Voilà bien un paradoxe : l’Europe sera à n’en pas douter un des thèmes de la campagne présidentielle française. A qui en douterait, qu’il regarde les débats du Brexit, de la présidentielle autrichienne ou le référendum néerlandais sur l’accord Europe-Ukraine. Et pourtant en France, l’actif démocratique stratégique qu’est la société civile européenne connaît, selon nos informations, des difficultés de financement de plus en plus importantes.
S’il ne faut prendre qu’un exemple de cette négligence tranquille des autorités, voyons le cas de la Maison de l’Europe de Paris, avec qui Sauvons l’Europe a des relations de travail et d’amitié. La Mairie de Paris a baissé d’un tiers la subvention qu’elle lui accorde, en lui permettant pour compenser de louer les salles de l’hôtel de Coulanges qu’elle occupe. Dans le même temps, le très beau projet « Réinventer Paris », conduit la Maison de l’Europe à déménager dans de très beaux locaux avenue de Villiers, quoique moitié plus petits et plus excentrés. Adieu donc les revenus annexes supposés équilibrer la baisse des subventions ! Si la Maison de l’Europe doit se séparer d’une partie de son personnel, pourra-t-elle continuer à assurer l’ensemble de ses missions d’intérêt public ? Bonne manière de fêter ses 60 ans…
Le Mouvement Européen-France est la maison commune de la société civile pro-européenne, et parvient avec une poignée de salariés à coordonner les efforts de centaines d’associations et de bénévoles dans toute la France, qui vont dans les manifestations, dans les écoles, expliquer ce qu’est l’Europe. Il reçoit pourtant de moins en moins de fonds publics et vit depuis des années dans l’angoisse permanente du dépôt de bilan.
Combien les autorités publiques ont-elles épargné sur ces deux structures ? Largement moins d’un demi-million d’euros par an. A ce niveau d’économies de bout de ficelle, on ne peut parler de rigueur de gestion publique, mais bien d’impéritie.
Pour rappel, la contribution française au budget européen est de 21,7 milliards d’euros. Ne serait-il pas pertinent de consacrer quelques millions d’euros à expliquer ce que fait l’Europe et soumettre ainsi les enjeux de la construction européenne au jugement éclairé des citoyens ?
En effet, de quoi parlons-nous ? Pas d’un soutien à quelques organisations militantes. Sauvons l’Europe défend ouvertement des positions politiques et à ce titre nous n’avons jamais demandé de subventions publiques. Les associations qui ont pour objet premier d’informer sur l’Europe sont dans une situation absolument différente et contribuent à créer une sphère publique de débat plus objective et donc plus saine.
Or nous savons que les zones d’ombres de la compréhension publique sont le poison de la démocratie. C’est là que s’attache et se manifeste la défiance, et l’Europe est une incarnation de choix de la défiance démocratique car elle est pour les citoyens une nébuleuse déresponsabilisante. La tyrannie de Bruxelles est devenue une figure rhétorique imposée de tout candidat qui prétend s’opposer à un système, épouvantail d’autant plus commode qu’il est incompréhensible pour le public.
Ne nous étonnons pas que le projet européen ait du mal à convaincre, on est certain de perdre les batailles qu’on refuse de livrer. Nos élus et leur hypocrisie pro-européenne doivent assumer le sacrifice de la société civile européenne sur l’autel du populisme ambiant et de leur lâcheté politique. En se retirant du simple champ de l’explication publique de ce qu’est l’Europe, les responsables politiques creusent leur propre tombe.
Qu’ils n’imaginent pas que cet espace reste vide. Tandis que le Gouvernement rogne une centaine de milliers d’euros sur le budget de Touteleurope.eu, service public d’information mal assumé, la Russie augmente de 18 millions d’euros le financement de son organe de propagande dans notre pays, RT France.
Ces coupures budgétaires visant les associations européennes sont effectivement irresponsables – mais les justes protestations desdites associations seraient plus audibles si elles étaient exprimées collectivement et publiquement. JGG
Mais c’est une bonne nouvelle tout ça !
Plutôt que de communiquer sur une Europe qui fonctionne mal, nous ferions mieux de dépenser nos énergies à la réformer.
Supprimer le Conseil Européen et donner tout le pouvoir au Parlement Européen en ferait une vraie démocratie.
Pour l’instant nous avons une Europe des gouvernements et c’est pour cette raison qu’elle fonctionne très mal et fait tout à l’envers : pas d’harmonisation sociale, pas d’harmonisation fiscale, pas grand’chose en matière d’écologie, de santé, de défense des consommateurs et la déflation monétaire et l’austérité budgétaire comme seul guide en matière d’économie.
Sauver l’Europe c’est d’abord la réformer en suscitant un grand mouvement populaire pour plus de démocratie
… sinon le grand mouvement populaire va nous replier sur nos petits états-nations et ce sera la victoire du capitalisme mondialisé le plus dur.
L’Europe sociale était prévue par le livre Blanc de Delors et non mis en application suite aux refus du Parlement majoritairement PPE, puis non mis en application par Barroso qui a mis de côté cet aspect. Le coût de l’Europe sociale prévue en 86 sur un plan de 20 ans, et non mis en oeuvre car soi-disant trop élevé, est pourtant en comparaison des sommes dépensées pour le règlement de la crise financière ridiculement faibles. Une Europe uniquement basée sur le Conseil européen n’aurait rien de plus ou moins démocratique qu’aujourd’hui ; l’Europe ne deviendra démocratique que lorsque les populations se seront appropriées l’idée d’une Europe cosmopolitique et accepteront à la fois une règle du jeu différente de l’exercice de la démocratie internationale et le maintien (et les limites) de l’exercice de la démocratie nationale, et quand les politiques accepteront l’idée que le projet européen est civilisationnel et qu’ils n’ont mandat de personne à ce jour pour le mener à bien tous seuls. Tout à fait d’accord avec votre conclusion.
Je lis « L’Europe sera à n’en pas douter un des thèmes de la campagne présidentielle française » Jusqu’ici, je n’ai pas entendu grand chose aux primaires de la droite. Les exemples donnés sont en plus éloquents : les débats du Brexit pour sortir de l’Europe, la présidentielle autrichienne pour un président sans pouvoir, le référendum néerlandais sur l’accord Europe-Ukraine qui défie l’Europe, et je viens d’apprendre que la droite propose un des disciples de Berlusconi comme président du parlement ! Faut-il pleurer, faut-il en rire, …
Tout à fait d’accord. Vu les sujets en cours et les risques de dérapages, il serait étonnant que le sujet européen soit abordé par d’autres que les partis anti-européens. Et on ne voit pas ce qui ferait que la gauche ou la droite en parlent : elles ont tout à y perdre. Comme c’est l’alternance en France qui s’annonce et le statu quo en Allemagne, il y a tout lieu de penser que le PPE reste majoritaire au Parlement européen, c’est-à-dire que l’Europe accentue son libéralisme, son tout-économique, son refus de considérer le projet civilisationnel et les populations : l’Europe de Barroso est encore là pour un moment.
Elle s’est affaiblie toute seule parce que gérée par des incompétents assoiffés d’argent, laissant les peuples au bord du chemin. Dommage mais sans nous…
C’est surtout le sort de la Maison de l’Europe de Paris qui m’interpelle plus particulièrement dans cet article. Sa « déportation » – je pèse mes mots – hors du centre historique de Paris représente à elle seule tout un symbole du peu de considération que les autorités concernées attachent à l’Europe.
J’ai vu Mme Hidalgo mieux inspirée dans d’autres initiatives, telles que la réaffectation de certaines berges de la Seine. Mais peut-être cette maladresse politique lui a-t-elle été extorquée par un courtisan soucieux de loger ses propres intérêts à courte vue dans une belle demeure du Marais ?
L’idée européenne ne fait plus recette. Le populisme est à la mode, alors les politiques, bien aidés par les médias, soutiennent le populisme. Les élections françaises de cette années ne vont pas manquer de charme.
[…] Pourquoi affaiblir encore l’Europe en France ? […]
Dans les pays européens ,ceux qui crient le plus fort sont ceux qui refusent de perdre la moindre parcelle du pouvoir qu’ils détiennent et plutôt que d’avouer leur frustration qu’ils jugent intolérable ,ils font mine d’en appeler au « peuple » à qui ils mentent sans pudeur ..cf Boris Johnson et Nigel Farad en Grande-Bretagne ,préférant ensuite fuir pour ne pas avoir à gérer le chaos qu’ils ont engendré