Ah, le souverainisme… Avec Sauvons l’Europe, c’est une vieille affaire. Nous sommes nés au lendemain du crash référendaire de 2005, il y a 20 ans, pour renouveler le débat autour de l’Europe. Nous voulions sortir des conversations pour ou contre, et assumer un positionnement politique qui rassemble le camp progressiste. Il existe une Europe de gauche et une Europe de droite, et nous voulions une conversation bord à bord. Mais on ne peut pas être nés après le référendum sans des échanges de piques réguliers avec les souverainistes.
Sur le papier, rien que de très honorable, le souverainisme. Il n’existe pas de peuple européen, donc pas de possibilité réelle de démocratie au niveau européen. Le dépassement de la nation n’est donc jamais que le paravent d’un projet néo-libéral ou mondialiste. On peut discuter de beaucoup de choses, qu’il n’existe pas de peuple européen ou qu’il ne puisse en exister, que l’exercice d’une démocratie suppose un peuple unifié, que l’Europe soit prédestinée à être néo-libérale, que le mondialisme s’il existe soit autre chose qu’un universalisme, mais c’est une discussion honnête.
Une discussion que finalement nous n’avons pas eue, faute de partenaires. Les vieux souverainistes républicains ont peu à peu rendu les armes devant les faits, eux-mêmes peinant à trouver des cas de dépossession par Bruxelles qui ne soient pas des mises en commun souhaitables. Les souverainistes qui rêvaient de châteaux en Espagne (ou en Amérique du Sud) sont incapables d’indiquer un programme politique crédible et qui ne mène pas dans un mur. Et les souverainistes qui défendaient le pouvoir souverain de l’État se sont simplement révélés des opposants aux libertés publiques et in fine à la démocratie, admirateurs de Poutine et aujourd’hui de Trump.
On pouvait penser que le dossier était clos. Mais non. Les dernières semaines remettent en lumière un élément supplémentaire, à l’occasion des négociations de marchands de tapis entre Trump et Poutine. Avez-vous remarqué que personne, dans le camp qui se proclame souverainiste, ne porte attention au droit des citoyens ukrainiens à choisir leur avenir ? Il n’est question dans leur rhétorique que de sphères d’influence, de la manière dont ce pays serait un pion des occidentaux contre la Russie, ou devrait s’accommoder des ambitions russes sans que jamais ce que souhaitent les Ukrainiens ne soit pris en compte. Les souverainistes ne sont même pas souverainistes.
Bonjour, très bon article, spécialement le dernier paragraphe. Je suis moi-même consterné de constater que les sympathisants d’extrême droit mais aussi d’extrême gauche – les « internationalistes anti nationaux et anti européens » (il faudra en reparler) – ne se préoccupent pas des aspirations démocratiques des Ukrainiens et ne sont donc pas capables de voir Zelenski pour ce qu’il est : un véritable héros. Cependant, j’attire votre attention sur les risques de confusion entre le souverainisme que vous condamnez justement et celui qui consiste à donner davantage de pouvoir aux nations européennes : le premier est du souverainisme anti-européen; le second exprime une volonté de décentralisation visant à rapprocher les institutions et le projet européen des citoyens. Je suis de ceux-là : je pense que l’UE s’est accaparée trop de pouvoirs et doit sérieusement revenir au sens premier du principe de subsidiarité, à savoir n’agir que dans les domaines où les objectifs d’une action envisagée ne peuvent être atteints d’une manière suffisante par les États membres. Autrement, en confondant les deux, on confisque le débat sur la nature de l’UE et on risque de provoquer une réaction extrême dont le Brexit est le cas le plus éloquent.
Merci pour l’illustration de l’article : « vieux souverainistes républicains ont peu à peu rendu les armes devant les faits, eux-mêmes peinant à trouver des cas de dépossession par Bruxelles qui ne soient pas des mises en commun souhaitables »
Tout en saluant à mon tour la pertinence des propos d’Arthur Colin, je partage largement votre commentaire concernant les « nuances » dont peut se réclamer le concept de « souverainisme ».
Juste un rappel au sujet de l’accaparement des pouvoirs par l’UE. Il me paraît en effet utile de bien replacer l’église au milieu du village, éclairée par trois réverbères allumés au niveau de l’article 5 du traité sur l’Union européenne et que le juriste expérimenté que vous êtes connaît bien (mais peut-être pas tous nos lecteurs):
– le « principe d’attribution », qui régit la délimitation des compétences de l’Union: en vertu de ce principe, l’UE n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans le cadre des traités… et cette disposition d’insister: « toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres ». D’un point de vue statistique, on imagine aisément que les parts du gâteau offertes à l’appétit des États membres représentent quelque chose de substantiel. Cela n’empêche pas l’Union de céder à la tentation de grignoter quelques restes… mais la Cour de justice de l’UE, avec une sagesse de nutritionniste, veille au risque d’embonpoint
– le « principe de subsidiarité », dont vous rappelez la vocation première… mais il ne faut pas négliger que l’article 5 précise que celui-ci ne s’applique que « dans les domaines qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de l’Union », ce qui montre, là encore, les limites auxquelles peuvent se heurter les prétentions « impérialistes » de la Commission européenne, dont les pouvoirs propres sont, certes, parfois importants, comme dans le domaine de la concurrence ou celui du commerce extérieur… mais pas jusqu’à l’arbitraire
– le « principe de proportionnalité », qui postule que le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités: bref, ne pas écraser une mouche avec un marteau-pilon.
Comme pour le principe de subsidiarité, la Cour de Luxembourg est censée exercer une certaine vigilance quant à la mise en œuvre des deux autres principes.
Cela dit, des circonstances inédites peuvent parfois conduire à ce que l’Union s’implique dans des cheminements imprévus. On en a connu un exemple emblématique avec la réponse à la crise sanitaire provoquée par le coronavirus. Des improvisations dans l’urgence ont permis de surmonter la cacophonie initiale manifestée au niveau des États membres… voire de souligner l’utilité d’une « Europe de la santé » à construire au-delà de quelques balbutiements fragmentaires. Le débat actuel autour de l’ « Europe de la défense » semble augurer d’une préoccupation voisine.
Bonjour Arthur, bonjour Monsieur LAFFINEUR.
Tout est dit dans l’article, dans les remarques pertinente de Monsieur LAFFINEUR, nous entrons depuis quelques temps dans le vif des sujet, bravos, il manque maintenant à transformer ces écrits dans le camp des politiques, par la transmission de pétition, par une demande de référendum sur ces questions vitales.
QUE D’HUMILIATIONS SUBISSENT LES UKRAINIENS A CAUSE DE NOUS, SI NOUS NE REAGISSONS PAS RAPIDEMENT, JE VAIS AVOIR HONTE D’ETRE EUROPEEN ET FRANCAIS.
Certains effectivement. Ou pas complètement (ce qui est difficile par ailleurs). Il faut se méfier. il y a aussi le problème des « idiots utiles » (LFI par exemple/ mais pas les communistes actuellement) …
Problème similaire avec les Verts qui n’en sont pas vraiment (des libéraux, voire des néolibéraux à la solde des anglo-saxon et leurs alliés des Pays du golfe, comme la Gauche caviar).