Le 15 avril, le quotidien belge Le Soir a publié dans le cadre du débat politique européen une lettre ouverte rédigée par Poul Nyrup Rasmussen, président du Parti socialiste européen (PSE), Caroline Gennez, présidente du SP.A (Flandres), et Elio Di Rupo, président du PS (Wallonie).
Pour la compréhension des lecteurs français, les libéraux et démocrates européens (ELDR) est un parti européen qui rassemble dans notre belle contrée l’Alliance citoyenne pour la démocratie en europe et le Parti radical de gauche, qui ne présentera pas de candidats aux élections européennes. L’ELDR est l’un des deux partis constituant le groupe ADLE au Parlement européen, l’autre étant le Parti démocrate européen auquel appartient le Modem.
Les soins de santé sont un service public. Notre priorité doit être d’assurer des soins de santé de qualité partout, accessibles à tous, riches et pauvres. C’est un principe fondamental : les logiques du marché ne doivent pas dominer les services de santé. Le Parlement européen est en train de débattre des « soins de santé transfrontaliers » : un projet de directive visant à donner aux citoyens le droit de recevoir un traitement médical dans d’autres pays de l’UE, au-delà des situations déjà couvertes par la législation existante, aux frais de la collectivité. Alors que les députés européens libéraux plaident pour un marché ouvert dans le secteur des soins de santé sans prendre en compte toutes les conséquences, les socialistes travaillent pour faire en sorte qu’un privilège de quelques-uns – moins de 1 % des patients – ne mette pas en péril les soins de santé pour le plus grand nombre. L’idée qu’un patient venant de Belgique puisse voyager vers l’Autriche pour y recevoir un traitement est sympathique, mais qui va payer et comment ? Si le patient doit avancer les frais de déplacement et de soins, s’agit-il alors d’une mesure équitable ? Comme souvent, il se peut que les patients plus riches aient le droit de choisir où se faire soigner, alors que les patients plus pauvres n’auront aucun choix. En outre, les systèmes de santé nationaux sont basés sur un équilibre et une planification précise ; sans mesures de contrôle et de sauvegarde, des flux imprévisibles de patients transfrontaliers pourraient avoir des conséquences désastreuses.
Nous posons des questions semblables quant à la volonté des libéraux européens d’élargir le marché unique dans les secteurs ferroviaire et postal. Le marché unique c’est très bien, mais qui va prendre en charge les investissements futurs ? L’infrastructure ferroviaire n’est pas bon marché, et tous les principaux projets ferroviaires européens sont au moins en partie fiancés par les pouvoirs publics. Les socialistes disent que la fonction ultime des chemins de fer n’est pas de générer du profit pour des entreprises privées : un transport et une mobilité abordable et de bonne qualité sont une nécessité économique et sociale. Regardez le désastre de la privatisation des chemins de fer britanniques à l’époque des gouvernements conservateurs.
Les services postaux ont déjà été exposés au marché unique, ce qui a conduit à des pertes d’emploi et à l’absence de bénéfices concrets pour les consommateurs. Avec de plus de fermeture de bureaux de poste, peut-être que des marches plus longues vers le bureau de poste sont bonnes pour la santé ! Quel est l’avantage d’une nouvelle extension du marché intérieur dans les services postaux ?
L’Union européenne est en train de mettre en œuvre le troisième paquet de libéralisation de l’énergie. Nous l’avons soutenu car le marché a un rôle à jouer dans la fourniture d’énergie. Mais des défis plus importants qu’un marché encore plus libéralisé nous font face. Aujourd’hui, l’Union européenne a besoin de programmes d’investissement européens dans les infrastructures pour améliorer la sécurité de l’approvisionnement énergétique et favoriser la transition vers les énergies renouvelables. L’UE a également besoin de normes contraignantes pour réduire la consommation d’énergie et de mesures favorisant l’efficacité énergétique. Est-ce que la libéralisation a permis que l’énergie, bien de première nécessitée, soit accessible à tous ? Avant toute autre chose nous avons besoin d’une véritable politique européenne de l’énergie.
En 2006 les socialistes au Parlement européen ont remporté une importante victoire en excluant les services de santé et les services sociaux de la célèbre directive services-Bolkestein. Nous n’avions pas à l’époque le soutien de la plupart des députés européens libéraux. Avec cette tache sur leur bilan, peut-on avoir confiance dans les libéraux pour s’occuper des services publics essentiels ?
Le Manifeste du PSE ne laisse aucune marge au doute, et marque clairement notre engagement à maintenir l’intégrité des services publics. Le manifeste des libéraux pour les élections européennes ne contient aucun engagement de ce type. Voilà pourquoi nous sommes inquiets.
Cordialement.
Poul Nyrup Rasmussen , président du Parti socialiste européen (PSE)
Caroline Gennez , présidente du SP.A (Flandres)