L’Europe offre un spectacle assez étonnant sur sa gestion des achats de vaccins. Chargée de réaliser des achats en commun pour assurer que les petits pays parviennent à recevoir des doses, la Commission a conduit des négociations focalisées sur le prix et sur des garanties d’efficacité. En un sens, c’est une prouesse technique au milieu d’une négociation mondiale pour des produits rares. Mais dans un monde où, il y’a un an à peine, des émissaires détournaient des cargaisons de masques défectueux sur des tarmacs d’aéroports, cela révèle une attention excessive portée sur les détails du tableau.
Les doses théoriquement commandées apparaissent suffisantes, mais elles peinent à se matérialiser. Les labos semblent avoir vendu plus que ce qu’ils parviennent à produire et il se chuchote que l’Europe, payant moins, ne serait pas leur priorité de livraison. On attendait une réaction de l’Europe puissance, et le moins qu’on puisse dire est que les responsables européens ne se sont pas encore fait à cet habit.
On a tapé du pied, fort bien. Astra Zeneca a été convoqué, recadré, surveillé. Les doses produites sur le sol européen lui sont destinées prioritairement et leur exportation fait donc l’objet d’un contrôle renforcé. Et c’est ici que la question devait se poser : qui prive-t-on de ces doses ? Quels Etats tiers sont prioritaires ou sacrifiables dans la stratégie de la Commission ?
Le Royaume-Uni d’abord, qui vient après tout de nous clamer son désamour. Pourquoi pas, dans les mauvaises situations tous les choix se défendent. Mais la Commission a choisi cette superbe occasion pour rompre le tabou des contrôles à la frontière avec l’Irlande du Nord. Il semble que personne ne se soit rendu compte de la crise politique majeure que cela ouvrait, en fermant cette frontière au coeur de toutes les négociations internationales du Brexit pour des biens absolument vitaux. Dans les jours qui suivaient, Ursula Von der Leyen se défaussait sur son Commissaire au commerce, Dombrovskis. Ce dernier faisait savoir que cette mesure avait été envoyée depuis une autre direction générale et que ses services se contentaient de collationner les morceaux de texte, apparemment sans les lire. Heureusement que les Commissaires ne sont plus des technocrates, mais des politiques confirmés !
Les balkans ensuite. Plus ou moins inclus dans la stratégie vaccinale et financés sur ce point par l’Europe, ils en sont plus ou moins sortis. C’est à dire que les vaccins sont censés arriver, mais qu’ils ne sont pas là. En désespoir de cause, ils achètent désormais en Chine et en Russie, et leur procédure d’admission ne sera pas marquée au sceau de la solidarité.
Jean-Claude Juncker, premier président politique de la Commission, est sorti hier de sa réserve pour fustiger cet état de fait et l’erreur stratégique que constitue un achat de vaccin mesuré aux besoins de la population européenne. Selon lui, l’Europe aurait du se fournir en quantités suffisantes pour être en mesure d’assurer l’accès aux vaccins à l’ensemble du monde. Pour éradiquer le virus, l’Afrique ne peut pas attendre plusieurs années. Les coûts sont négligeables par rapport à l’ensemble des confinements qui se succèdent.
Reposons alors la question : que peut faire l’Europe ? Le rôle de centrale d’achat a été plus ou moins tenu, et si quelques pays font mieux les Européens sont parmi les plus vaccinés de la planète. Le problème est désormais celui de la production. Les capacités sont manifestement insuffisantes pour vacciner le monde, comment peuvent-elles être augmentées ? Il va falloir sortir d’une négociation sur les prix et mettre en place des solutions industrielles.
JC Junker est bien naïf. Tout le Monde se fiche complètement des autres et l’Europe est finalement bien la seule à faire un effort de solidarité inter-nations. La Russie comme la Chine s’occupent des restes du Monde , à leur manière habituelle, en vendant leur marchandise. L’Europe aurait pu le faire, en plus solidaire, si elle avait eu ses propres vaccins, mais hélas ce n’est pas le cas. Alors avant toute chose donnons nous les moyens adéquats, puis grâce à ceux-ci, appliquons nos principes moraux.