Brexit : Winter is coming…

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Après la Croatie, la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie, sans oublier la présidentielle autrichienne, les élections régionales en France ou la mairie de Rome, la victoire du Brexit au Royaume-Uni est une nouvelle étape fondamentale dans la progression de l’Hiver populiste qui recouvre progressivement le projet humaniste de la génération de la résistance au fascisme.

Naturellement, ce Brexit se fonde pour partie sur le « souverainisme historique » britannique. Le Royaume-Uni n’a pas, comme les autres pays d’Europe, connu la dictature fasciste ou nazie, puis communiste. Il n’y a pas de cassure de son histoire démocratique et la garantie des libertés individuelles n’y est pas liée au projet européen. Or comme le soulignait Robert Schuman, il ne peut y avoir de projet commun sans la capacité de s’entendre sur une histoire commune.

Ce souverainisme historique composait déjà le socle des 33 % d’opposants à l’Europe lors du référendum de 1975. Il a animé la position britannique entre « splendide isolement » et accès au Marché unique. D’où, par exemple, les vétos britanniques à des candidatures trop fédéralistes comme celle de Guy Verhofstadt à la présidence de la Commission européenne. La prise de parole de Boris Johnson résume ce pragmatisme : « L’UE était une noble idée pour l’époque, mais elle n’est plus utile pour notre pays ».

Il est également extraordinaire que tout au long de la campagne, la taille exacte de la contribution britannique ait fait l’objet de violents débats mais qu’aucun homme politique ne l’ait défendue dans son principe, en expliquant qu’une solidarité de la cinquième économie mondiale envers ses voisins européens n’était pas incongrue.

Mais à cette opposition historique à l’Europe s’est greffée avec l’UKIP une composante locale du nouveau populisme qui gangrène l’Europe. Plongeant ses racines dans la rupture des pactes sociaux de l’après-Guerre, il donne sa mesure depuis la crise de 2008. Introduite sur le sol européen il y a 35 ans par Margaret Thatcher, cette contre-révolution a produit l’implosion des classes moyennes, érigées en rempart de la démocratie après 1945, et qui n’ont pas résisté à la mondialisation libérale.

A ce titre, il faut voir combien derrière les apparences Britannia était un Royaume Désuni. Géographiquement, ce « nouveau populisme » occupe tous les territoires victimes de l’égoïsme de Londres, devenue comme une île au sein de l’île. Le choc référendaire réveille d’un seul coup l’indépendantisme de l’Irlande du Nord, relance le séparatisme écossais et révèle une violente opposition entre la ville monde de Londres et les terres qui l’entourent.

La classe politique anglaise est profondément malade. Le discours mensonger et xénophobe des tenants du Brexit a été un choc. L’extraordinaire petitesse de David Cameron qui a tout risqué par pur opportunisme et certitude qu’il sortirait grandi d’un référendum positif lui permet de rejoindre la liste des grands fossoyeurs politiques de l’histoire. Le Labour n’en sort guère mieux, plus soucieux de se distinguer des conservateurs que de défendre l’avenir d’une jeune génération qui a voté, elle, massivement pour l’Europe.

Le manichéisme est reposant intellectuellement, mais rarement honnête. La troisième source du Brexit provient bien de l’incapacité de l’Union européenne à répondre aux attentes des citoyens et à l’échec de l’élite politique européenne. Si les premiers pas de la construction européenne ont été portés par une technocratie humaniste forgée dans la résistance au nazisme et globalement ouverte à une approche keynésienne de l’action publique, ce n’est manifestement plus le cas aujourd’hui. Une technocratie portée uniquement vers une obsession comptable au service du marché peut difficilement servir l’intérêt général. Le marché et le citoyen se croisent rarement…

Cette réduction du projet européen est en partie le fait du Royaume-Uni. Déterminé à n’y voir qu’un marché commun, il a négocié tous les éléments lui permettant de s’y limiter : rabais sur la contribution, rabais sur la monnaie, rabais sur le contrôle budgétaire, rabais sur les frontières, rabais sur les normes sociales, rabais sur les ambitions.

Il est nécessaire que les voies de sortie soient désormais dessinées rapidement, et les tergiversations de la classe politique anglaise à ce sujet sont odieuses si elle se résout à respecter ce vote techniquement non impératif. En laissant à son successeur eurosceptique la charge de notifier la sécession, David Cameron a également laissé le temps d’en illustrer les conséquences désastreuses et l’opinion britannique pourrait se montrer désormais moins empressée. Mais prenons garde ! S’il est une chose qu’il faudra bien reconnaître au Brexit, c’est qu’il s’agit d’un exercice de démocratie grandeur nature. On ne peut que s’inquiéter que nos dirigeants estiment qu’une réponse adéquate et honnête consiste à réunir six ministres des affaires étrangères et leurs conseillers derrière des portes closes quarante-huit heures après le désastre. Comment une démarche fondamentalement censitaire peut-elle déboucher sur des référendums heureux ? Une approche horizontale et participative ne serait-elle pas plus conforme aux attentes des Européens d’aujourd’hui, et innovante comme surent l’être les fondateurs en 1950 ?

Derrière la rigueur unanimement affichée aujourd’hui à l’égard du gouvernement britannique par les institutions nationales et européennes, on craint au contraire de discerner la volonté de faire un exemple pour bloquer toute contagion vers d’autres sorties.

Il ne faut pas être naïfs dans les négociations qui s’engagent avec une classe politique anglaise plus matoise que courageuse mais nous devons d’abord nous souvenir des valeurs qui portent l’Europe. Des centaines de milliers de Britanniques vivent sur notre sol, dans un cadre juridique et social sans certitude. Idem pour les nombreux Européens établis en Grande-Bretagne. Ils ont fait le choix de l’Europe et ne doivent être ni des victimes collatérales ni des pions de négociation.

Même imparfaite, l’Europe reste l’horizon des partisans de l’ouverture, de l’humanisme, de la solidarité. Si la droite dure et l’extrême droite ont fait de l’Europe leur principal bouc-émissaire, c’est bien que la cause mérite d’être défendue, comme le faisait simplement Jo Cox. N’espérons pas que la disparition du frein anglais permettra magiquement les avancées sociales et démocratiques nécessaires. En attendant des responsables politiques majoritairement à la hauteur de ces enjeux, c’est à la société civile de porter le fardeau.

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7 Commentaires

  1. très bien, l’article, je propose donc une citoyenneté européenne découplée de la nationalité, sur demande solennelle des personnes, afin d’accueillir les expatriés

  2. Le Royaume-Uni n’est pas complètement dans l’Europe (en dehors de l’euro-groupe , de shoengen , du pacte social , etc…) .Sorti de l’Europe il ne sera pas complètement dehors , il continuera les relations économiques et financières avec l’UE avec des accords privilégiés , et sa langue sera malheureusement encore utilisée,. Alors qu’est-ce que cela change ?

  3. Un article très intéressant. Je trouve par contre que l’introduction mélange des choses qui recouvrent des réalités différentes
    – En Autriche, le résultat de l’élection présidentielle est le fruit de l’usure d’une coalition centre gauche et centre droit et une association dans certains lands de la social démocratie et du FPO.
    – En Italien, la victoire de 5 étoiles c’est le refus de la corruption et des carambouilles des municipalités gauche droite qui se sont succedées..
    – En europe centrale, on a affaire à une résurgence nationaliste notamment par le reveil des vieilles oppositions vis à vis des turcs
    – last but nos least, au Royaume Uni on a joué avec le feu…….

  4. La question de ce référendum était idiote car simpliste, le
    résultat ne peut être qu’un malentendu qui prend les acteurs au dépourvu. La
    vie n’est pas compatible avec une interprétation binaire des réalités, OUI NON,
    un nouvel aéroport ? OUI ou NON,
    C’est une vision sociale digne de la bureaucratie soviétique
    Même problématiques, même conséquences.

    Sachant que pratiquement tous les citoyens sont pour une Europe
    bénéfique aux peuples, la bonne question serait :
    A votre avis quelles pratiques de l’UE devraient être rediscutées et améliorées ?
    Selon quelles priorités ?

    l’analyse des pratiques est intéressante au départ, mais c’est insuffisant pour améliorer les choses, pour cela, il faut remonter aux causes, réfléchir, agir et transformer les structures à l’origine des problèmes.

    Exemple :
    L’Europe ne devrait pas permettre le dumping fiscal ou social actuellement favorisé, et devrait limiter les échanges avec les économies mondiales qui les pratiquent. L’Europe ne doit pas imposer un calibre aux concombres ou
    une courbure aux bananes, les consommateurs sont capables de faire leurs choix, sans cette bureaucratie inutile.
    Elle doit reconstruire un art de vivre ensemble, en se fondant d’abord sur des principes incontournables et mondialement cohérents.

    Priorité aux devoirs
    Croire qu’il était possible d’imposer « les droits del’homme » sans au préalable avoir fait adopter  » les devoirs de l’homme » n’est pas eraisonnable.

    PRINCIPES FONDATEURS DU DROIT ET DES DEVOIRS

    PRINCIPES VITAUX (scientifiquement établis)
    01 La vie est,
    L’habitat terrestre est notre seule base de vie, ce biotope est physiquement limité.
    Cette limite est incompatible avec un développement matériel infini ou sans
    mesure.
    02 intriquée,
    Rien sur terre n’existe en totale indépendance, tout est lié et extrêmement complexe. Tout est à la fois cause et conséquence. Cela impose de la modération et du respect.
    Les conséquences sont parfois imprévues, le plus souvent imprévisibles.
    03 diversifiée
    Si certaines petites causes peuvent engendrer parfois de grandes
    conséquences, généralement les causes massives ont des conséquences également massives.
    La diversité des phénomènes et leur nombre est un facteur de stabilité, de
    moindre impact.
    La diversité favorise le pouvoir d’adaptation des êtres vivants, leur viabilité et leur résilience.
    04 altruiste
    Les mathématiques des « jeux de la vie », les recherches scientifiques, anthropologiques ou philosophiques comme celles de Matthieu Ricard, démontrent que l’altruisme participe au développement des formes vivantes, assure la pérennité de toute œuvre culturelle évoluée.
    (Toutes les glorieuses civilisations, que l’orgueil a poussées à l’égoïsme, se
    sont effondrées).
    05 mesurée
    Les petits pas renforcent le potentiel de la diversité, ce qui est souhaitable pour la vie. L’évolution de la vie se joue dans un espace limité où toute mesure à une importance.
    L’humanité doit retrouver cette sagesse que l’énergie abondante
    a rendue superflue.

    Renforcer ouvertement, dans le droit, tout ce qui favorise ces principes, serait déjà un grand changement, bien plus que de sortir de la communauté européenne !

  5. Un article intéressant et très bien raisonné.
    Pour un anglais pro-l’Europe comme moi, il y a deux trous a boucher:
    1. Seulement 37% du suffrage britannique a voté pour le brexit.
    et
    2. La presse Britannique, en quasi totalité carnassierement anti-européen a jouée un rôle clé en obtenant ce résultat.

  6. Je reprends à mon compte, ce passage de l’article, qui, noyé dans la masse, risque de passer inaperçu, mais est, à mes yeux, oh combien essentiel:

    « La troisième source du Brexit provient bien de l’incapacité de
    l’Union européenne à répondre aux attentes des citoyens et à l’échec de
    l’élite politique européenne. Si les premiers pas de la construction
    européenne ont été portés par une technocratie humaniste forgée dans la
    résistance au nazisme et globalement ouverte à une approche keynésienne
    de l’action publique, ce n’est manifestement plus le cas aujourd’hui.
    Une technocratie portée uniquement vers une obsession comptable au
    service du marché peut difficilement servir l’intérêt général. Le marché
    et le citoyen se croisent rarement…

    Cette réduction du projet européen est en partie le fait du
    Royaume-Uni. Déterminé à n’y voir qu’un marché commun, il a négocié tous
    les éléments lui permettant de s’y limiter : rabais sur la
    contribution, rabais sur la monnaie, rabais sur le contrôle budgétaire,
    rabais sur les frontières, rabais sur les normes sociales, rabais sur
    les ambitions. »

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