L’Union Européenne, jusqu´aux confins ?

Voici que s’esquisse une Europe XXL… 

Par la voix de sa présidente, Ursula von der Leyen, la Commission européenne a recommandé officiellement l’ouverture de négociations d’adhésion avec l’Ukraine, mais également – et cela engage tout autant l’avenir de l’UE – avec la Moldavie. 

D’autant que dans le même élan, voici l’UE qui enjambe la mer Noire jusqu’en Géorgie.  En effet, l’exécutif européen a également annoncé avoir recommandé d’accorder à la Géorgie un statut de candidat officiel à l’entrée dans l’UE. Madame von der Leyen, a déclaré répondre aux « aspirations de l’écrasante majorité de ses citoyens à rejoindre l’UE » 

Pour mémoire, la Géorgie est à ce jour un pays en partie occupé par la Russie depuis 2008. Quant à la Moldavie, ce petit pays dénonce régulièrement des tentatives de déstabilisation de la part de Moscou. Enfin, dans la liste des pays qui sont loin d’être une sinécure, ajoutons la Bosnie. La Commission européenne se montrant aussi favorable à l’ouverture de négociations d’adhésion avec ce pays, qui s’il nous est plus proche au cœur des Balkans, reste toujours une poudrière politique.    

Nous revient peut alors en tête le couplet du chanteur Renaud : « Papa, c’est quand qu’on fait quoi ? ». 

Depuis la chute du Mur, le débat sur l’élargissement de l’Europe se posait en termes de capacité d’ajouter au Marché unique européen des pays largement moins développés que le socle industriel carolingien de l’UE. On y parlait « égoïsme des pays fondateurs » versus « dette historique » avec au cœur l’espérance d’une paix continentale portée par des valeurs communes.  

Les nouveaux élargissements sont d’une autre dimension qui s’ajoute aux précédentes. Il s’agit d’assumer des relations de frontières « ad vitam æternam » avec la Russie, mais aussi d’entrer de plain-pied dans les sphères d’influence turque et iranienne. Frontalier de la Géorgie, se trouve la fragile Arménie, qu’il ne sera plus si facile d’abandonner à son sort depuis sa rupture avec le grand frère Russe.

Le projet européen peut éventuellement, bien que difficilement, être dilaté à l’extrême, assimilant des États moins prospères, qui coûtent à la caisse commune. Mais peut-il accepter des frontières qui soient en contradiction avec son seul ADN, c’est-à-dire la paix par des solidarité de fait, soit une communauté de destin sans légions ni appétence impériale ?  

Henri Lastenouse
Henri Lastenouse
Vice-Président de Sauvons l'Europe

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13 Commentaires

  1. Je suis surpris de cette opposition à tout élargissement. Est-ce la position de Sauvons l’Europe?
    Logiquement cette opposition devrait s’étendre à l’Ukraine qui ne faisait pas partie de l’empire carolingien!
    Et pourtant la promotion de la paix passe par l’intégration de l’Ukraine dans l’UE.

  2. Je ne partage pas, Henri, ton approche très « carrée » d’opposition à de futurs élargissements de l’UE. Tu as cependant le mérite de « mettre les pieds dans le plat ». De futurs élargissements prendront nécessairement du temps, ils devront donner lieu à des processus sérieux de négociation et de dialogue avec les opinions publiques des Etats membres de l’UE. Nous n’échapperons pas en parallèle à une révision de nos modes de décision car ce qu’il est déjà difficile de décider à 27 se présente comme un casse tête à « plus de trente ». Mais nous devons aussi nous inscrire dans un chemin historique, qui devrait permettre à l’Union européenne de se placer clairement « en face de la Russie », sans trop tarder

    • Dominique Strauss-Kahn parlait de « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural , et de l’Arctique au Sahara » , et je partage aussi ce point de vue.

  3. Avant d’envisager tout élargissement, il faudrait, me semble-t-il , tirer le bilan de l’élargissement de l’U.E. aux pays de l’Est, notamment la Pologne et la Hongrie, mais pas que… Sinon, nous risquons de voir débarquer l’« orbanisme », avec son cortège de capitalisme sauvage, de xénophobie, de dumping social (travailleurs détachés) et fiscal, de démocrature, de trumpisme, de scepticisme climatique, etc. J’en passe et des meilleurs. Je sais qu’aujourd’hui, le pragmatisme géo-politique prime avant tout, mais la question essentielle est de savoir si celui-ci sera à même de réaliser l’Europe progressiste et écologique que nous appelons de nos vœux.

  4. Un regard sur les années récentes nous montre que tout élargissement de l’Union européenne est désormais contre-productif et même mortifère. Il s’avère impossible de forger une réelle identité européenne quand l’écart économique et/ou social entre les nouveaux Etats et les membres fondateurs est trop grand, et donc impossible à combler à moyen terme. La Hongrie ou la Pologne n’ont rien apporté à la construction européenne et les règles arbsurdes de décisions devant être prises à l’unanimité ont pour conséquence que ces pays entravent le développement de l’identité européenne. De la même manière, l’intégration de la Grande-Bretagne alors que les mentalités des citoyens n’étaient, pour diverses raisons historiques, pas prêtes a eu pour seul effet de ralentir l’intégration européenne, d’entraver la dynamique des institutions et d’affaiblir l’Europe. L’élargissement de l’UE ne doit pas été régi par des seules considérations politiques (il faut intégrer ceux qui font face à la Russie impérialiste) ou morales (il faut aider les Ukrainiens en souffrance ou les Moldaves en danger) mais intégrer également des considérations économiques, sociales et culturelles. Pour moi, l’enjeu est de renforcer, de consolider, et je dirais même, de commencer à construire réellement, l’Europe existante, avant de songet à un quelconque élargissement.

  5. L’Ukraine, comme la Moldavie et la Géorgie, ainsi que l’Arménie, de même que l’ensemble de la zone balkanique, politiquement assez fragile, sont européennes.
    Si elles souhaitent, toutes, entrer dans l’UE, elles doivent pouvoir le faire, à terme.
    Bien entendu, il nous faudra auparavant adapter nos structures décisionnelles à cet ensemble de candidatures disparates et en étudier les implications financières.
    Maurice Guyader

  6. Merci à tous pour vos commentaires qui vont dans le sens qu’un élargissement vers la mer noire demande des modifications structurelles importantes dans le mode de fonctionnement de l’UE. Il me semble néanmoins qu’il se pose aussi une question de nature car un tel élargissement demande comme je l’ai écrit un minimum de « goût d’empire », prêt à jouer un jeu de puissance avec ses voisins…loin du seul Marché Unique.

    • Il me semble qu’entre le « goût d’empire » aux parfums impérialistes, néocolonialistes et le « Marché unique », aux parfums libre-échangistes, néocapitalistes, il existe un large espace pour la construction d’une entité politique respectueuse des droits humains et environnementaux.

  7. Il me semble que les limites ultimes de l’UE sont de l’Atlantique à l’Oural, et de l’Arctique au Sahara. Ce qui ferait cinquante-cinq pays environ.
    La question de l’adhésion ou de la non adhésion de la Turquie correspond exactement à la non-reconnaissance du génocide arménien. Par ailleurs les limites que j’indique correspondent à l’inclusion des pays turcophones , jusqu’à la Chine. C’est une question qui n’est pas réglée.
    Concernant la Russie , quand la guerre avec l’Ukraine sera réglée, l’Ouest de l’Oural pourrait nous rejoindre, et la Sibérie deviendrait indépendante et pourrait être gérée comme une annexe de l’Ukraine (ainsi le lien de la Sibérie à la Russie ressemblerait un peu aux relation de l’Irlande avec la Grande Bretagne).
    Un autre point de repère: l’Asie est une montagne , l’Europe est une grande plaine qui commence en Lorraine pour toucher l’Ouest de la Sibérie , en passant par l’Allemagne et la Pologne, l’Amérique est constituée par deux fleuves Amazonie et Mississipi, l’Afrique est un plateau.
    On entre en Europe parce qu’on appartient naturellement à l’espace géopolitique européen et parce qu’on adhère aux valeurs de droits de l’homme, d’indépendance de la justice et de liberté des médias qui fondent l’Europe.
    Que sera l’Europe dans cinquante ans?

    • En me relisant je m’aperçois d’une erreur que j’ai faite. La phrase exacte est: « Concernant la Russie , quand la guerre avec l’Ukraine sera réglée, l’Ouest de l’Oural pourrait nous rejoindre, et la Sibérie deviendrait indépendante et pourrait être gérée comme une annexe de la Russie (ainsi le lien de la Sibérie à la Russie ressemblerait un peu aux relation de l’Irlande avec la Grande Bretagne). »

  8. Et revoilà le monstre du Loch Ness ! Une résurgence sporadique qu’entre 1973 et 2011 j’ai pu observer à six reprises en vivant de l’intérieur l’impact de l’arrivée des nouveaux adhérents – et ce avec des sentiments mitigés entre, par exemple, l’ancrage réussi de l’Espagne et du Portugal et l’amarrage plus que houleux des pays d’Europe centrale et orientale.

    S’il faut se placer sur le terrain politique, je souscris, une fois de plus, aux propos d’Yves Herlemont… et j’y ajouterai, pour commencer, les considérations développées par deux voix féminines non dépourvues d’influence:

    – à l’occasion de son discours sur l’état de l’Union prononcé le 13 septembre dernier en sa qualité de présidente de la Commission, Ursula von der Leyen a notamment appelé à définir une vision pour mener à bien un futur élargissement permettant de « compléter » l’UE avec des démocraties dynamiques, sous l’égide de l’Etat de droit.
    Reconnaissant néanmoins que le chemin ne serait pas sans obstacles dans la mesure où la tâche exige de dépasser de vieux débats simplistes, elle a insisté sur la nécessité de conjuguer désormais approfondissement de l’intégration européenne et élargissement

    – dans une intervention à Paris dans l’enceinte de la Sorbonne le 3 octobre, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a également évoqué le sujet. Elle a notamment souligné la nécessité d’aborder dans sa globalité la question d’un futur élargissement tout en assortissant le processus d’un certain nombre de réformes institutionnelles en termes de structures, de procédures et de budget, de manière à permettre à une Union à 30 membres, voire plus, de fonctionner efficacement.

    A ces interventions empreintes d’une certaine solennité on ajoutera le fruit d’une oeuvre collective réalisée par un groupe de travail franco-allemand et publiée par la Fondation Jean Jaurès en septembre dernier sous le titre « Naviguer en haute mer: Réforme et élargissement de l’UE au XXIème siècle ». La principale recommandation des experts porte sur la nécessité de prévoir des réformes et des procédures d’élargissement qui soient flexibles, sans négliger la centralité de la protection et du renforcement de l’Etat de droit, notamment en accroissant la conditionnalité budgétaire. Tout en insistant sur cet objectif, le rapport préconise des innovations telles que: pour les décisions au sein du Conseil, une généralisation du vote à la majorité qualifiée, à très peu d’exceptions près; la réduction de la taille du Collège des commissaires; la consolidation de la légitimité démocratique, y compris en faisant participer les citoyens des pays candidats au processus-même de préparation de l’élargissement; une clarification des attributions de l’Union en même temps qu’un renforcement des dispositions permettant de faire face à des situations imprévues; une augmentation du budget de l’UE, rendu au demeurant plus flexible et agrémenté de nouvelles ressources propres. Parmi ses propositions, le rapport préconise en outre le recours, sous réserve de certaines précautions, à de nouveaux mécanismes de différenciation permettant aux Etats membres qui le souhaitent d’aller de l’avant dans la marche de l’UE vers davantage d’intégration.

    A côté de cette dimension politique, on ne négligera pas non plus un certain nombre d’aspects pratiques liés à l’élargissement. Parmi ceux-ci, le volet linguistique a toujours occupé, à mesure de l’extension de l’Union, une place emblématique. Ainsi, un futur élargissement impliquant une dizaine d’adhérents potentiels, leurs « parlers » respectifs (et ce n’est pas du « patois » !) devront être pris en compte, à l’instar des 24 langues officielles actuellement reconnues pour 27 Etats membres dans le cadre de l’UE. Les services de traduction des institutions, qui ont jusqu’à présent accompli un travail mémorable tout autant qu’efficace dans ce vaste domaine, y verront un nouveau défi. Mais le but ultime n’est-il pas que l’information à la disposition du citoyen, quelle que soit sa langue maternelle, reste la plus accessible possible ?

    A cet aspect très spécifique s’ajoutent d’autres problématiques telles que: la taille du personnel de chaque institution, tout en sachant qu’en raison des limites de leurs budgets de fonctionnement un accroissement géométrique ne serait pas réaliste; ou encore le nombre de sièges revenant à chaque Etat au sein d’un Parlement européen non extensible, lui non plus, à l’infini. Ces deux aspects quantitatifs pourraient supposer, comme cela est déjà arrivé, que certains Etats membres actuels acceptent de réduire leur « représentation » dans les institutions concernées… sans compter, au demeurant, l’autre « serpent de mer » qui se profile au niveau du nombre de commissaires.

    Bref: l’élargissement, c’est encore du pain sur la planche, une vocation de boulanger qui donne à réfléchir sur la nature et la qualité du levain dans la pâte.

  9. Bonjour.

    Comme je l’ai déjà écrit, ne mettons pas la charrue avant les bœufs, un élargissement s’en avoir mis en place une défenses commune puissante et indépendante est très risqué, n’oublions pas non plus la sécurisation aux frontières avec des gardes frontières européen (terre et mer).

    Le conflit UKRAINIEN est l’exemple type d’un manque d’anticipation de la gouvernance européenne pour le gérer, que se passera t’il si TRUMP ou un de ses sbires revient au pouvoir aux USA, rien n’est dit à ce sujet et on parle d’élargissement ?

    Ne jetons pas de l’huile sur le feu, nous n’en avons pas les moyens, ce sont des vies humaines qui sont en jeu, les malheureuses morts Ukrainienne ne nous alertent ‘elles pas ?

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