viktor Orban. Le premier était son exclusion du Parti populaire européen (PPE) auquel appartiennent les Républicains, à la demande de son président. Plusieurs délégations nationales s’y étant opposées, dont la française, le sujet a été abandonné sans vote. Le second était une résolution du Parlement européen demandant la reprise des procédures de l’article 7 de protection de l’Etat de droit contre la Hongrie et la Pologne, à laquelle les Républicains français se sont opposés. Pourquoi ?
Il y’a un consensus relatif sur l’état clinique de la démocratie et des droits de l’homme en Hongrie, qui s’appuie sur la CJUE et la CEDH, l’OLAF, l’ONU, l’OSCE, le Conseil de l’Europe, le conseil international des Barreaux, la Commission de Venise, etc. :
- Démocratie : tripatouillage des circonscriptions électorales couplé à une élévation des majorités qualifiées dans la constitution, que l’opposition ne serait plus en mesure d’atteindre même si elle gagnait les élections compte tenu du point précédent.
- Justice : destruction de l’indépendance des juges constitutionnels, administratifs et criminels, renvoi des juges existants. Corruption extrêmement forte.
- Médias : Pôles de médias amis, poids très important de la propagande gouvernementale, censure des médias à travers le durcissement de la diffamation et la réduction de la protection des sources.
- Associations : harcèlement administratif des ONG, restriction des financements étrangers.
- Universités : fermetures des universités étrangères, limitation des libertés académiques sur des sujets comme l’immigration, par exemple.
- Social : interdiction de facto de la grève.
- Discrimination des Roms, sans même évoquer les demandeurs d’asile et les migrants.
Tout ceci constitue un ensemble un peu gênant, pour lequel les instruments européens font décidément défaut au-delà de la pression diplomatique et des recours devant les tribunaux. Pour mémoire Sauvons l’Europe propose de mettre une condition de respect de l’Etat de droit au versement des fonds européens.
Que peut faire le PPE, dont est membre le parti d’Orban ? Une première possibilité est la rupture et l’exclusion. Elle est prônée par Tusk, son président. Une seconde est la pression interne, dont il faut dire qu’elle obtient des résultats : le suivi de ces problématiques par un ensemble d’institutions oblige le gouvernement hongrois à céder du terrain au fur et à mesure, et à ne pas aller jusqu’au bout de ses idées. Mais, de fait, Orban se sent déjà libre de participer cette semaine à des meetings communs Salvini / Marion Maréchal Le Pen. Autant dire qu’il lorgne fort sur une autre famille politique.
Nous arrivons donc à une troisième possibilité pour le PPE : s’écraser pour garder les députés hongrois en interne. Dans les faits, la puissance des partis européens se mesure à leur nombre de députés inscrits, et les postes sont attribués à la proportionnelle. Si Orban part, le PPE perd en influence. C’est exactement la manière dont les conservateurs espagnols ou allemands en Thuringe se sont alliés avec l’extrême-droite pour atteindre une majorité, et le moins qu’on puisse dire c’est que c’est beaucoup plus inquiétant que les deux premières possibilités, qui sont au moins présentables.
Où en est la délégation française des Républicains dans ce débat ? Les prises de position publiques sont un peu contournées et on les sent le cul entre deux chaises, ce qui pourrait faire croire à la peu glorieuse option 3. Voici le contenu de leur explication de vote sur la résolution article 7 Pologne Hongrie : Il n’est pas possible de traiter deux pays différents dans la même résolution, surtout si on n’inclut pas Malte. Cette résolution est donc un « simple piège tendu pour diviser notre famille politique ». En d’autres termes, c’est un argument de procédure qui évite de se prononcer sur le fond, c’est bien pratique. Sauf que plusieurs membres de la délégation vont quand même se prononcer sur le fond.
Rendons d’abord hommage à Nathalie Colin-Oesterlé qui agrémente cet argumentaire d’un rappel préalable de son attachement aux droits de l’homme et à l’Etat de droit. Ce rappel n’est pas inutile, car les autres membres de la délégation ont choisi la quatrième possibilité : soutien à Viktor Orban sur le fond. Brice Hortefeux nous rappelle que les Hongrois ont bien voté Orban, et que, donc, pas de problème. Il réduit également les accusations contre le gouvernement aux seuls « dires » du rapporteur, en l’absence de faits établis, passant par-dessus l’ensemble des rapports de toutes les institutions qui s’amoncellent depuis 10 ans. Nadine Morano va plus loin : il s’agit d’une instrumentalisation qui vise Orban « au motif que celui-ci mène une politique migratoire courageuse et ferme contre l’immigration illégale, protégeant ainsi les frontières extérieures de l’espace Schengen ». Rappelons simplement qu’Orban ferme ses frontières DANS Schengen et que sa politique migratoire consiste essentiellement à laisser la Grèce et l’Italie se débrouiller seules. Enfin, voici le philosophe chéri de Versailles, l’élévation lumineuse d’une pensée qui puise deux mille ans de limpidité à la source chrétienne de l’Europe, François-Xavier Bellamy. Il va au-delà d’une simple explication écrite pour intervenir directement dans le débat en séance, et c’est du lourd :
Monsieur le Président, chers collègues, nous sommes tous ici d’accord pour dire que défendre l’Etat de droit est fondamental. Mais de quoi s’agit-il ici, de quoi s’agit-il en Hongrie ? Les élections sont-elles libres ? Oui. Y a-t-il des partis d’opposition, y a-t-il un pluralisme politique ? Oui. La presse a-t-elle le droit de critiquer le gouvernement ? À ce que je sache, il n’y a pas eu de journaliste assassiné en Hongrie et certains n’avaient pas ici la même énergie il y a quelques semaines, lorsque nous défendions l’Etat de droit, précisément. Le gouvernement a-t-il été légitimement élu ? En effet.
Alors maintenant, nous pouvons continuer ainsi, nous pouvons continuer sans faits et de manière gratuite d’insulter le choix qu’ont fait les électeurs hongrois. Il est tout à fait possible ici d’avoir des désaccords politiques avec M. Orban et c’est tout à fait légitime, mais nous n’avons pas le droit de transformer des désaccords politiques en critiques sur l’Etat de droit sans galvauder de manière dramatique ce que doit être la préservation de ces principes fondamentaux pour l’Union européenne.
Une députée PPE (!) allemande le relance : « même s’il est élu par la majorité des électeurs, est-ce que le gouvernement peut agir contre le droit, contre la démocratie, contrôler le système judiciaire, les médias qui devraient être libres, etc.? » . Et Bellamy lui répond que ceux qui mettent en place cette procédure sans démontrer les faits trahissent leur principes et « organisent la fracture entre les peuples européens ». Puis il se fait couper le micro.
Donc pour une bonne partie de la délégation française des Républicains, en matière de démocratie et d’Etat de droit, c’est Orban le parangon et le Parlement européen le fauteur de troubles. N’ayons pas de doute sur le fait que ces positions sont assez partagées dans le parti au niveau national. N’ayons pas de doute non plus sur le fait que s’enferrer dans la remise en cause de l’Etat de droit et dans la défense de la « Manif pour tous » ne peut donner aux conservateurs français d’autre destin que celui d’un groupuscule coincé entre le Front National et La République En Marche.
Merci pour cet article. Cette position des LR a été à peine mentionnée dans la presse française, ou pas du tout .Le Monde étant en ce moment essentiellement préoccupé à enregistrer ses micro-trottoir sur les manifestations.
La droite classique s’honore de vouloir se démarquer de personnages comme Orban… Ira-t-elle au bout de cette prérogative, j’ose l’espérer… car si l’on ne peut pas grand-chose contre la fraude fiscale ni contre la corruption, ni contre l’arrivée de gens comme Trump ou Poutine, au moins que l’Europe se consolide par la volonté de défendre des vraies valeurs, et se regroupe autour de la volonté de faire de la politique pour les peuples, et non pour la finance télécommandée par Washington
Je suis tout à fait en accord avec vous, à cela près que j’ai le sentiment que E. Macron mène une politique semblable à celle de Trump avec davantage de finesse peut être toutefois le résultat est le même…privilégier la finance et non sa population…
Contrairement à votre article, je pense que François-Xavier Bellamy a absolument raison ! C’est quoi cette « foutaise » de l’état de droit et des valeurs démocratiques? Au profit des ONG financées par Soros? Avez-vous songé que les peuples veulent vivre tranquillement sans « supporter » les musulmans qui nous sont imposés de force à travers d’ignobles traités signés derrière le dos du peuple ! Vous ne voyez pas la nouvelle réflexion qui commence à percer pour revenir aux valeurs chrétiennes et non F-M de votre état de droit? Les valeurs de l’Europe qui ont fait sa grandeur sont chrétiennes et rien d’autre que l’Évangile d’où coulent les règles de vie. Le drapeau de l’Europe est déjà amputé de la Vierge Marie qui était au milieu car c’était son étendard: Il est temps d’y revenir avec ou sans cette commission européenne de plus en plus coupée des citoyens. Orban a été élu démocratiquement par le peuple.
Ce genre d’opinion complotiste n’aurait rien à faire sur un site qui veut sauver l’Europe et mériterait juste le mépris.
Vous pensez donc comme la position internationale de la Hongrie, telle qu’exprimée par le Porte-parole du Gouvernement, que les membres des gouvernements de l’Union européenne sont au mains d’un milliardaire juif qui les manipule afin de dissoudre les identités nationales dans des migrations massives et la cohérence des Etats sous des prétextes de libertés publiques?(inspiré d’un autre article)
Mais le mot penser n’est peut-être pas adapté.
Laissez la Vierge Marie là où elle est c’est à dire au Moyen Orient.