Lorsqu’il a reçu en mains propres la lettre du Gouvernement britannique annonçant officiellement son retrait de l’Union, Donald Tusk a eu ces mots: « Vous nous manquez déjà ». C’est trop choupinou!
Car le fait est que dans le même temps les choses se tendent sérieusement dans les négociations. Le Parlement européen a rappelé qu’il était décisionnaire sur l’accord final, et qu’il entendait bien émettre ses conditions. Dans une résolution adoptée la semaine dernière, il indique qu’il souhaite un accord temporaire rapide pour permettre la sortie du Royaume-Uni dans le délai de deux ans après la notification qui vient d’être faite, qui permette l’esprit serein de négocier dans la durée le véritable accord ente l’Union et le Royaume par delà la Manche. En clair, alors que les Britanniques tournent beaucoup autour de la possibilité de se rétracter de la sortie si la négociation n’est pas satisfaisante, le Parlement européen entend ne commencer les véritables négociations qu’une fois la sortie définitive et irrévocable. Or cette résolution du Parlement est quasi unanime: elle a le soutien des conservateurs, des sociaux-démocrates, des libéraux du centre, des verts et de la gauche de la gauche. A part les souverainistes et les extrêmes droites de tout poil, tout le monde! Ce consensus politique entre tous les groupes qui acceptent un jeu parlementaire européen est incroyablement fort sur un sujet aussi important.
Le président du groupe conservateur PPE, Manfred Weber, a par ailleurs précisé la couleur: il lui semble impensable que la compensation des transactions en Euro puisse continuer à se faire à la City après le Brexit. Rappelons que selon la Banque d’Angleterre la moitié seulement du système bancaire britannique s’adresse aux ménages et entreprises nationales, et que les exportations de services financiers représentent 2% de son PIB! 7% des Britanniques travaillent dans les services financiers et 1% dans la City elle-même. Ce secteur représente 12% du PIB, soit autant que toutes les industries combinées. On mesure l’ampleur de la menace pour l’économie britannique…
Theresa May a immédiatement répliqué en annonçant que la poursuite de la coopération antiterroriste n’était pas assurée en cas de mauvais deal. Nous en sommes là: on se menace de ne pas se transmettre des informations de vie ou de mort entre européens.
Les Britanniques sont tellement mal, dans le Brexit et dans les discussions Brexit, qu’ils en viennent immediatement à l’argument de la lutte anti- terroristes que Mme May évoquait déjà dans sa lettre 50.
Le prochain argument sera-t-il la Défense de l’Europe?
Pauvres Britanniques piégés par ce référendum idiot, qui vont droit au hachoir Trump.
Nous devons exprimer dans toute l’Europe notre désir que les Britanniques restent dans l’Ue. Nous devons le faire en tant qu’Européen pour marquer d’abord notre conscience que le destin que les Britanniques ont engagé n’est pas que le leur, mais également le nôtre. Les populations européennes ont laissé les Britanniques faire leur choix, il est maintenant temps que nous disions le nôtre. Nous devons exprimer notre tristesse que les Britanniques nous quittent et nous devons leur demander de rester parmi nous. Nous connaissons le chronomètre : nous avons vingt-quatre mois pour le faire avant que les négociations du Brexit ne s’achèvent. Cela fait que nous pouvons leur demander 20 fois, au rythme d’une prise de parole publique tous les mois, si leur décision est définitive. Il faut décréter d’un espace européen dans chaque capitale européenne, pour que la parole publique qui s’exprimera devienne une parole européenne, et non une parole française, allemande, belge ou italienne. On ne dira pas vingt mille manifestants Français et vingt mille manifestants Allemands, on dira quarante mille manifestants européens. Nous leur demanderons vingt fois s’ils veulent partir. Si vingt fois ils nous disent oui, nous aurons la satisfaction de leur avoir dit au-revoir. Si plus tard, ils veulent à nouveau joindre leur destin au nôtre, ils sauront qu’ils auront des marques d’affection à nous témoigner car nous l’aurons fait pour eux. Si au bout de vingt questionnements, ou avant, ils révisent leur jugement et décident de rester, nous nous réjouirions de continuer à construire, avec eux, une démocratie internationale. Et ce jour où le gouvernement britannique retirera son courrier en référence à l’article 50 marquera aussi le jour de la naissance de l’Europe démocratique. Les gouvernants tremblent à l’idée de relancer la moindre idée sur l’Europe ; les populations restent frileuses et attendent au chaud que d’autres décident à leur place. Il est temps de prendre les rênes. L’Europe ne peut être que démocratique, elle passe nécessairement par l’expression de la souveraineté populaire européenne. Il faut une occasion de le faire : le Brexit nous l’offre. Prenons les rênes du projet européen et prenons les pacifiquement. La souveraineté populaire ne s’est jamais prise pacifiquement dans l’Histoire. Ce sera la première fois que des populations le feront et ce, à l’échelle internationale. Cela débute par la codification d’espaces européens au sein des capitales européennes et de toutes les villes emblématiques de l’histoire de l’Europe. Ces espaces européens devront le rester pour le siècle à venir pour abriter plus tard d’autres prises de parole publique directement par la population européenne dans l’espace européen à destination des instances européennes. Ensuite, cela passe par notre témoignage vingt fois répété de notre tristesse que les Britanniques nous quittent. Faisons-le et ne laissons pas l’incertitude ou l’indécision décider à notre place. Les Britanniques sont souverains, mais nous le sommes aussi : demandons-leur pendant les vingt-quatre mois à venir s’ils maintiennent leur décision et faisons naître la souveraineté européenne.