La chaine européenne, dont le siège est à Lyon, meurt sans un bruit des acteurs locaux et nationaux.
Euronews, la chaîne de télévision multilingue européenne, va supprimer l’ensemble des postes de production de l’information de son siège lyonnais pour les déplacer en partie ailleurs. Monteurs, journalistes, cadreurs, tous ces emplois situés ici vont être supprimés. Et puis, après avoir vendu le bâtiment de la Confluence, pour fermer toute activité lyonnaise sans doute à terme.
Installée à Lyon depuis 30 ans, venue par volonté de François Mitterrand et du maire de l’époque Michel Noir, Euronews avait pour objectif de faire émerger un vrai espace public européen. Elle faisait venir à Lyon des profils internationaux et une vie médiatique européenne.
Un média pro-européen qui doit deux jours de revenus de Bernard Arnault
Malheureusement, la crise que traverse Euronews ne lui permet plus de maintenir son modèle économique actuel. Les subventions européennes ont diminué, celles de la Métropole de Lyon (qui s’était déjà retirée de l’actionnariat) supprimées, et le modèle publicitaire d’Euronews est compliqué. Si son site internet est rentable, ce n’est pas le cas de sa chaine télévisée, plombée par les déficits.
Euronews a accumulé deux jours de revenus de Bernard Arnault, soit environ 150 millions de dettes au cours des dix dernières années. Là où les grandes entreprises européennes auraient pu jouer un rôle de mécène, là où la Commission aurait pu essayer de faire de la chaîne un service public de l’information européen, il n’en a rien été.
Depuis sa création à Lyon au début des années 90, Euronews avait pourtant une mission importante, celle de donner la parole à toutes les voix de l’Union européenne, sans faire de distinction entre les langues et les pays. Ainsi que de susciter le débat paneuropéen. Le départ de la chaîne de Lyon signifie la fin d’un rêve européen, celui d’une ruche internationaliste qui permettait d’entendre les voix de l’Europe dans toutes ses langues, celle d’une nation européenne en construction
Un départ dans l’indifférence des acteurs locaux
Il est frappant aussi de voir le peu de mobilisation que suscite ce départ. Seule l’eurodéputée socialiste de Lyon Sylvie Guillaume, qui semblait peu impliquée vis-à-vis de la chaîne depuis son élection en 2009, a contacté jusque-là le personnel pour affirmer son soutien. Contactés par mes soins, plusieurs vice-présidents de la Métropole de Lyon ont déclaré leur indifférence au dossier.
Le représentant des salariés Alexis Caraco compte toutefois interpeller l’ensemble des parlementaires lyonnais (Thomas Rudigoz, Thomas Dossus, Marie-Charlotte Garin, Hubert Julien-Laferrière, Anne Brugnera) ainsi que le Maire de Lyon Grégory Doucet, son adjointe aux affaires internationales Sonia Zdorovtzoff et la Métropole de Lyon de Bruno Bernard et sa vice-présidente à l’International Hélène Dromain pour obtenir une réaction et un soutien de leur part.
Un abandon par un gouvernement qui se prétend pourtant pro européen
Mais c’est surtout à l’échelle de l’Etat et de l’Union européenne que les choses se jouent. C’est le gouvernement français de l’époque qui avait obtenu l’implantation de cette chaine à Lyon. Et celui d’aujourd’hui ni par la voix du Président de la République Emmanuel Macron, ni par sa Secrétaire d’Etat aux affaires européennes Laurence Boone n’a réagi. Alors que la ligne officielle du gouvernement est d’être pro européen, alors que la guerre en Ukraine unit le peuple d’Europe, on laisse mourir un des outils du rêve européen ici à Lyon…
[author title= »Romain Blachier » image= » »] Blogueur depuis de nombreuses années, Romain Blachier écrit sur différents supports lyonnais, nationaux et internationaux. Cette tribune a été initialement publiée sur LyonMag.com[/author]
Autre mauvaise nouvelle pour l’actualité médiatique européenne, Arte stoppe la diffusion de 27, le « Magazine des citoyens européens« . La dernière émission aura lieu le 4 juin prochain. La chaîne juge les audiences trop faibles et pointe la nécessité de réaliser des économies.
On voit bien dans ce double évènement qu’il y a loin entre les déclarations vertueuses d’un président du discours à la réalité de son engagement européen. C’est un peu toujours la même chose, beaucoup de bruit autour de discours lyriques et rien derrière de concret. C’est la même chose pour la francophonie et pour bien des questions qui n’ont de fait aucun intérêts réels pour lui et qu’il ne traite que parce qu’il ne peut faire autrement. Sur ce qui lui importe réellement, il est nettement plus silencieux. plus il parle moins il y a d’effets concrets.
Désolée pour vous toutes et tous. La disparition d’un organe de presse est toujours un mauvais signe dans une démocratie. Courage.
Merci Monsieur pour cet article. J’ignorais effectivement cette disparition. C’est plus qu’un échec, c’est un mauvais signe. Car l’UE n’est pas en train de se construire comme elle aurait dû : la langue anglaise accroît son hégémonie jour après jour, circonscrivant le débat européen directement accessible à une élite anglophone, pendant que le peuple se sent de plus en plus méprisé. Car quelles sont les politiques européennes de ces dernières années? L’Ukraine? Bien que l’invasion russe soit clairement condamnable et qu’il faille aider les Ukrainiens, nous suivons les Américains, sans développer aucune politique autonome. Le « green deal »? Très bien mais a-t-on réfléchi au rythme accéléré auquel nous allons l’imposer aux citoyens qui vivent dans leurs habitudes et dont un sur deux n’est jamais sorti de son pays? Le Brexit? Allez donc demander aux pêcheurs français ce qu’ils en pensent. Ca va mal finir.
N’étant pas non plus au courant de ce dramatique étouffement, je souscris en tous points à la réaction exprimée par Jean-Luc Laffineur… à commencer par son souci de la défense du multilinguisme – un combat à poursuivre par respect pour la citoyenneté européenne dans toute sa richesse.. Le plus paradoxal est que même mes amis anglais s’alarment de l' »impérailisme » de la langue de Trump, qui dénature par bien des manièresz l’élégance de celle du regretté Shakespeare… même si, à l’instar de Molière, son héritage a pu évoluer au cours des siècles.
Post-scriptum à l’intention des lecteurs dont le regard fixé en priorité sur la route qui défile devant eux ne jettent qu’un coup d’oeil occasionnel au rétroviseur: ce n’est , hélas !, qu’aujourd’hui que j’ai pu enfin mener à leur terme les réponses que je souhaitais apporter au commentaire publié par Sylvain Ascari à la suite de l’article du 20 mars consacré à la réforme des retraites. Bon courage à celles et ceux qui auront la témérité de s’y reporter ! J’en profite pour dire à Sylvie Guillaume que je l’ai mentionnée parmi les parlementaires exemplaires.
Bonjour,
en tant qu’ancien journaliste, je comprends bien que les personnels d’Euronews ne vivent pas un bon moment. Mais quant à la chaîne, si un média ne réussit pas dans le monde concurrentiel d’aujourd’hui, c’est qu’il a un problème de ligne éditoriale. En l’occurrence, je suis un partisan convaincu de la construction européenne, mais Euronews, que j’ai pourtant souvent regardé, n’a pas réussi à captiver mon attention parce que sa ligne éditoriale était trop proche de la multitude de chaînes d’information publiques et privées à laquelle nous avons accès aujourd’hui. Plutôt que de ce modèle-là, c’est peut-être un modèle comme LCP qui serait utile, et qui serait fait directement au plus près des instances européennes. Ou alors une grande chaîne d’information publique à l’ancienne, financée directement par le gouvernement européen. Et qui pourrait par exemple être en partie alimentée en programmes par toutes les chaînes publiques nationales. Voire avec des décrochages locaux comme France 3. Ayons de l’imagination, plutôt que de nous lamenter en permanence ! Des milliers de médias meurent chaque année et des milliers d’autres se créent…Quant à 27, c’était une bonne émission, mais si elle n’était pas regardée, c’est qu’il faut trouver un autre concept là aussi.
Tout le meilleur à tout le monde, vive l’avenir de l’Europe !
Française mais vivant à l’étranger depuis très longtemps, il fut un temps où comme télévision j’avais les chaînes du pays où je vis, plus TV5, Euronews, Eurosport, Arte, pour avoir la télé en langue française. Eurosport est très vite passé au tout anglais. Puis la TNT en France a permis aux Français expat de prendre une antenne parabolique d’accéder à toutes les chaînes françaises. Ce fut mon cas, et du coup j’ai cessé de regarder Euronews ouTV5.
Je ne suis donc pas étonnée du fait. Plus triste pour moi la disparition de tout programme destiné à informer le public des affaires européennes, j’aime bien, « la faute à l’Europe » sur Arte. Mais ce sont les chaînes nationales courantes qui devraient inventer des émissions qui font connaître les diverses manières de vivre et les infos de chaque pays où zones de pays, ceux du nord, ceux du sud, de l’est…. Les pays qui ont leurs histoires imbriquées, bref, de quoi éveiller la curiosité…. Mais il est certain que le gros des spectateurs s’intéressent à des choses plus proches d’eux, ou plus évidentes à saisir, plus récréatives, les jeux, le sport, les shows ou les talk-shows aux thèmes pas toujours importants pour l’édification d’une citadanie riche de la connaissance de l’autre, sous tous ses aspects.
le climat actuel, avec la guerre, les luttes politiques exacerbées ne favorise en rien ce que je souhaiterais pour l’Europe ou le monde même. Nous vivons une époque difficile, compliquée, passionnante en même temps, mais dangereuse. Nous tardins trop à nous attaquer à ce qui serait le plus important, le climat, la sobriété, le passage d’une société de pure consommation à celle de la décroissance qui est en route déjà mais que personne ne veut regarder en face.
Nous savons, mais nous de tournons le regard, la maison brûle comme à dit Chirac, et nous regardons ailleurs. Plus on attendra cette prise en main de l’affaire plus ça va nous coûter.
Merci pour cette Info, sans vous je n’aurais pas su que Euronews disparaissait.
Bonjour, dommage que l’on ne parle d’un média que lorsqu’il disparaît. J’ignorais même son existence, alors que je m’informe beaucoup. Cordialement.
Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le faire remarquer lors de la parution de cette opinion dans LyonMag, l’appréciation de l’auteur sur mon activité vis-à-vis d’Euronews le regarde.
Je précise pourtant que je fais partie du trop peu d’eurodéputés qui n’ont jamais manqué une occasion de défendre ce média alors qu’une grande partie de mes collègues s’y attaquaient, notamment en Commission de la Culture. Depuis de très nombreuses années, aucun syndicat ou salarié-e n’a jugé bon de nous saisir. Encore récemment, en raison des annonces faites, avons-nous réagi avec Laurence Farreng et Véronique Trillet Lenoir. Notre porte reste ouverte.
Une de mes émissions préférées, 27, disparaît .
Quelle tristesse …
Bonjour.
Je rejoins le commentaire de Monsieur HAMON, vous m’apprenez l’existence de ce média alors qu’il va disparaître.
L’Européen est sous informé concernant l’actualité européenne, pourquoi n’existe t’il pas une chaîne sur le modèle de LCP ou autre diffusée dans tous les état de l’UE ?
Soyons les bienvenus dans un monde, dans une Europe de l’ultra libéralisme où l’unique mot-clé est « rentabilité ». Commençons par nous poser des questions que certains se posent déjà: mais dans quelle société vivons-nous où des Bernard Arnaud ont de tels « salaires » et où d’autres se « crèvent » au travail pour des salaires de misère? Cette disparition étonne? Alors, il est temps de se réveiller et de regarder un peu autour de nous. La démolition programmée des services publics (hôpitaux, écoles, université etc), il est urgent aussi de s’en soucier, et ce, pour le bien de tous, de notre pays, de notre Europe souffrante d’un ultra-libéralisme, elle aussi. Il est temps de repanser et de repenser notre pays, notre Europe, avec le sens du partage, de l’échange et de la fraternité.
Je ne suivais pas Euronewws mais, par contre, J’apprécie énormément l’émission 27 du dimanche soir, qui permet de se faire une opinion objective sur le sujet traité, grâce à la participation de personnes de divers pays, de sensibilités et de professions différentes. Notamment, hier soir, j’ai bien apprécié que l’on ait stigmatisé le désintérêt de la plupart des gouvernements européens pour les transports en commun en général et le chemin de fer en particulier. A l’heure de la transition énergétique, il faut qu’ils mettent le paquet pour les transports, urbains, interurbains et internationaux par des moyens décarbonés, donc électriques majoritairement ferroviaires. Les lourds investissements immédiats seront rentabilisés à moyen et long termes, et la planète s’en portera mieux. Le vélo, même à assistance électrique, ne peut pas résoudre le problème comme le prétendent les écolos radicaux, qui ne tiennent pas compte de l’âge, de la forme physique et des problèmes dus aux intempéries.
Je souscris entièrement à ce que Katia Walker explique comme argument justificatif du problème… Il y a peu de temps, tous les amis de l’Europe que je suis et lis sur SLE, avaient l’air de réprouver très sévèrement le programme des FI et en particulier la personnalité de Mélenchon, le traitant d’ irréaliste et le trouvant trop catégorique dans ses prises de position.
N’étant pas d’accord sur tout avec lui et ses amis, je constate que sur de nombreux points il a raison : Mettre la priorité de nos actions sur la sobriété et l’économie circulaire « réelle », organiser cette décroissance qui se révélera non seulement nécessaire mais inévitable, revoir au niveau européen la fiscalité, combattre l’évasion et les paradis fiscaux en Europe même… Je sais que tout cela prend du temps et que les partis politiques se trompent sur leurs priorités.
Les hésitations des gens du PS qui ne savent plus où se retourner entre les traditionnels éléphants dont la lutte contre la finance a fait pschitt, et ceux qui sont avec la NUPES, voilà bien des gens qui comme moi voudraient sans doute une révolution… mais sans casser la baraque, sans les excès qui ne feraient qu’aggraver les choses…
Ah l’Europe… Quand chaque pays a tant de mal à s’organiser dans le consensus et la tolérance. Ici, où je vis, la chose politique est en effervescence également ! Ce qui est plus récent que dans notre France si souvent explosive.
C’est vraiment dommage, la perspective de réunir, dans un seul lieu, des journalistes de différentes nationalités était très nettement supérieure à celle d’avoir des journalistes nationaux dans plusieurs capitales de l’Union.
Maurice Guyader
Dommage, mais pour moi, Euronews ne donne pas vraiment des nouvelles d’Europe et encore moins de l’Union Européenne et c’est ce que j’apprécie à Sauvons l’Europe.
Bonjour, une question : vous dites que la chaine va « supprimer l’ensemble des postes de production de l’information de son siège lyonnais pour les déplacer en partie ailleurs ». Où va-t-elle les déplacer et si elle les déplace quelles sont les raisons pour lesquelles elle quitte la France?