Les élections portugaises du 4 octobre ont envoyé au Parlement deux coalitions politiques de forces proches. Le parti conservateur sortant a obtenu le plus grand nombre de votes car il s’était présenté uni (38%). Ils ne sont cependant pas majoritaires, le Parti socialiste, la CDU (alliance du parti communiste et des verts) et le Bloc de gauche (rassemblement des marxistes-léninistes, des trotskistes et des maoïstes) disposent de 122 sièges sur 230.
Le président de la République Anibal Cavaco Silva a demandé au premier ministre conservateur sortant de former le gouvernement. Il estime en effet que « En 40 ans de démocratie, aucun gouvernement au Portugal n’a jamais dépendu de l’appui des forces anti-européennes, à savoir les forces qui ont fait campagne pour abroger le Traité de Lisbonne, le Pacte budgétaire, le Pacte de croissance et de stabilité, ainsi que de démanteler l’Union monétaire et de sortir de l’euro, sans parler de quitter l’Otan (…) C’est le pire moment pour un changement radical des fondements de notre démocratie (…) Après que nous ayons réalisé un programme onéreux entraînant de lourds sacrifices, il est de mon devoir, dans mes pouvoirs constitutionnels, de faire tout son possible pour éviter de faux signaux envoyés aux institutions financières, aux investisseurs et aux marchés ». Ce discours est un peu l’équivalent des chars soviétiques à Paris en cas de ministres communistes en 81.
Il n’en faut pas plus pour que se répande l’idée d’un coup d’Etat au Portugal, les forces opposées à l’austérité étant interdites de gouvernement quel que soit le résultat électoral. Les plus intrépides évoquent même le réseau Gladio, le bloc de gauche étant violemment anti-OTAN.
Point trop n’en faut. La tradition constitutionnelle portugaise est de nommer premier ministre le chef du parti arrivé en tête. Le Président de la République aurait pu déroger à cette tradition, mais conservateur lui-même, il ne l’a pas souhaité. La gauche n’est pas écartée du pouvoir pour autant: le gouvernement nommé doit soumettre son programme au Parlement, et démissionner s’il est rejeté. Il revient donc tout simplement à la gauche de s’unir dans une coalition parlementaire, ce qu’elle n’a encore jamais fait au Portugal.
Elle le doit d’autant plus que le Portugal subit une crise économique et sociale. L’austérité à marche forcée n’a pas produit les effets mirifiques qui lui sont souvent attribués. Le PIB reste inférieur à son niveau de 2010, le chômage est très élevé et le redémarrage actuel de l’économie témoigne plus d’une relatif desserrement du frein austéritaire que d’une remise à neuf du moteur par des politiques structurelles adaptées. La diminution de la protection du droit du travail et la hausse du chômage ont entraîné une précarisation importante de la société, avec une augmentation nette de ceux qui vivent avec 500 € par mois et une fragilité importante de ceux qui disposent de 1.000 €.
Il faut pour cela que les différentes forces de gauche parviennent à surmonter leurs différences importantes, notamment sur le processus européen. L’urgence sociale doit les y pousser. Elles doivent ensemble définir un programme raisonnable de sortie de l’austérité, qui ne peut être que ciblé compte tenu des difficultés financières de l’Etat: plus de 7% de déficit en 2014, et 130% de dette publique. Il existe plusieurs méthodes pour cela: la méthode Hollande, prétendant mener un processus budgétaire impitoyable quand la baisse du déficit peut en réalité être mesurée au pèse-lettre, ou la méthode Renzi qui annonce officiellement sortir des clous sans provoquer de réaction particulière à la Commission. Dans le contexte portugais, on entend parler d’un ensemble de mesures ciblées sur le marché du travail ou sur la TVA énergie. Les différents partis politiques de gauche ont commencé à bâtir cette approche, ils doivent rapidement y parvenir pour être, à leur tour, en mesure de présenter un programme de gouvernement au Parlement.
Arthur Colin – @arthurcolin
L’austérité est un mot tabou pour quelques idéologues qui ne considèrent pas la situation mais leur seule conviction.
Pour des raisons qu’il serait trop long de développer ici, les états europeens, surtout ceux de la zone €uro, ont considérablement accru leur dette et leur déficit budgetaire, qui alimente aussi la dette.
Face à cette situation,
Les idéologues disent pis que pendre des mesures de redressement, austérité ?
Les pragmatiques redressent les comptes tout en ménageant la croissance économique, surtout quand elle est faible. Bonne gestion? Indépendance reelle?
En France les Frondeurs professent que la dette n’a pas d’importance, qu’elle ne pèse pas sur l’indépendance des états, que l’on peut tout financer par l’emprunt – des retraites à la protection sociale.
Ceux qui relaient ces mensonges agissent comme le joueur de flûte de Hameln, et prennent les citoyens pour des rats que l’on peut mener au précipice!
Bonjour,
C’est le drame historique de la gauche: une grande désunion. S’y ajoute un autre drame à mon sens, l’Europe est l’Europe des affaires et non des gens. On met des barrières pour les humains pas pour les euros ou les dollars. Ce qui explique le désamour et la méfiance de beaucoup de gens de gauche envers cette institution, qui est cependant pour moi la seule voie d’avenir crédible.
Au niveau de l’austérité, vous ne parlez pas de taxer plus les nantis. Personne n’en parle. Vous ne parlez pas de taxer les grosses corporations et leur interdire les diverses manipulations fiscales et légales qui émaillent nos journaux (luxeleaks, Starbucks, Fiat, VW). Une estimation rapide arrive à 500 milliards d’euros par an. 1000 euros par citoyen par an. Personne n’en parle non plus.
Une alternative que Tsipras n’a pas pu réaliser est d’annuler la dette. Il ne s’agit que d’écritures comptables. Ce ne devrait poser comme seul problème que la survie des banques et des banquiers. Leur bonheur semble plus important que le bonheur de la population.
Le vrai drame est la trahison de la gauche française, la trahison de Tsipras, mais le drame absolu, c’est la corruption (intellectuelle… et bancaire !) des néolibéraux, le vrai drame et de tout voir au travers le prisme de l’argent.
« …Mais c’est de l’homme qu’il s’agit ! Et de l’homme lui-même quand donc sera-t-il question ?… »
Saint-John Perse – « Vents ».
D’après le titre de votre article, la gauche doit s’unir (ici au Portugal où je réside), et je pense qu’elle est bien partie pour le faire tant l’attitude du président a été mal ressentie par l’ensemble de cette gauche justement…
« Sauvons l’Europe » dites-vous, je crois que ce cri traduit bien l’état de calamité où elle se trouve actuellement… la Grèce, le Portugal, l’Italie et l’Espagne, les « PIGS » comme beaucoup disaient bien haut, il y a peu, sur le ton du mépris et de la vindicte… tous ces pays ne s’en sortent pas et ne le peuvent pas depuis 4 ans maintenant.
Le spectacle lamentable de ces pays de l’est qui virent à droite toute, prêts à construire des murs et des barbelés contre ces marées humaines qui déferlent sur l’Europe devenu refuge illusoire dans leur détresse, fuyant un malheur qui fut provoqué par ce merveilleux Occident qui décide de tout, va-t-en guerre au pied levé, découpe les pays en dessinant les frontières au gré de ses intérêts, comme ce fut le cas au sortir des guerres qu’il a lui-même fomenté…
Bref, l’Europe que j’appelais de mes voeux comme une entité sociale grande et juste, avancée, tolérante, moderne et avant-gardiste, elle m’a depuis quelques années filé le blues… un blues de plus en plus sombre et triste avec « du désespoir plein la trompette » comme le diasit Nougaro.
Merci à Marc Blasband pour son clair et juste énoncé.
Et que Catalan cesse de faire le sérieux et le raisonnable qu’il prétend pouvoir être encore en matière de dette : est-ce sérieux et raisonnable des dettes de plus de 100% contractées par des gens « sérieux et raisonnables » en qui nous avions mis notre confiance? Moi si j’avais fait ça dans mon budget,de ménagère, mais cela n’aurait sans doute pas été possible tant nous sommes controlés lorsque nous empruntons, mais si j’avais « réussi » à me surendetter autant je serais intedite bancaire et en prison!
Alors où est le mensonge primordial ?
Qui a été « le joueur de flute, prenant le citoyen pour un rat et le menant au précipice? «
[…] Comme hier au Portugal, les citoyens espagnols ont brisé ce week-end le cadre éprouvé du bipartisme. Les conservateurs sortants (et nous l’espérons, sortis), vont conformément aux traditions constitutionnelles tenter de former un Gouvernement minoritaire. S’ils n’y parviennent pas de prime abord, comme il est probable, ce sera au PSOE de tenter la chose. […]