On annonçait une réforme en profondeur des règles budgétaires… Fin décembre, après plusieurs mois d’échanges infructueux, les ministres des Finances de l’Union européenne sont parvenus à un accord sur la réforme du Pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne. Attendue depuis quelques mois, cette réforme est bien loin des annonces promettant que les leçons de l’austérité avaient été retenues. Depuis la crise du Covid, puis de la guerre en Ukraine, en effet, les règles de ce Pacte – qui consistent notamment à maintenir un déficit public inférieur à 3% du PIB et une dette publique ne dépassant pas 60% du PIB – ont été suspendues grâce à une clause dérogatoire. Approuvé la semaine dernière par le Parlement européen, et désormais en phase d’harmonisation entre la Commission et le Parlement, l’accord conclu fin décembre aura pour conséquence un retour à l’austérité et des coupes budgétaires drastiques, dans un contexte où l’investissement manque pourtant cruellement.
Négociations des nouvelles règles : beaucoup de bruit pour rien
C’est une version édulcorée du Pacte qui ressort du compromis trouvé en décembre, sans pour autant y trouver une simplification, bien au contraire. On résume ? Tous les pays dont le déficit dépasse les 3 % du PIB devront réduire ce dernier de 0,5 point de PIB par an. Ceux dont la dette est supérieure à 90 % du PIB devront assurer sa réduction annuelle de 1%, et de 0,5% pour ceux dont la dette est comprise entre 60 % et 90 %. A la demande de plusieurs Etats, dont la France, un critère sur l’évolution des dépenses publiques a été ajouté. C’est sur celui-ci que sera établie entre l’Etat membre et l’exécutif bruxellois une trajectoire de réduction du déficit. Le concept de déficit structurel est gardé et sera utilisé, en cas de déficit public trop important. Les Etats devront établir des plans budgétaires pluriannuels d’une durée d’au moins quatre ans, durée qui pourra être allongée à sept ans en prenant en compte des réformes et des investissements dans les priorités de l’Union européenne, notamment en matière d’environnement ou de Défense.
Les nouvelles règles restent punitives, même si certains pays, dont la France, se sont vantés d’avoir obtenu des marges de manœuvre et un cadre plus souple, pour négocier la période de quatre à sept ans notamment. En réalité, avec des règles aussi complexes, il sera possible de négocier avec l’arbitre, qui sera dans ce cas la Commission européenne. Pourtant, il était important d’afficher des règles, des chiffres, notamment pour des pays « frugaux » comme les Pays-Bas ou l’Allemagne.
Des coupes budgétaires délétères dans un contexte de défiance envers l’UE
Dans un contexte français de « fin de l’abondance », cela représenterait des dizaines de milliards de coupes budgétaires supplémentaires sur les prochaines années. La Confédération européenne des syndicats estime que cela représente des coupes budgétaires supplémentaires de plus de 100 milliards d’euros par an, dont 14 milliards pour la France – soit l’équivalent de plus de 400 000 postes d’infirmières.
Longtemps évoquée, l’exclusion du calcul des investissements liés à la transition écologique ou au socle européen des droits sociaux n’est pour le moment pas retenue. Les lacunes en termes d’investissements nécessaires pour atteindre les objectifs communs de l’Union européenne sont pourtant importantes : 2 % du PIB pour la Défense, entre 3 et 5 % du PIB pour la transition verte, 1 % du PIB pour les investissements sociaux et les mesures de transition juste – et on peut considérer que ces estimations prennent en compte un investissement important du secteur privé… On peut, par contre, estimer que cette réforme va réduire la taille des budgets nationaux par rapport au PIB. Pour poursuivre les investissements nécessaires en matière sociale et environnementale, il faudrait pourtant poursuivre l’expansion des budgets nationaux, avec une dette globale de l’UE qui augmenterait pour se maintenir autour de 90 % jusqu’en 2030. Le coût du vieillissement de la population n’est pas non plus pris en compte.
Surtout, alors que l’Europe commençait à être perçue comme plus solidaire, grâce aux mécanismes de solidarité déployés ces dernières années pour faire face au Covid, à ses conséquences, mais aussi en soutien à l’Ukraine, ces décisions ramènent cette image d’Europe dictant des choix anti-sociaux aux Etats membres, nourrissant des discours anti-européens dangereux en cette période électorale.
Article entièrement négatif, rappelant les politiques qui nous ont mené à la crise de la dette actuelle (je parle de la France).
Cette dette devient insoutenable et la « responsable syndicale » (de quel syndicat, peut-on savoir?) semble juger qu’elle ne pose pas un problème puisque l’on manque « cruellement » d’investissements (ah bon?).
Détail : écrire: « dont 14 milliards pour la France – soit l’équivalent de plus de 400 000 postes d’infirmières. » est provocateur mais n’apporte pas grand chose au débat. C’est un vieil argument rhétorique électoraliste qui n’a rien à faire ici.
Rien ne change en effet, dans un monde où certains riches parmi les riches demandent à être plus taxés. Il ne faut pas confondre discours anti-européens et discours critiques sur l’idéologie ultra-libérale qui imprègne les institutions européennes, comme les Etats qui les composent, depuis plus de quarante ans.
Bonjour.
Comme je l’ai maintes fois écrit, nous allons dans le mur si des réformes urgentes (taxation des supers profits, taxation des riches, etc…) ne sont pas prises pour aller vers une meilleure répartition des richesses.
L’Europe telle que nous l’avons accentue les inégalités, elle n’est pas à l’écoute, elle réforme et dépense en dépit du bon sens , ceux sont des technocrates incompétents, loin des réalités, dans leur bulle, que nos payons grassement, ils ne dorment pas dans leur voiture, sans aucunes conscience, pour preuve entre autres, on impose des normes intérieures et on laisse entré des produits qui ne les ont pas, la contestation monte, gronde, s’était prévisible, à force de jouer avec le feu, on provoque malheureusement l’incendie.
quand j’écris l’Europe, je mets dans le même sac notre gouvernement.
La réponse à ces règles budgétaires est simple et claire, même si elle est impopulaire: l’augmentation des impôts, en commençant évidemment par les plus riches.
Toutes les transitions décrites ici correpondent à des dépenses largement structurelles (même la transition vers la durabilité est un programme sur 30 ans au moins) – qui demandent donc un financement public structurel, par l’impôt.
Pour éviter la concurrence fiscale déléère entre États-Membres, prétexte facile pour ne rien faire en matière fiscale, les règles des Traités obligeant à l’unanimité fiscale doivent enfin être levées.
La question reste : veut on trouver une gouvernance commune de l’UEM ? veut on un compromis ou imposer à l’Europe notre record des prélèvements et de la dépense publique. Si nous n’avions pas l’Euro , notre addiction a la dépense publique et à l’accroissement la dette nous aurait conduit dans le mur. Pour concilier cela une seule solution : augmenter encore les impôts : essayez et vous verrez ! un peu de réalisme !
Une diminution des dépenses publiques amoindrit les mécanismes de redistribution des richesses, que constituent les services publics et la sécurité sociale. L’impôt, sous l’influence du néo-libéralisme est devenu de plus en plus injuste. Les revenus du travail sont beaucoup plus taxés que les revenus du capital. Parmi les revenus du travail, la progressivité de l’impôt est plafonnée à 50% pour les plus hauts revenus. Cela signifie que le prélèvement fiscal d’un salaire médian est proportionnellement le même que pour un très haut salaire (entre 10.000 et 15.000 €/brut/mois). Quant aux revenus du capital, ils sont très peu taxés, voire pas du tout, pour certaines multinationales. Sans compter l’évasion fiscale (dans les paradis fiscaux pour le capital, y compris à l’intérieur de l’U.E. : Luxembourg, Malte, Belgique, Pays-Bas,…) et la fraude fiscale.
Un impôt plus juste permettrait de garantir les dépenses publiques et permettrait même de diminuer l’imposition des revenus du travail moyens et bas.
Monsieur HERLEMONT.
100% d’accord mais cela exige un changement dans la gouvernance de l’Europe, un changement de modèle.
Actuellement, de puissants lobbies orientent la politique européenne au détriment de ses citoyens.
Les riches continuent d’être plus riche, les pauvres d’être plus pauvre et de plus en plus nombreux.
Certains parmi les nantis n’hésitent pas à dire que cet état de fait ne peut pas durer plus longtemps, ils parlent de révolution à venir.
Ils dénoncent le comportement néfaste des ultras riches (corruption, fraudes fiscales, paradis fiscaux, manipulations), qu’attendons nous pour agir, le chaos ?
La Gouvernance actuelle dans l’Union Européenne dépend uniquement des États membres qui la composent – il faut donc s’adresser en premier lieu à nos propres gouvernements en matière de pression des lobbies et non à la Commission européenne qui est un simple organe exécutif des décisions des Conseils de NOS ministres nationaux.
Merci de ne pas se tromper de cible.
En ce qui concerne le Parlement Européen (PE) dont les membres sont élus, il a la possibilité de proposer des amendements aux propositions de décisions du Conseil européen des Ministres de nos États Membres selon les politiques européennes concernées.
Ce Conseil européen peut accepter les amendements du PE, en entier ou partiellement, avec retour au PE pour 2ème lecture – mais au final, c’est toujours le Conseil de Nos ministres nationaux qui décident !!