Panique sur le Brexit

Le gouvernement de sa gracieuse Majesté veut renégocier le Brexit ! Le protocole Nord-irlandais se révèle inadéquat, les unionistes alliés de Boris Johnson étant fort fâchés de l’instauration d’une frontière douanière au sein du Royaume-Uni, dans la mer entre les deux iles. Ils ont d’ailleurs contesté le texte devant le juge local qui les a renvoyé à leurs pelotes.

La demande a été faite auprès des Européens, qui pour l’instant la considèrent avec une distance méfiante. Il est en effet difficile de négocier de bonne foi avec quelqu’un qui clame tous les quatre matins qu’il ne va pas respecter ses accords.

Dans l’attente, le gouvernement britannique appelle à se montrer raisonnable, c’est à dire à ne pas appliquer l’accord de Brexit parce que ni les douanes, ni les industries nationales ne sont prêtes. Il est difficile de dire ce qui dans cette impréparation relève du chaos lié au processus historique du Brexit, ou plus prosaïquement d’un gouvernement notoirement moins attaché à la réalité de terrain que ses prédécesseurs. Ni l’Irlande, ni la France, ni les Pays-Bas ne se trouvent si démunis face à la nouvelle situation, ayant conduit leurs préparatifs à temps.

La seconde branche de ce jeu incompetent cop / bad cop est la menace de suspendre purement et simplement le Protocole. Les ministres anglais se réfèrent à son article 16, qui ouvre cette possibilité en cas de situation grave, imprévisible, et après un échec des processus de négociation dans des comités de résolution. Inutile de dire que le fait que la création d’une frontière allait poser des problèmes n’était pas vraiment imprévisible. Ce qui est en cause, ce n’est pas une catastrophe naturelle mais la nature même du Brexit.

Car le problème principal est que Boris Johnson ne propose aucune solution dans sa demande de renégociation. Changer le protocole, d’accord, mais pour quoi faire à la place ? La réalité est qu’il n’en sait rien ou ne veut pas l’assumer. L’accord de paix en Irlande du Nord reposait sur l’existence d’une Union douanière dans le cadre européen. Pas de douane, pas de frontière. Un Brexit aurait pu exister qui conserve le Royaume-Uni dans le marché unique, c’est d’ailleurs celui que défendait Boris Johnson pendant le référendum. Mais cela signifiait continuer à appliquer les normes européennes et cette demi-mesure n’était plus acceptable passé le choc du référendum.

D’une manière ou d’une autre, le Brexit impose une frontière et l’accord du Good Friday interdit une frontière entre les Irlandes, de même que l’Acte d’Union entre l’Irlande et le reste du Royaume-Uni. Il n’existe pas de sortie logique à cette situation, seulement des accommodements. La proposition actuelle, à l’initiative de Boris Johnson n’est pas meilleure ou pire qu’une autre et toute autre proposition sera insatisfaisante. C’est pourquoi il n y a pas d’autre proposition.

En guise de conclusion, rapportons ici la mésaventure de l’accord Ukraine – Royaume Uni. Signé en octobre 2020, il symbolisait le retour à la souveraineté commerciale et a été présenté en grande pompe par Boris Johnson, désormais un peu embarrassé. C’est que le Royaume-Uni n’a pas la capacité technique de négocier des accords avec l’ensemble des pays concernés et s’est donc lourdement reposé sur une politique de reprise des accords de commerce européens plus ou moins tels quels. L’accord étant entré en vigueur en janvier, l’administration qui préparait des fiches de vulgarisation pour les entreprises a eu la surprise de découvrir que Londres s’y engageait… à respecter les normes européennes. Une modification du traité est prévue, tout à fait habituelle et bégnine assure-t-on du côté anglais en regardant fort ses chaussures. Des fonctionnaires européens indiquent qu’ils ont été assez étonnés de lire certains passages de l’accord quand il a été publié et qu’ils rigolent bien.

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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10 Commentaires

  1. Comme toujours, pour arriver au pouvoir, beaucoup d’hommes politiques font des promesses qui ne seront jamais honorées.
    Boris JHONSON est le prototype même de ces individus prêt à vendre son âme pour arriver au pouvoir, peu importe les conséquences ?
    Certains d’entre nous les écoutent par naïveté, stupidité, inconscience ?
    J’ai une pensée émue pour tous nos amis britanniques qui ne voulaient pas de ce brexit, notre Europe n’est-elle pas belle sous le drapeau de la fraternité de tous les peuples qui la compose, le programme ERAMUS en est un des exemples.

  2. Et ça, pour ceux qui lisent l’anglais, n’est-ce pas croquignolesque ?
    https://www.independent.co.uk/news/uk/politics/brexit-eu-flag-covid-recovery-cash-councils-b1889502.html

    Le gouvernement du Royaume-Uni donne l’ordre aux conseils locaux (villes, etc.) d’arborer le drapeau européen car c’est une condition pour recevoir les fonds du FEDER, auxquels ils sont éligibles jusqu’en 2023 et dont ils ont besoin pour pallier les conséquences de la Covid-19…
    On n’a pas fini de se marrer !

  3. Merci à Arthur pour avoir attiré l’attention sur ces nouvelles péripéties… mais qui ne surprendront pas celles et ceux qui ont lu « La grande illusion », ouvrage sous-titré « Journal secret du Brexit (2016-2020) » (Gallimard), que Michel Barnier a consacré à son expérience au jour le jour de négociateur de la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

    On peut ne pas partager toutes les « équations personnelles » (comme aurait dit le Général) de l’auteur de cet ouvrage. Mais les faits qui y sont rapportés constituent un intéressant témoignage de l’amateurisme avec lequel les apprentis-sorciers du Brexit, au-delà de leur mauvaise foi, ont improvisé leur « escape game » tout en échouant à diviser les 27 Etats membres ayant choisi de ne pas s’engager dans une voie aussi périlleuse, Avis aux partisans du « Frexit », dont certains promoteurs, tout en se réclamant eux aussi du Général évoqué plus haut, reflèteraient plutôt un gaullisme très superficiel, comparé à celui dont Michel Barnier peut se prévaloir.

  4. Merci Arthur pour ce si bon résumé et ces informations de première main, à côté desquelles on peut passer même ici à Bruxelles ! A nous croiser bientôt !

  5. L’application de l’article 16 était plus ou moins prévisible. La mauvaise foi de B.J. était par contre certaine. Je n’ai jamais compris pourquoi l’Europe avait accepté cet accord bancal et incomplet.
    L’explication se trouve peut-être dans le livre de Michel Barnier. Mais le mot secret de son titre n’est-il pas inquiétant pour le citoyen européen moyen ?
    Merci des explications simples que je recevrai peut-être sur ce forum.

    • (@ Mollaret)
      Vous pointez du doigt un terme qui, en effet, pourrait a priori susciter quelque inquiétude – ou, du moins, quelque étonnement ou interrogation – auprès du « citoyen européen moyen ».

      Une manière pour l’auteur de rendre plus « mystérieusement attractive » la perspective d’une lecture ? Peut-être… mais là ne semble pas être l’intérêt principal de l’ouvrage. Celui-ci réside davantage dans le terme « journal », dans la mesure où les quelque 540 pages qui le « pavent » retracent au jour le jour les nombreuses étapes qui ont parsemé la négociation. On pressent que l’auteur, au-delà du recours fréquent aux réseaux sociaux pour faire part en temps réel des progrès ou des sur-place, sinon des reculs, des pourparlers, a tenu à consigner de manière scrupuleuse le déroulement de ces derniers. Un double souci pédagogique mérite par ailleurs d’être souligné: d’une part, une présentation liminaire de tous les acteurs qui ont pris part à la négociation tant du côté du Royaume-Uni que de l’UE et qui deviennent familiers au fil des pages; d’autre part, un glossaire situé en fin d’ouvrage pour expliciter un certain nombre de termes techniques eux aussi fréquemment employés, tels que « backstop », « Brexit steering group » ou « level playing field », voire pour bien différencier ce que représente un accord d’association par rapport à un accord de libre-échange ou à une union douanière – des hypothèses qui ont évolué au fil de la négociation.

      On peut rêver… mais il pourrait s’avérer intéressant de pouvoir un jour disposer d’un récit « en miroir » évoquant le « vécu » parallèle des négociateurs britanniques (David Davis, Dominic Raab, Steve Barclay, Olly Robbins, David Frost) – une succession de responsables qui tranche avec l’unicité qu’a pu incarner Michel Barnier, du début à la fin des tractations, pour ce qui est de l’UE.

      • (post-scriptum)
        Pour un témoignage particulièrement éclairant sur le « vécu » du Brexit, y compris quant à l’analyse en profondeur des causes de nature à expliquer les errements actuels (campagne mensongère des « Brexiters », impréparation et improvisations tenant à la personnalité de ses principaux promoteurs), on pourra lire avec profit le livre que Sylvie Bermann a consacré à cet évènement historique sous le titre «  »Goodbye Britrannia » (Stock, 254 pages)..

        L’auteure, fine analyste d’un pays qu’elle connaît bien – et pour cause – s’est en effet trouvée aux premières loges en tant qu’ambassadeur de France à Londres à l’époque de la rupture – d’où les accès privilégiés aux postes d’observation dont elle peut se prévaloir. L’écriture est conçue pour tenir en éveil le lecteur d’un bout à l’autre de l’ouvrage et emprunte même souvent à un humour … tout britannique, voire irlandais avec cette citation de George-Bernard Shaw, qui exprime de manière lapidaire l’illusion des Brexiters naïvement trop confiants dans un regain d’atlantisme à leur profit après la sortie de l’UE: « L’Angleterre et l’Amérique sont deux pays séparés par la même langue ».

  6. FUCK down , los coños de sus madres! Vous avez voulu vous barrer! C’est fini et j’appelle au boycot de vos produits! Mardralors!

  7. De Gaulle avait finalement raison: la perfide Albion n’a rien à faire avec l’Europe! Quelle reste attachée à l’autre côté de l’Atlantique!
    Mais c’est bien vrai que les Plantagenets et particulièrement Aliènor d’Aquitaine avaient une autre dimention!
    Pas de négociation avec des félons, la loi et rien qu’elle et bien durement!
    Particulièrement au niveau de la City!

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