Au 51 avenue Bolivar, une centaine de migrants tunisiens, pour la plupart arrivés de Lampédusa, occupaient un immeuble appartenant à la ville de Paris. Constitués par la force des choses en collectif, ils ne demandaient qu’à pouvoir circuler librement sans avoir la peur au ventre à chaque instant. Le 51 Bolivar étant un immeuble déclaré insalubre, la ville de Paris avait, mardi 3 mai au matin, proposé un relogement dans un bâtiment de l’association Aurore, proposition qui dans un premier temps a été acceptée. Mais ce même mardi vers 23h, le collectif des Tunisiens de Lampédusa manipulé par des militants anarchistes décide de ne pas quitter l’avenue Bolivar.
Ce n’est que le lendemain, mercredi 4 mai, que vers 13h la police arrive sur les lieux pour évacuer l’immeuble. Malgré la présence d’une vingtaine de militants et de quelques élus, la police finit par forcer le passage et à 13h50 l’évacuation musclée des Tunisiens de Lampédusa par les forces de l’ordre est en marche. Un par un, sous les slogans de leurs camarades, les 128 Tunisiens vont être embarqués et répartis sur 3 commissariats parisiens : celui du 18ème, rue Clignancourt, celui du 20ème, rue des Gâtines tout près de la place Gambetta et celui du 19e, rue Eric Satie où la présence de Claude Guéant lui-même a été signalée. Si le ministre en personne se déplace, il ne faut pas faire les choses à moitié, alors pour que le tableau soit complet, la police procède à l’interpellation d’une vingtaine de militants dont le seul crime est d’avoir été là en soutient aux migrants tunisiens !
Dès lors, quelques militants ayant échappés à la police se rendent à Gambetta devant le commissariat du 20ème pour exiger la libération de l’ensemble des Tunisiens de Lampédusa. Peu à peu, une cinquantaine de personnes se sont massées devant un cordon de boucliers duquel dépassent des têtes de policiers. Le dispositif est impressionnant : gardes mobiles, voitures et car de police sans compter le nombre de barrières déployées pour l’occasion. La rue des Gâtines est barrée, interdite à la circulation, il y a au final plus de flics que de manifestants ! Pendant ce temps, à l’intérieur, les migrants tunisiens subissent interrogatoire costaud et vérification d’identité musclée, l’un d’entre eux est d’ailleurs évacué par les pompiers en fin d’après-midi. Et si une élue de la ville de Paris tente de négocier, c’est peine perdue, personne ne sera libéré ce soir.
Vers 20h30, les portes du commissariat s’ouvrent enfin et l’on aperçoit quelques Tunisiens sous bonne escorte. Les militants exigent avec encore plus de voix la libération de tous. Le cordon de boucliers avance pour faire reculer la foule et contre des manifestants armés de slogans qui refusent de bouger, la police riposte par des gaz lacrymogènes. Pendant que tous les militants suffoquent, les Tunisiens poussés hors du commissariat sont embarqués dans un car de police avec l’angoisse d’un placement en centre de rétention ou d’une reconduite à la frontière italienne. Il faudra plus d’une demi-heure après le départ du car pour faire partir les manifestants qui réclament encore des explications et surtout la libération des migrants tout en condamnant l’action des force de police à travers un slogan crié sans relâche : « Police française complice de Ben Ali ! »
Si l’action du gouvernement dans la confusion et la précipitation est inacceptable, il n’en reste pas moins que cette situation est un vrai gâchis humain. Alors que la ville de Paris avait financé l’accompagnement des migrants Tunisiens avec entre autre un hébergement pour tous en mettant à disposition 100 places dans les locaux de l’association Aurore et 120 places via l’association France Terre d’asile, une poignée d’anarchistes par des discours irréfléchis les ont mis en difficultés, les sachant déjà affaiblis par leur passage à Lampédusa, leur périple jusqu’en France et leur errance dans Paris. Ces Tunisiens en détresse sont aujourd’hui des doubles victimes à la fois du gouvernement et des anarchistes. Et si l’ensemble des militants de gauche se sont mobilisés pour leur libération, le mal était fait. L’instrumentalisation du « Collectif des Tunisiens de Lampédusa » par les militants anarchistes aura servi à qui, à quoi ? Depuis plusieurs semaines, la ville de Paris et l’ensemble des partenaires associatifs se démènent pour tenter de trouver des solutions adaptées à chacun. C’est un travail de longue haleine qui vient d’être mis à mal, tout ça pour que des migrants tunisiens en voie d’être enfin stabilisés finissent arrêtés et reconduits à la frontière ? Dans cette situation plus que délicate, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, assure tout de même que la ville poursuivra son action d’accompagnement des migrants et redemande aujourd’hui à l’Etat que « les situations individuelles soient étudiées avec pragmatisme ».
Mounia Harkati