Au moment de former le collège des commissaires et d’arrêter définitivement les lignes directrices de son action, quelle devrait être la priorité du président Juncker pour son quinquennat à la tête de la Commission Européenne ? Cette priorité nous semble désignée par la nature même de la coalition politique qui a soutenu sa désignation. Elle en est le ciment et nous prenons ici la liberté de la désigner comme « le Pacte européen de 1945 ».
Ce pacte vient de loin. L’épuisement des populations devant un conflit qui dévore tout, l’humiliation de sociétés brisées par l’occupation ou la dictature, l’écrasement des valeurs humaines par une barbarie technicisée ont créé comme jamais auparavant un élan collectif vers des sociétés plus soudées, plus justes et délivrées du nationalisme guerrier européen.
C’est au plus profond de la guerre que sont rédigés le rapport Beveridge et le programme des jours heureux du Conseil national de la Résistance. En captivité sur l’île de Ventotene, Altiero Spinelli et Ernesto Rossi rédigent, dès 1941, un « Manifeste pour une Europe libre et unie ». A Alger, dès août 1943, Jean Monnet pose la question de la reconstruction européenne et des moyens d’éviter un « Versailles bis ».
A la fin des combats, la plupart des pays européens mettent en place, sous des formes voisines, un Pacte de sécurités collectives :
1. la sécurité contre la vieillesse avec l’affermissement des retraites
2. la sécurité contre les risques de la vie avec l’assurance maladie
3. la sécurité contre les risques économiques avec l’assurance chômage
4. la sécurité contre la guerre et la dictature avec la construction Européenne
Ces deux grandes innovations politiques que sont l’Etat providence et la construction européenne sont généralement contées séparément. Elles n’ont pas, à vrai dire été conçues ensemble, ni par les mêmes « Héros ». Pourtant, dans l’épaisseur historique de l’après-guerre, elles sont indissociables dans la volonté d’une même génération de dirigeants européens de bâtir un nouvel ordre démocratique et social. C’est en cela qu’existe un Pacte européen de 45.
La mise en place d’un marché économique commun avec l’Euro comme clef de voûte a été présentée aux citoyens européens comme la garantie économique et politique ultime de ce pacte, compétitivité et solidarité se nourrissant mutuellement. Et tant que la construction européenne a été globalement perçue comme fidèle à cette promesse, elle a bénéficié d’un soutien réel et constant des peuples. Mais quand le projet européen en a divergé pour se faire le complice facile d’une vague de mondialisation et de libéralisation à sens unique, les populismes se sont à nouveau invités à la table de l’histoire. Ajoutons à cela que la génération politique actuelle, incapable de sortir du dilemme Etat Nation / Fédération européenne, n’a pas su à ce jour adapter efficacement nos Etats Nations à un triple choc.
1. choc géopolitique avec la redistribution des cartes post-1989 et l’accélération sans précédent d’une mondialisation industrielle et financière, modifiant considérablement la perception des valeurs du travail et de la solidarité.
2. choc technologique avec l’expérience de la révolution digitale, l’une des trois plus grandes révolutions de l’Histoire humaine après l’invention de l’écriture et de l’imprimerie, qui tire les marges et profits hors d’Europe et fragilise durablement une économie européenne à qui manque un écosystème numérique performant.
3. choc démographique avec le vieillissement de la population européenne, alors même que des générations jeunes et libérées des dettes du passé avaient porté le succès du Pacte de 45 pendant des décennies et semblent désormais plus préoccupées de garantir leurs arrières.
Or face à ce triple choc, les nations européennes qui ont déjà mutualisé dans un cadre commun leurs outils de politique économiques, se refusent encore à faire de l’Europe le garant direct auprès des citoyens des sécurités collectives issues de l’Histoire européenne. Aujourd’hui, encombrée de la crise de la zone euro, riche de ses disputes, l’Europe ne se vit plus comme le pilier du Pacte de 45 et l’émigration est à nouveau à l’ordre du jour pour la « génération Erasmus » devenue « Génération Chômage».
L’enjeu du quinquennat Juncker sera bien de dépasser ces incohérences en répondant à ces défis afin de rendre à nouveau effectives, cohérentes et concrètes les ambitions du Pacte européen de 45. Faire de l’économique et du social les deux faces d’une même réalité est la seule manière de justifier aux yeux des peuples la valeur ajoutée du projet européen, qui n’est le fruit d’aucun déterminisme et n’a de légitimité qu’au regard de son action et de son efficacité.
Henri Lastenouse – @henri4 |
Arthur Colin – @arthurcolin |
Texte publié initialement dans La Croix du 4 septembre 2014
Bravo ! Tout à fait d’accord …..
mais j’ai 72 ans et les souvenirs de l’après guerre ……et j’ai entendu mon grand´pere gazé près de Verdun et mes parents raconter la guerre !
Normande , j’ai vu les villes bombardées ,les baraquements ,les difficultés économiques , les restrictions et les tickets pour le sucre, le café, l’huile …
Continuez à faire réfléchir
Elisabeth Louis
Je serais heureux d’entrer en contact avec Madame Louis-Lavigne.pour m’associer à son commentaire. Pierre.Bellenger@wanadoo.fr
Merci
Je suis aujourd’hui convaincu que si nous avons perdu la guerre de 40 c’est a cause des Louis Renault et des salopards du même genre . La lecture du livre » industriels et banquiers français sous l’occupation » est édifiante . Je ne pense pas a ce jour que l’état d’esprit , de la finance et des banques , soit changé . Les données de gestion financières ont évoluée mais le but à atteindre est le même , réduire à minima l’existence des peuples
C’est vrai que pour les gens de ma génération l’Europe a constitué un immense espoir de paix, de fraternité et de liberté pour tous ses habitants, mais depuis des années le virage amorcé ne correspond pas à ce que nous aurions souhaité.
Je partage votre opinion sur ce qu’il faudrait faire. Malheureusement je crains que Juncker soit le digne successeur de Barroso et qu’il poursuivra encore plus dans la voie de la globalisation, du démantèlement des services publics sous prétexte de libre concurrence, qu’enfin il mènera jusqu’à sa funeste conclusion le traité de libre échange avec les Etats-Unis qui soumettra les lois européennes au bon vouloir des entreprises multinationales.
Comme croyant à la construction européenne, il me semble bien que votre texte, inspiré et inspirant, pourrait être proposé comme « miracle » plaidant en faveur du processus de béatification de Robert SCHUMAN un des Pères Fondateurs de l’Europe.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Schuman
On n’a pas assez remarqué le poids des conditions historiques quand il a du, jeune avocat, « surfer » entre trois pays à cause des contingences historiques et géographiques de l’époque: France, Luxembourg, Allemagne… pour ne retenir que son appartenance plus que fugace à un Gouvernement Pétain qui dans son cas a d’autant moins de signification qu’un avocat est souvent aux prises avec des situations ambiguës… quoiqu’il en soit je regrette comme vous que l’absurdité d’une certaine époque à cause de la démographie dont vous parlez fort justement, semble à nouveau vouloir nous attirer dans ses rets…
Bonjour Philippe Jourdon, un plaisir de vous lire. J’aime les gens de conviction. Mais pas trop d’accord avec vous. Si vous voulez une Europe province des USa, ok. Mais dites-le. Si vous voulez une France dépecée en régions autonomes traitant directement avec l’UE en sous-provinces des USA, dites- le. C’est un choix politique
Vos refs : Schumann/Monnet, bravo !!!
Lisez Daily Télégraph qui a publié archives Défense déclassifiées US.
Ça s’est même dit sur France 2, c’est tout dire ..,
Pour le pb démographique, il va être résolu selon les vœux de Goldman Sachs, par une 3ème guerre mondiale. C’est vrai que notre planète est surpeuplée et aussi que les USA ont besoin de faire repartir la machine par une bonne guerre. Sans Dents s’y emploie avec frénésie
Question : quel monde voulez-vous ?
Bien amicalement
@Nicolas V
bonjour à vous,
depuis le temps de nos échanges sur ce support,
j’observe que l’on ne sait toujours pas qui vous êtes – à part que Pierre LELLOUCHE est pour vous « un-copain » -, et moi vous connaissez déjà mon nom et mon site vitrine,
mais à cause du retard pris par le processus Construction Européenne depuis l’époque MITTERRAND / DELORS, je vais quand-même ci-après vous répondre point par point:
« Bonjour Philippe Jourdon, un plaisir de vous lire. J’aime les gens de conviction. Mais pas trop d’accord avec vous. Si vous voulez une Europe province des USa, ok. Mais dites-le. »
non je ne veux pas cela,
mais l’Amérique du Sud est déjà dépendante militairement, financièrement, économiquement des Etats-Unis d’Amérique,
et c’est le même sort qui attend l’Union Européenne très bientôt, simplement parce que le processus de Construction Européenne s’est depuis eux presque arrêté.
« Si vous voulez une France dépecée en régions autonomes traitant directement avec l’UE en sous-provinces des USA, dites- le. C’est un choix politique »
non, je ne le veux pas,
je suis militant au PS depuis 1993
m’avez-vous vu souvent à la télévision?
réfléchissez…
« Vos refs : Schumann/Monnet, bravo !!! »
Citez aussi DE GASPERI,
et même ADENAUER,
Chef de son Parti jusqu’à l’âge de 90 ans
« Lisez Daily Télégraph qui a publié archives Défense déclassifiées US.
Ça s’est même dit sur France 2, c’est tout dire .., »
et vous relisez la littérature psychologique russe
TOLSTOÏ, DOSTOÏEVSKY, etc.
et la littérature médicale allemande
MANN, HESSE, etc.
« Pour le pb démographique, il va être résolu selon les vœux de Goldman Sachs, par une 3ème guerre mondiale. »
GOLDMAN SACHS, SALOMON BROTHERS, toutes les banques d’affaires de Wall Street que j’ai interviewées en 1988-89 pour une étude commandée par IDC-SARI à moi qui travaillais à Hartford sur le financement de l’immobilier aux Etats-Unis, et récupérées gratuitement par le Directeur Financier de notre maison mère la Compagnie Générale des Eaux Henri PROGLIO et que Rolland GUERIN (pas celui de « entre chiens et loups » de l’écrivain chrétien Gilbert CESBRON… l’autre!) lui a repassées… ont créé sur le papier un véhicule fiscal au niveau mondial…
certes c’était des banques privées,
mais le problème était mondial
au moins il y a la distance nécessaire afin de continuer à faire son travail
si vous ne faîtes confiance que à l’Etat français vous voyez ils se font élire pour accomplir une réforme fiscale et, une fois élus, partent en vacances en jetant aux orties le projet de réforme fiscale prétextant qu’ils n’ont pas la majorité politique pour l’accomplir
et s’étonnent une fois revenus de vacances que leurs sondages ont été divisés par trois!!!
les provocations des banques d’affaires pour gagner du temps ce n’est pas à moi d’y répondre en premier
« C’est vrai que notre planète est surpeuplée et aussi que les USA ont besoin de faire repartir la machine par une bonne guerre. Sans Dents s’y emploie avec frénésie »
on s’en fout complétement
ce qui me préoccupe davantage est que les vieux oublient tout…
« Question : quel monde voulez-vous ? »
commençons si vous le voulez bien par le XXI S
avec trois ouvertures que je propose
Dialogue des Civilisations
Théorie du Genre
Développement Durable
déjà avec cela on fera réduire la vitesse avec des effets vertueux
diminution de la pollution
faire la part des choses
retour à l’esprit civique etc.
(…]
bonjour a tous, apres avoir lu vos commentaires tres ciconspect que faisont nous pour nos enfants et autre generations????? l’homme ne sait faire que des guerres pour pour continuer? merci
jmp
Bonjour,
Le rappel opportun d’un certain nombre d’antécédents développé dans cette chronique de SLE confère un éclairage historique intéressant au nouveau « quinquennat » qui va s’ouvrir pour l’UE avec la présidence de Jean-Claude Juncker.
Le seul complément que je souhaite apporter à cette chronique consiste à mentionner l’élément concret que constitue la présentation, par le nouveau président de la Commission lui-même, des orientations politiques qu’il entend donner à son mandat. En effet, cette présentation existe d’ores et déjà sous la forme d’un programme exposé devant le Parlement européen le 15 juillet dernier.
A ce stade du simple échanges de commentaires ouvert par SLE, mon souci n’est donc pas d’infliger à nos lecteurs de longues digressions sur le contenu (ou les non-dits) de ce programme. En conséquence, ma contribution du jour se limitera, pour compléter les données objectives du débat, à renvoyer au texte exhaustif de l’intervention (14 pages), accessible au moyen du lien suivant:
ec.europa.eu/about/juncker-commission/docs/pg_fr.pdf
Bonne lecture… et RV pour des échanges fructueux ?
Réponse à « Nicolas V », l’anonyme, aussi peu démocrate que Nicolas I:
Et vous, que voulez-vous? Depuis le temps que l’on vous pose la question, sans obtenir de réponse!
Vous ne savez que détruire! Que voulez-vous construire?????
Ce lien pour vous montrer que vous jouez le jeu des USA bien plus que tous les gens à qui vous le reprochez.
http://www.diploweb.com/Europe-Russie-la-decennie-des.html?utm_source=sendinblue&utm_campaign=NL32__07092014&utm_medium=email