La présidence française a posé une question au Comité économique et social européen : « Comment mieux concilier dimension nationale et dimension européenne de la communication pour l’Europe ? ». Rapporteur, je présente ici les attendus et le résumé des propositions de l’avis rendu par le CESE.
Cette question est posée à un moment particulier, qui rend la réponse urgente et importante. En effet, l’Europe est en danger. Ce qui la menace, ce n’est pas le développement de la Chine, la faiblesse de son taux de croissance, ou la globalisation de l’économie. Le risque, c’est l’hostilité ou l’indifférence de son peuple. L’Europe peut mourir, tuée par la désaffection des citoyens européens.
De nombreux militants européens s’insurgent contre cette Europe qui n’est pas assez sociale. C’est un signe alarmant. Si ces militants savent ce que nous devons tous à l’Europe, beaucoup de nos concitoyens l’ignorent. Et ils retiennent seulement que l’Europe, ça ne va pas.
Dans ce monde qui bouge très vite, si l’Europe cesse d’avancer, elle peut disparaitre. Pourtant, que pèsent chacun de nos Etats dans la compétition internationale ? La Chine, l’Inde, les USA ont pour interlocuteur l’Union européenne. Encore faut-il qu’elle soit légitime pour s’exprimer au nom du peuple européen. Et c’est cela aujourd’hui qui est en cause.
Il y a ceux qui veulent une Europe plus sociale, ceux qui la veulent plus libérale… et puis tous ceux, les plus nombreux, qui ne savent pas ce que l’Europe leur a apporté et leur apporte chaque jour. Ils écoutent les uns et les autres, et en déduisent que l’Europe est la cause de leurs difficultés, donc que l’Europe, ce n’est pas le chemin qu’il faut emprunter. L’Europe en panne, à leurs yeux, ce n’est pas grave, et si sa paralysie la conduisait à s’asphyxier, serait-ce tragique ? Des propos méfiants et critiques, pourtant nécessaires, qui tombent sur une mer d’ignorance peuvent tuer le rêve européen.
Pas d’éducation civique européenne commune, une construction récente – 50 ans, c’est long dans la vie d’un homme mais très court dans l’histoire de l’humanité – une communication morcelée, partielle, incomplète, contradictoire. Ajouter à cela le sentiment que l’Europe gaspille et produit surtout des textes dont on ne parle que pour dire qu’ils sont mauvais, ou insuffisants… Les ingrédients sont réunis pour que les citoyens ne se mobilisent pas pour défendre l’Europe, n’exigent pas de leurs élus qu’ils la remettent sur de bons rails. L’histoire n’est pas seulement écrite par les hommes politiques, elle l’est aussi par les peuples. Les dirigeants politiques sont, pour la plupart, persuadés qu’une Europe forte est indispensable, mais s’ils ne savent pas faire partager cette conviction aux Européens, alors l’avenir de l’Europe est très sombre.
Une instruction civique européenne commune qui enseigne l’histoire de la construction européenne, les valeurs qui distinguent cette partie du monde des autres, le fonctionnement de l’Union est essentielle. Une communication qui explique et qui écoute, au plus près des citoyens, qui repose donc sur les hommes et les femmes les plus proches d’eux – les élus locaux et les membres de la société civile – l’est aussi.
Notre projet d’avis reprend de nombreuses propositions qui ont déjà été faites, indique ce qui relève du niveau national et européen, suggère des mesures simples à mettre en œuvre rapidement.
Communiquer avec des gens qui ne savent pas de quoi on parle, c’est comme de s’adresser à eux dans une langue étrangère. La plupart des Européens ignorent comment s’est bâtie l’Europe, ce qu’elle a déjà fait, ce qu’elle peut et ce qu’elle ne peut pas faire. Ils pensent que l’Europe a apporté la paix des armes, et qu’elle n’est pas à la hauteur dans la guerre économique d’aujourd’hui. Ils en attendent davantage et la voudraient différente sans la connaitre. Aussi nous proposons que l’Europe mette à disposition des Etats membres un socle commun de connaissances, rassemblant l’essentiel de l’histoire et des valeurs européennes à usage des élèves, écrit dans un langage simple. Il sera traduit dans les langues de l’Union, validé par le Parlement européen et introduit dans les programmes scolaires d’instruction civique. Il permettra aussi de former des relais : les enseignants, les élus locaux, les fonctionnaires, les journalistes, les représentants de la société civile.
Actuellement, chaque institution et organisme européen dispose d’un budget et d’un service communication, mais il n’y a pas de politique commune de communication pour expliquer tous ensemble ce que fait l’Europe. Il y a pléthore de brochures, souvent de bonne qualité. Chacune est pensée en fonction du message qu’elle veut délivrer, mais personne ne pense au message émis par toutes ces brochures accumulées : un message de complexité, de cacophonie et de gaspillage. Nous proposons moins de brochures et mieux ciblées.
La communication européenne doit être relayée par les responsables politiques de premier plan dans les Etats-membres, mais aussi par les élus locaux et membres de la société civile. Tous ceux qui ont un mandat ou une responsabilité européenne devraient rendre compte à leurs mandants au moins une fois par an de ce qu’ils font à Bruxelles, Strasbourg ou Luxembourg. Ils devraient s’exprimer régulièrement dans la presse de leurs organisations. Chacun doit prendre sa part de la communication sur l’Europe. Il faut créer, pour chaque territoire, un annuaire des personnes impliquées au niveau européen, comprenant les élus et mandatés, mais aussi les membres des comités d’entreprises européens, les étudiants Erasmus, tous ceux qui ont une expérience européenne afin qu’ils soient sollicités pour parler dans les universités, assemblées, maisons de retraite.
Favoriser les échanges directs entre Européens est un bon moyen de renforcer le sentiment d’appartenance et de donner une visibilité concrète à l’Europe. L’avis préconise un accès simple et décentralisé à un fonds de mobilité permettant aux associations, syndicats, communes, écoles, chorales, équipes sportives de rencontrer leurs homologues d’autres Etats membres. Il propose aussi de sortir l’Europe des pages internationales des journaux, des services internationaux des organisations et des ministères des Affaires étrangères. L’Europe, c’est chez nous, ce n’est pas l’étranger.
Enfin, et là c’est urgent, l’avis propose qu’aux Jeux olympiques de Pékin, le compte soit fait des médailles européennes. En espérant qu’il y en aura davantage que pour les Etats-Unis ou la Chine. Allez l’Europe !
Béatrice Ouin