Jean-Pierre Chevènement s’est engagé ces derniers temps dans une campagne potentiellement présidentielle, qui l’amène à revenir longuement sur les questions européennes. Nous ne sommes, cela ne surprendra personne, pas d’accord avec les idées qu’il développe. Ce qui n’empêche pas de rechercher des convergences.
Au final, ce qui frappe dans la démarche de Jean-Pierre Chevènement est la manière dont il pose une contre-histoire de la construction européenne, faisant remonter le carcan actuel à l’origine du Traité de Rome, et même au-delà à travers la figure de Jean Monnet. Contrairement à une certaine histoire rêvée de l’Europe qui fait la part belle aux saints pères fondateurs, il incrimine dans Monnet un agent de l’impérialisme américain, qui aurait dès l’origine conçu l’Europe comme un auxiliaire fidèle. Toute la suite en découlerait, et le Traité de Rome, puis le tournant de 83, l’Acte Unique et Maastricht seraient des étapes logiques sur cette lancée. Ne caricaturons pas la pensée de Jean-Pierre Chevènement, il est question d’une logique interne du schéma européen et pas d’un grand complot des libéraux américains comme le démontrent à la truelle d’autres auteurs. A ce projet, le ralliement de la gauche se serait fait par volonté de renier la patrie française, échouant dans le dévoiement d’un pseudo-universalisme anti-national.
Disons simplement que la création de l’Europe a rassemblé des personnes venant d’horizon très divers, et que la réalité de la construction est moins univoque qu’on ne le dit. Par ailleurs, une saine critique d’un nationalisme étriqué ne peut se réduire à une négation de la France. Citoyens du monde, nous nous sentons profondément européens, indiscutablement français et, selon nos terroirs, bretons ou parisiens ou… Pourquoi irions-nous nourrir un projet maniaque de destruction de l’identité française ?
Venons-en à présent au cœur de la question posée par Jean-Pierre Chevènement : le fait démocratique. Favorable à une Europe des projets industriels et de la politique commerciale, partisan de l’élargissement au Maghreb et à la Turquie, il refuse cependant de faire d’une Commission technocratique le lieu du pouvoir budgétaire de l’Union comme des Etats nationaux. Mais nous aussi refusons cette dérive. L’Europe politique reste pour nous, non seulement la promesse d’une Europe forte qui définisse une politique économique et sociale, mais surtout et d’abord l’émergence de la démocratie. Nous n’avons pas construit l’Europe pour l’abandonner à une machine bureaucratique mais pour traiter en commun les problèmes qui se posent aux peuples d’Europe. Or nous le savons, la politique de coopération des Etats n’aboutit qu’au chacun pour soi et le jeu de l’unanimité au plus petit dénominateur commun. C’est pourquoi nous refusons sa perspective : l’issue n’est pas une sortie programmée de l’Euro ou même de l’Europe, elle est dans le dépassement du blocage actuel. Les traités ont servi à ce à quoi les grands Etats membre voulaient les faire servir. Des institutions européennes enfin démocratiques n’en resteraient pas longtemps prisonnières.
La ‘posture européenne’ de JP Chevènement (dont j’avais apprécié en son temps le soutien, comme ministre de Mitterrand, à la recherche et à l’industrie) est tout simplement désespérante pour l’homme de gauche que je suis depuis toujours.
Ne voit-on pas que les seuls progrès qu’on ait pu enregistrés, dans la construction d’une Europe solide (et solidaire, notamment face aux Etats-Unis), l’ont été pendant la ‘période Delors'(que j’ai vécue comme acteur des programmes de R et D) ? Et que le rejet du TCE(malgré tous ses défauts) n’a fait qu’accélérer et amplifier la dérive vers une ‘Europe néolibérale’ qui a même du mal à sauver son pauvre petit euro ?
POur moi, né en 1941, les pères de l’Europe ne se sont résignés à faire une construction économique qu’à partir du moment où la tentative politique avait échoué, à l’automne 1954, avec le rejet par le Parlement français de la CED.
C’est là que sont les responsabilités. S’il y a un événement précis et des personnes qui jouent le rôle principal dans le relatif dévoiement de l’idée européenne depuis 50 ans, il ne s’agit pas de Delors ou Monnet ni de tel ou tel dans la séquence des traités depuis Rome, mais des gaullistes et communistes qui ont voté contre le traité soumis au vote par Pierre Mendès-France.
Est-ce que je me trompe ? Que dit Chevènement ?
Je suis entièrement d’accord avec Jean-Pierre Chevènement, et c’est un des rares hommes politiques que je peux encore approuver pour : son indépendance d’esprit, SON COURAGE POLITIQUE, son sens de l’état, et bien sûr sa lucidité … qui , forcément, dérange tous les béni-oui-oui de tous bords.
signé : danielle laurans.