Les dernières semaines ont été révélatrices pour l’Europe : entre le vote au Conseil de sécurité de l’ONU d’une résolution très amicale avec la Russie, soumise par la nouvelle administration américaine, la suspension par Washington de l’aide à l’Ukraine et la menace par Donald Trump de prendre le Groenland par la force, les États membres de l’Union européenne se retrouvent au pied du mur – non seulement pour réagir, car nous sommes loin de la proactivité – mais aussi pour démontrer une unité qui jusqu’à présent, n’existait que sur le papier.
Une unité aujourd’hui plus difficile à trouver que des terres rares. Les adversaires de l’Europe le savent. Même au sein de nos frontières, ils affichent leur force : à la veille du sommet extraordinaire du Conseil européen consacré à la défense commune et au soutien à l’Ukraine, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a adressé une lettre au président du Conseil, António Costa, menaçant d’opposer son veto à toute ambition commune de soutien à l’Ukraine. Il exige à la place de suivre la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU et d’entrer en négociations de paix avec la Russie.
En réponse à cette lettre, les cinq eurodéputés de Volt Europa – trois élus en Allemagne, deux aux Pays-Bas – ont transmis aux chefs d’État un plan en neuf points pour renforcer la résilience européenne. La principale demande de ce plan est d’activer l’article 7 afin de retirer à la Hongrie son droit de veto et de permettre à l’Union européenne d’agir. Les autres exigences incluent la création d’un véritable ministère des Affaires étrangères de l’UE représentant tous les États membres, une intégration économique radicale, une armée commune financée par une dette commune et la mise en œuvre des réformes institutionnelles tant attendues pour passer au vote à la majorité qualifiée et permettre l’élargissement de l’UE.
Déjà vu
Ce n’est pas la première fois que Volt appelle publiquement les chefs d’État européens à prendre leurs responsabilités. Déjà en 2022, lorsque Emmanuel Macron avait organisé la première réunion de la Communauté politique européenne à Prague pour discuter de la sécurité face à la guerre en Ukraine, des représentants de Volt venus de toute l’Europe, présents sur place pour l’Assemblée générale européenne du mouvement, manifestaient devant l’arrivée des chefs d’État pour exiger la suppression du droit de veto d’Orbán.
Trois ans plus tard, rien n’a changé. Les gouvernements n’ont engagé aucune réforme des traités. Au contraire, le rapprochement de Viktor Orbán avec la Russie et sa corruption flagrante ont été tolérés à des fins politiques au sein du PPE – pour au final le voir créer un nouveau groupe rassemblant l’extrême droite européenne. La Commission européenne, de son côté, a trop longtemps hésité à couper les fonds européens attribués à Budapest, toujours paralysée par la menace d’un veto et par le simple fait que Viktor Orbán, ou même le Slovaque Robert Fico, refusaient désormais de quitter la table pour prendre un café.
L’enjeu est trop grand pour que nous tolérions encore qu’un État membre de l’UE soutienne ouvertement les adversaires de l’Europe et bloque les décisions communes. Nous pourrions bien être témoins de la fin de l’Union européenne. Il n’est même plus nécessaire d’attendre que Poutine menace les pays baltes. Donald Trump, lors de son discours sur l’état de l’Union, a une nouvelle fois réitéré sa volonté de s’emparer du Groenland – par la force si nécessaire. Les États-Unis ont des troupes sur place – alors que l’Union européenne, elle, marche aveuglément vers son prochain désastre diplomatique. Prendre le Groenland pourrait très bien se résumer à y planter un drapeau américain et mettre l’Europe au défi de réagir – le fera-t-elle ? Serons-nous encore en train de débattre d’un veto hongrois pendant que l’Union européenne s’effondre ?
Une dernière chance reste une chance
Bien entendu, l’Europe est plus forte qu’on ne veut nous le faire croire : avec un processus décisionnel démocratique, comme le vote à la majorité qualifiée, nous pourrions reprendre l’initiative. L’UE pourrait déployer un groupement tactique européen au Groenland et dire « chiche » aux États-Unis en les mettant au défi lancer une guerre contre l’Europe. Nous pourrions mettre en question la pertinence de maintenir nos commandes de chasseurs américains F-35, sachant que les États-Unis pourraient probablement les bricker – empêcher leur utilisation – à tout moment et qu’ils ont déjà donné l’exemple d’un revirement unilatéral avec l’accord AUKUS. Nous pourrions aussi renoncer à tout contrat Starlink, comme l’envisageait l’Italie, étant donné que l’accès vient d’être coupé ou brické pour l’Ukraine.
La Commission a annoncé un plan pour mobiliser 800 milliards d’euros en dépenses de défense pour soutenir les États membres. Ne nous y trompons pas : cet argent doit servir à investir dans un complexe militaro-industriel européen – et non à alimenter les caisses des industries d’armement américaines – et encore moins à perpétuer 27 ministères de la Défense renforçant en parallèle 27 forces armées nationales.
Si l’on dépasse le vacarme de la rhétorique belliqueuse de Donald Trump, une chose devient évidente : que nous parvenions ou non à lever le veto hongrois, l’UE a un besoin urgent de réformes des traités. Les semaines à venir montreront jusqu’où l’Europe peut évoluer avec des partis nationaux qui mènent la danse. Il est fort possible qu’ils continuent à tolérer Viktor Orbán et à privilégier des efforts individuels en matière de défense nationale plutôt que de construire une puissance géopolitique européenne. Cela signifierait que seules des forces politiques véritablement paneuropéennes pourront faire avancer le projet européen. Pour cela, Volt se prépare.
Les réformes proposées sont excellentes, mais il en manque une : un renforcement des pouvoirs du Parlement européen. À l’heure actuelle l’UE vit sous un régime peu démocratique, ce qui n’est pas un gage de force dans le long terme.