Kiev vaut bien une messe !

Le Sommet européen exceptionnel du 1er février dernier s’annonçait périlleux à Bruxelles… Or, surprise bienvenue, les Vingt-Sept se sont accordés sur un soutien financier à l’Ukraine de 50 milliards d’euros, après seulement quelques minutes de discussion !

De l’avis général, une désunion lors de ce sommet menaçait de signifier un pas de plus vers un déclassement géopolitique de l’Europe, de ce qu’elle signifie aux yeux du monde comme modèle de valeurs démocratiques. Un genou à terre face aux prédateurs autocratiques à l’affut d’une place de choix sur la carte du monde. A Poutine, les Européens ont ainsi affirmé qu’ils ne lâcheront « jamais » leur soutien à l’Ukraine. A Washington, voilà rappelé la détermination sans faille de l’allié européen, indépendamment des aléas de la campagne présidentielle américaine.

Et pourtant… Difficile d’ignorer la libération opportune de 10 milliards d’euros de fonds pour « l’ami Orban » moins de 24 heures avant le début du sommet, justement menacé d’échec par son veto. Une forme de tribut pour le soutien financier à Kiev ? La contre-argumentation de la Commission européenne : « On ne pouvait plus traîner les pieds, c’est une décision technique, pas politique » semble un peu court. Comme le souligne le quotidien belge Le Soir : « L’image (et les faits) resteront ».

Au-delà des mots policés des conclusions du Conseil européen, ce qu’il faut comprendre, c’est que l’accord du 1er février dernier redimensionne l’arsenal des sanctions interne à l’Union Européenne sur la question de l’Etat de Droit.

Ce qui était présenté comme un bazooka s’avère dans les faits une procédure de conformité parmi d’autres, toujours utile, mais pas au niveau attendu par ses initiateurs. Dans une union d’Etats Nations, celles-ci conservent leur souveraineté et leur droit de veto sur le budget et la politique étrangère… Cette Union imparfaite a donc un coût politique ! Par conséquent, il n’y aura pas plus de sanctions réellement exécutées en matière de Droits de l’homme contre la Hongrie (ou tout autre Etat Membre déviant), que de sanctions pour déficit excessif concernant l’Euro ces vingt dernières années. Même la Grèce, tombée en faillite, sans avoir jamais été formellement sanctionnée.

Dans l’attente d’une réforme des traités en matière de politique et de budget, l’Unité des européens, jauge de leur crédibilité dans le Monde, se paie d’une flexibilité excessive en interne au sujet des valeurs de l’Union. Une bonne nouvelle hélas pour les futurs apprentis Orban qui fourbissent leurs armes chez nous.

Henri Lastenouse
Henri Lastenouse
Vice-Président de Sauvons l'Europe

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6 Commentaires

  1. Le dilemme soulevé par Henri Lastenouse est très révélateur de l’insatisfaction générée par une Union européenne construite par et autour du marché capitaliste. Faut-il soutenir la cause juste d’une Ukraine agressée militairement par la Russie de Poutine et, dès lors, abandonner les sanctions contre une Hongrie dont le régime politique n’est pas très éloigné, somme toute, de celui de la Russie actuelle et que l’on pourrait désigner sous l’appellation de « démocrature » ?
    Ce que je constate, c’est que ce que l’on a refusé à Syriza en 2015 (l’imposition d’une politique d’austérité contre un soutien financier), on l’accorde, en 2024, à Victor Orban (soutien financier, malgré les nombreuses entorses à l’état de droit).
    Le capitalisme s’accorde très bien avec les régimes autoritaires, pourvu que les grandes entreprises capitalistes puissent faire du profit (lire, à cet égard, le magnifique roman d’Éric Vuilard, « l’Ordre du Jour », où l’on peut voir comment les grands groupes industriels allemands ont soutenu le régime nazi, arrivé au pouvoir par la voie démocratique).

  2. Article percutant parce que court et pouvant être lu dans un temps raisonnable par des personnes ayant d’autres activités. Il faudra un jour aussi faire un autre article sur l’attaque de l’Ukraine par la Russie, parce que l’explication communément admise (Poutine est un fou et un dictateur) semble un peu courte : ses motivations sont sûrement puissantes… et motivées !

  3. Ce qui vaudrait une messe et bien plus que 50 milliards d’euro, c’est la paix. Il faut se faire à l »idée que les efforts entrepris pour y aboutir sont à la mesure des efforts de la lutte contre les changements climatiques : mettre hors de portée tout résultat salutaire.

  4. Bonjour.

    N’oublions pas que la gouvernance européenne actuelle paie cash sa culture du compromis qui n’est pas très éloigné de la compromission.

    Comment peux t’on admettre qu’un chef d’état fasse un tel chantage, pire, qu’il pactise avec le pays qui agresse l’Ukraine, qu’il est un pied dedans et un autre dehors, ou est notre honneur, sommes nous tombés si bas ?

  5. 50 milliards d’euros, pour que le carnage continue sans que les peuples européens soient consultés : corps déchiquetés sous les bombes, dans les tranchées que les soldats ont creusées eux même en guise de cercueil, dans les tanks et les Bradley, soldats ukrainiens et russes tués en direct et en vidéo par des drones implacables qui les poursuivent dans les moindres recoins, (car ils tuent en duo : l’un filme et l’autre déchiquète). Pas bien difficile de suivre cette abomination en direct. Quelques clics suffisent…Himars Caesar Geran Kinjal, toute cette panoplie de monstres destructeurs sera bientôt accompagnée de F16 côté ukrainien de de soukoï et mig côte russe, pour qu’encore plus de corps soient réduits en bouillie, sous les applaudissements de nos médias et de nos eurolâtres, asservis à l’oncle Sam et à sa stratégie impérialiste.
    Non non je ne suis pas poutinolâtre, il me dégoûte tout autant. Comme me dégoûte cette Europe de fonctionnaires non élus et cooptés asservis aux lobbyistes et aux financiers, cette institution européenne où circulent les valises de billets pendant que des millions de personnes n’ont plus de quoi se chauffer ou faire leurs courses, pendant que des milliers de paysans hurlent leur rage et leur désespoir de ne pouvoir vivre de leur métier à cause des distorsions de concurrence (« libre et non faussée ») savamment organisée par cette même UE. Moment cyniquement idéal pour voter 50 milliards d’aide à la guerre.

    Pendant que les oligarques russes et ukrainiens se la coulent douce dans quelque villa de la côte…

    L’occasion était pourtant exceptionnelle de redonner un sens et un espoir aux Européens. De donner un sens aux institutions européennes. Être le fer de lance de la paix, être le promoteur infatigable d’une négociation entre l’OTAN et les USA d’une part, La Russie la Chine et l’Iran de l’autre. Rester à équidistance de ces deux blocs hégémoniques, Comme le fit en son temps de Gaulle, qui se font la guerre par peuples et pays interposés et amoncèlent les tas de cadavres de part le monde..
    Mais, non, l’occasion a été gâchée avec brio. l’Europe a décidé d’être servile. Elle le fait à merveille, avec maestria. Ainsi,, les cimetières s’agrandissent et les larmes et le sang coulent, les marchands d’armes se frottent les mains.

    Rien à sauver dans cette Europe-là. 50 milliards, pas en mon nom.

    Requiem pour toutes les victimes de cette horreur
    « Vous remuez vaguement vos jambes condamnées
    Déjà la pierre pense où votre nom s’inscrit
    Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places
    Déjà le souvenir de vos amours s’efface
    Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri »

    Aragon

    • Bonjour.

      Oui, vous avez tout à fait raison, je suis un européen convaincu mais pas dans cette Europe, trop de gâchis, d’hypocrisie, de mensonges, d’incompétence, de morts pour peut-être pas grand chose, scandaleux.
      Pour avoir la paix, il faut être fort, unis (nation européenne), indépendant, en effet, le général de Gaulle l’avait bien compris.

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