D’une façon générale, il n’est pas toujours simple d’interpréter des résultats électoraux : le plus j’essaie de me livrer à ce genre d’exercice, le plus j’en ai retenu qu’il fallait savoir conserver une certaine prudence et une vraie humilité surtout lorsque l’on s’aventure vers des prédictions à moyen terme basées le plus souvent sur de simples extrapolations. Ce qui s’est passé dimanche dernier en Catalogne illustre bien ce propos : à première vue le résultat parait clair et ses conséquences plutôt inquiétantes mais, si l’on regarde dans le détail, on se rend compte qu’il existe également, et cela sans doute pour la première fois depuis le début de cette crise catalane, la possibilité d’un chemin certes étroit mais réaliste qui pourrait conduire à une solution négociée.
Commençons par la mauvaise nouvelle : les partis sécessionnistes dans leur ensemble progressent de 4 sièges et surtout, ils franchissent pour la première fois la barre des 50% en termes de suffrages. Même si cette performance peut être relativisée par la forte abstention, elle n’en reste pas moins réelle. Les trois partis concernés seraient donc tout à fait légitimes à estimer qu’ils ont obtenu un mandat pour former un nouveau gouvernement indépendantiste. Ce qui est d’ailleurs à ce stade l’option la plus probable. Même si elle présente un certain nombre de difficultés pratiques, notamment les relations entre ERC et Junts qui ne sont pas au beau fixe – et qui pourraient empirer du fait de la frustration des seconds à être devancés pour la première fois par les premiers – ou encore les réticences du très radical petit parti d’extrême gauche CUP qui a encore progressé en nombre de sièges, celles-ci ne semblent pas de nature insurmontables et les négociations finiront par aboutir si il existe une réelle volonté de parvenir à un accord. En réalité, la vraie question est d’une tout autre nature : pourquoi maintenir une stratégie qui a montré depuis plusieurs années qu’elle ne fonctionnait pas et qu’elle contribuait uniquement à attiser les tensions ? Alors certes, rien ne dit qu’un gouvernement indépendantiste dirigé par ERC n’adopterait pas un ton plus conciliant envers Madrid mais force est de constater que Junts se situe depuis des mois sur une attitude bien plus dure, sans parler du fait qu’un gouvernement bipartite serait minoritaire et dépendrait alors du soutien externe d’une CUP très extrémiste. Le risque serait donc grand de demeurer dans cette impasse stérile voire, pire encore, de retomber dans une surenchère qui conduirait à de nouvelles actions illégales.
Or, il existe une autre lecture possible de ces élections catalanes et qui consiste à dire que, finalement, les électeurs des deux principaux camps – constitutionnels et sécessionnistes – ont opté pour la modération en choisissant de part et d’autre les forces politiques les plus ouvertes au dialogue. C’est évidemment vrai avec le PSC qui, pour la première fois de l’histoire régionale, est arrivé en tête en nombre de sièges, certes à égalité avec ERC. Bien sûr, les Socialistes ont d’abord et avant tout réussi leur pari de placer la crise sanitaire et la défense des services publics au premier plan de leur campagne et le choix de l’ex ministre de la Santé, Salvador Illia, s’est finalement avéré payant. Mais le fait que les principaux gains du PSC aient été enregistrés aux dépens de Ciudadanos, un parti beaucoup plus dur et hostile à tout aménagement du statut d’autonomie, tendrait à signifier qu’un certain nombre d’électeurs constitutionnels valident la stratégie d’un gouvernement Sanchez davantage ouvert à la discussion. Chez les indépendantistes, la situation est finalement assez proche puisque ce sont les pragmatiques d’ERC qui sont arrivés devant les « durs » de Junts. Or, on le sait, ERC avait accepté de s’abstenir lors de l’investiture de Pedro Sanchez à Madrid et a récemment voté le budget du gouvernement, démontrant ainsi sa bonne volonté. Au delà de l’approche stérile du bloc contre bloc, il pourrait donc exister une certaine logique à tenter de former un gouvernement régional transversal, rassemblant les trois forces de gauche que sont le PSOE/PSC, ERC et Podemos sur un mandat qui pourrait porter sur l’ouverture de négociations avec Madrid concernant certaines modifications du statut catalan qui impliqueraient une autonomie encore renforcée.
On l’a souvent vu dans l’histoire et en d’autres lieux, la fenêtre de tir pour parvenir à un accord n’est jamais très longue et lorsque le train est manqué, il peut l’être pour un moment. Même si on peut l’espérer, rien ne garantit que le gouvernement Sanchez survivra à la prochaine élection générale et ce n’est pas un gouvernement tripartite PP, Ciudadanos et Vox qui serait en mesure de dialoguer avec la Generalitat. C’est bien sur ce point que devrait porter la réflexion de ERC. D’autre part, une très large majorité d’Espagnols font de l’unité de leur pays un principe non négociable et sont, à juste titre, attachés à la Constitution de 1978 qui a incarné le retour à la démocratie. Or, tout nouveau référendum catalan serait de nature inconstitutionnelle et réformer le Préambule de la Constitution impliquerait une majorité des deux tiers au sein de deux Cortes successives ainsi qu’un référendum dans l’ensemble de l’Espagne : autant dire que les chances sont proches de zéro et que ERC court après une chimère. Il serait sans aucun doute plus productif pour ce parti d’opter pour la stratégie du Parti Nationaliste Basque (PNV) qui, sinon en théorie du moins dans les faits, a renoncé à l’objectif de l’indépendance pour le Pays Basque au profit de négociations successives qui ont fait de cette région l’une des plus autonomes d’Europe. De son coté, le PSOE a toujours défendu le concept d’une fédéralisation de l’Espagne et il faut se souvenir que l’annulation en 2010, par le Tribunal Constitutionnel saisi à l’époque par le PP, d’un certain nombre de dispositions prévues dans le dernier statut d’autonomie catalane négocié par le gouvernement Zapatero 4 années plus tôt, aura constitué avec le recul l’une des premières étincelles ayant conduit à la crise catalane.
S’agissant de la droite, le PP a d’ailleurs réalisé une performance très médiocre même si ce parti n’a jamais été un acteur majeur en Catalogne. Bien que n’étant pas en danger immédiat, le jeune leader du parti Pablo Casado se trouve néanmoins fragilisé face à l’offensive des barons régionaux qui réclament un certain nombre de changements. Il sera intéressant en particulier de suivre le comportement du Président de Galice, Alberto Nunez Feijoo, souvent perçu comme un rival potentiel de Casado. Du coté de Ciudadanos, le résultat est en revanche franchement catastrophique puisque le parti a perdu sur les deux tableaux : l’essentiel de ses électeurs centristes se sont dirigés vers le PSOE et ceux qui étaient attirés par sa ligne intransigeante face aux sécessionnistes sont partis vers Vox. Un désastre en Catalogne qui est particulièrement rédhibitoire pour un parti dont les cadres sont en grande majorité issus de cette région. Si l’on ajoute à cela les sondages médiocres sur le plan national, la question de la survie même du parti pourrait se poser à moyen terme. Comme souvent, c’est l’extrême droite qui profite de l’affaiblissement de la droite avec une nouvelle percée de Vox dont le discours nationaliste aura plu à une partie de l’électorat.
Le PSOE et le gouvernement Sanchez sortent en revanche renforcés de cette élection : le pari Illia, assez risqué, aura très bien fonctionné et permet au PSC de se présenter très clairement comme le leader du camp constitutionnel. Bien que confronté à des tensions de plus en plus graves avec Podemos et à des attaques récurrentes de la droite, Pablo Sanchez peut à priori tranquillement voir venir jusqu’à la fin de la législature grâce à l’enchainement de deux bonnes séquences : le vote positif du budget en fin d’année 2020 et, donc, la performance du PSC en Catalogne. Ce qui pourrait lui donner les coudées franches pour régler enfin la crise catalane mais cela implique la coopération de ERC qui, à l’heure où j’écris ces lignes, semble malheureusement davantage sur la voie de la formation d’un énième gouvernement indépendantiste plutôt que portée vers le choix de la responsabilité. Affaire à suivre…
difficile à comprendre pour un français qui ne connait de son histoire que le culte du centralisme initié en 987 et toujours d’actualité aujourd’hui ou les notions d’état, de nation, de collectivité et d’individualisme se mélangent gaillardement, se fondant sur un ancêtre commun soit disant gaulois.
Pourquoi l’indépendance de la Catalogne serait forcément mauvaise et les empires coloniaux bons? L’indépendance de la Slovaquie a- t-elle été une mauvaise chose et allez expliquer aux Estoniens, Lettons, Lituaniens que c’était mieux quand ils étaient Russes, et essayez de justifier que c’était mieux pour l’Europe! L’homme est né pour être libre et les peuples ont droit à l’autodétermination. C’est aux Catalans et à eux seuls de choisir leur destin!
Par ailleurs, ce droit est reconnu internationalement depuis 1945…
Visca la Republica catalana
La meilleure stratégie pour sauver l’Europe est de reconnaitre les diverses nationalités et d’aller vers les Etats Unis d’Europe.
Les élections catalanes renforcent les partis indépendantistes et c’est une bonne chose pour l’Europe.
Un catalan ne sera jamais un espagnol. Un écossais ne sera jamais un anglais.
Et un occitan jamais un vrais français