Alors que l’Europe est en plein tourment, le championnat d’Europe des nations 2012 de football va s’ouvrir en Pologne et Ukraine. Ce qui peut apparaître comme une simple compétition sportive où une exhibition de « golden boy sportifs », est en réalité une déclinaison du projet européen dans le domaine sportif.
Le sport est parfois en avance sur la politique. Il est amusant de constater que la Turquie et Israël sont membres de l’UEFA (Union des associations européennes de football), de même que tous les pays de l’est, d’où l’organisation de cette édition 2012 qui s’étend de la mer baltique en Pologne, à la mer noire en Ukraine.
Mais les concordances sont aussi nombreuses. Au sujet de la France, ses indices UEFA pour les clubs ou la sélection nationale, baissent régulièrement depuis quelques années, alors que l’Allemagne reste plus jamais dans les premières places grâce à ses performances au niveau mondiales. En revanche l’Espagne reste leader européen (et même mondial !), mais la sélection reste marquée par schisme entre madrilènes et catalans et les clubs ont de dettes exorbitantes… Pourtant le temps n’est pas si loin où la Grèce en 2008 régnait sur le football européen en remportant la compétition (au dépend du Portugal), en pratiquant un jeu défensif et rigoureux… Bref, la vertu du sport va permettre par exemple de traiter à égalité la Grèce et l’Allemagne, et consacrer sur le terrain le meilleur.
Au-delà de ces considérations sportives, l’euro constitue des investissements économiques de moyen terme qui permettent de dynamiser l’économie des pays organisateur. Les constructions de stades, d’infrastructures, les modernisations d’équipements, sont des investissements importants ; ils permettent ainsi à la Pologne d’avoir une forte croissance en 2011 (+4,3 %) et une bonne prévision pour 2012 (+2,5 %). L’effet d’entraînement sur les services grâce au tourisme est également fort, tout comme les retombées en termes d’image, de par la mise en lumière du pays, de sa culture, ses villes etc.
L’euro participe enfin à la promotion d’un nouvel adhérent (la Pologne) et d’un état tiraillé par de multiples influences (l’Ukraine). L’Ukraine est entrée à l’OMC en mai, mais malgré la volonté d’adhésion relancée par la révolution orange tournée vers l’ouest et refusant toute ingérence russe, les pressions venant de la Russie restent fortes.
Toutefois, l’euro 2012 est aussi symptomatique de certains problèmes de l’Europe. Tout d’abord dans une attitude qui consiste à avoir parfois une foi aveugle dans des projets sans penser aux modalités. Le 18 avril 2007, l’UEFA choisit les deux pays organisateurs. Depuis les retards se sont accumulés, les ultimatums lancés par les autorités européennes se sont succédés afin d’accélérer les travaux. Les menaces de retrait de l’attribution ont été nombreuses. Les affaires de corruptions ont aussi éclaté : un ancien sélectionneur et un candidat à la fédération en Pologne ont été arrêtés.
Les faits et déclarations sonnent comme des échos à ce que connait l’Europe par ailleurs. « Nous avons donné ce défi à ces nations, et il n’y a jamais eu de plan de secours », déclarait Michel Platini en 2008. Des émissaires de l’UEFA ont été envoyé en Pologne pour surveiller les préparatifs des autorités nationales. Enfin les autorités européennes soufflent le chaud et le froid en menaçant l’Ukraine de boycott, à cause de l’emprisonnement de l’opposante Ioulia Tymochenko. Parallèlement la Russie soutient l’Ukraine dans ce débat. L’éternelle question du boycott (les J.O en Chine, les événements sportifs en URSS) refait ainsi surface, après l’autre manifestation culturelle que fut l’Eurovision en Azerbaïdjan.
Tout cela reste du sport, mais demeure un enjeu qui au-delà du terrain, s’étend à des domaines politiques, géopolitiques et financiers. La proposition 25 du Programme pour un europrogressisme, de Sauvons l’Europe, s’est emparé de cet enjeu avec la création d’une agence européenne de football, qui serait plus en lien avec l’Europe politique que ne peut l’être l’UEFA.
Camus aimait rappeler que la seule morale qu’il rencontra, fut sur les terrains de foot. De manière plus large, le sport accompagne le développement démocratique d’après le sociologue Norbert Elias, en canalisant les affrontements au sein et entre les sociétés. Il permet ainsi des joutes inter-nationales au sein d’un cadre européen, donc est un réceptacle aux sentiments nationalistes sans ses néfastes conséquences. Ici l’euro 2012 devrait permettre d’imprimer encore plus l’idéal européen sur la Pologne et l’Ukraine. Enfin, malgré l’argent et les maux qui entoure le football moderne, le sport permet de faire vivre et d’incarner un idéal démocratique où « n’importe qui peut devenir quelqu’un » (Alain Ehrenberg), où la Grèce peut gagner le prochain euro…
Bruno
Nous nous entêtons à vouloir construire l’Europe sur une alliance incompatible entre Démocratie et Pensée-Unique. Si seulement, nous revenions au capitalisme amendé que le Général de Gaulle avait rétabli en 1945, l’Europe serait déjà construite. Eh Non ! Nous nous obstinons pour une doctrine économique arrièrée, archaïque, comme si nous refusions notre statut de sapiens. C’est comique et dramatique à la fois. Et pendant ce temps, nous nous enfonçons dans la crise ! Nous sommes peut-être encore des imbéciles. Alors, nous avons ce que nous méritons.
« Le football est est un réceptacle aux sentiments nationalistes sans ses néfastes conséquences ».
Je trouve ce point de vue très intérresant. Je n’y avais jamais songé.
Je ne suis pas pourtant sûr qu’il n’y ait pas de conséquencesx néfastes.
Car, par le biais des associations des fans des clubs de football des organisations d’extrême droite recrutent des militants systématiquement.
A titre d’exemple, en 2005, un an après la victoire grècque à l’Euro 2004, il y a eu en Albanie un match de football entre les sellections grècque et albanaise dans le cadre des éliminatoires du Mundial 2006. Les albanais ont méné le match 2-0 ce qui a provoqué en Grèce une veritable chasse aux Albanais, qui a duré toute la nuit et qui s’est soldé de la mort d’un ouvrier de terre albanais, tandis que plusieurs dizaines d’immigrés albanais se sont transferés aux hopîtaux avec des blessures plus ou moins sérieuses.
Je pense qu’en réalité les mauvaises conséquences qui peuvent découler du football, ne sont pas en lien direct avec un nationalisme exacerbé. Votre exemple existe et n’est pas le seul. Pourtant je ne pense pas qu’il y ait de lien direct, mais plutôt que le football sert de prétexte à des groupes d’extrêmes droite (comme en Italie), où à des personnes violentes, pour laisser libre cours à leur pulsion de démonstration de force en groupe, ou de violence. Car le hooliganisme ou cet extrémisme se retrouve aussi bien chez des cadres supérieurs qui vont exprimer leur violence que des plus démunis qui s’accrochent à cela pour s’intégrer dans une structure quelconque.
Bref en général ces gens là ne s’intéressent pas au foot mais vont au stade juste pour être en groupe ou taper sur l’autre.
Comme contrexemple, on pourrait prendre la coupe du monde 2006 où pour la première fois quasiment de leur histoire, les allemands exprimaient leur joie dans la rue en sortant leur drapeau, et étaient fiers de leur nation; voilà un exemple de nationalisme sans xénophobie…