L’Europe n’est pas une construction irrésistible. Elle n’a progressé que par phases, en réponse à des chocs trop violents pour les Etats membres. La seconde guerre mondiale bien sur, qui nous amena la Convention européenne des droits de l’homme et la CECA, la décolonisation qui nécessita la mise en place de la CEE, la fin de Bretton Woods dont accoucha l’Euro, la chute du Mur qui conduisit l’élargissement et la grande crise de 2008 qui impose la solidarité et donc la question démocratique. En dehors de ces crises, doux immobilisme tant l’amour porté à l’Europe par les dirigeants nationaux est raisonné. En temps calme, ce n’est qu’une belle utopie qui réjouit le coeur.
En 1956, la France et la Grande-Bretagne furent mise, par l’URSS mais surtout par les USA, dans l’incapacité de continuer à se prétendre des puissances mondiales. Les Anglais choisirent la position de meilleur vassal, qui était toutes proportions gardées la logique de Pétain, tandis que les Français consentirent à une Union économique européenne dont ils se voyaient primus inter pares. Les accords de Paris sur le climat validaient in fine ce choix français. Sans l’engagement de l’UE derrière la France, comment imaginer l’atteinte d’un tel consensus mondial? Or la semaine que nous venons de vivre est potentiellement de la même violence que la crise de Suez.
Coup sur coup, le nouveau Président américain non élu vient de remettre en cause à la fois l’assistance américaine face à une Russie de plus en plus agressive, et la participation à l’effort mondial de lutte contre le climat. C’est donc une double question vitale qui est posée à l’Europe, dont le modèle de Grande Suisse qui signe des traités est sévèrement mis à mal. Quelle est la force d’une Suisse qui ne pourrait pas, même un peu, défendre ses frontières? A quoi bon régner par les « normes » si elles n’engagent personne?
La dégénérescence végétative est toujours une possibilité, mais l’offensive l’est également. Entendre Angela Merkel dire qu’en matière militaire « nous, les Européens, devons prendre en main notre propre destin« , est potentiellement une remise en cause de la politique Allemande depuis 1945. Cette sortie ne se fait pas dans le vide, mais sur fonds de discussions franco-allemandes sur l’Europe de la défense. Entendre Emmanuel Macron appeler à « make our planet great again » et s’opposer frontalement à M. Trump avec le soutien des principaux pays européens est là aussi inattendu dans le cours normal des choses.
Feu de paille? C’est à la Commission qu’il faut porter attention car toujours celle-ci suit de près l’humeur des Etats membres. M. Canete, commissaire en charge du climat et pétrolier familial, n’a pas hésité à annoncer un « nouveau leadership » sur le changement climatique après le retrait des USA. Et que dire des propositions de la Commission publiée cette semaine sur l’évolution de la zone Euro? Il semble que comme toujours, quand la jambe extérieure avance, la jambe intérieure suit. Nous entrons peut-être dans une nouvelle phase du projet européen.
Excellente analyse!
Analyse négative!
L’Europe se heurte à la conjoncture économique triste, qui motive les égoïsmes nationaux, les élus des pays raisonnant à court terme – celui de leur réélection – quand l’Europe dépasse ce terme.
Nous avons aujourd’hui un accélérateur: Trump!
Sa vulgarité démagogique, sa limite cérébrale, sont des atouts précieux.
« »Analyse négative » »…. Vous parlez de l’analyse développée par l’auteur de l’article ?? En quoi cette analyse est-elle ‘négative’ ? Je trouve au contraire qu’elle dénote une attitude extrêmement positive, dynamique et enthousiasmante ! Pourriez-vous préciser votre pensée ? Merci.
Je ne sais pas si c’est lui qui l’a trouvée tout seul, ou si c’est l’un de ses fameux »communicants » qui lui a soufflée, mais la réplique cinglante —« Make our planet great again ! »— que Macron a lancé immédiatement après la stupide et pitoyable dérobade du triste clown orange…. est tout simplement géniale ! ! !
Quelqu’un devrait commencer illico à faire imprimer** des millions de t-shirts arborant cette magnifique phrase.
** [Si possible, ailleurs qu’en Chine / Inde / Bangla Desh…. Merci de lutter contre l’esclavagisme des adultes –et des enfants– dans ces pays..]
« Coup sur coup, le nouveau Président américain non élu vient de remettre en cause à la fois l’assistance américaine face à une Russie de plus en plus agressive, et la participation à l’effort mondial de lutte contre le climat. » Voici ce que vous écrivez. Or le président américain a été élu, pourquoi ce « non élu », si ce n’est pour singer, en l’inversant, la pratique américaine du president elect par opposition à président en poste ?
Nous avons un peu de mal à considérer que le candidat n’ayant pas recueilli le plus de voix soit « élu ». Il a eu 3 millions de voix de moins que Clinton, soit 2%. Disons que les règles constitutionnelles américaines font de lui le Président des USA.
Je parle de singerie de l’anglais (inversé) et non du système électoral des États-Unis.
Pourriez-vous être un peu plus explicite dans votre affirmation? Il n’est pas évident, pour un francophone, de comprendre ce à quoi vous faites allusion.
En revanche, j’avoue largement partager la réponse de « Sauvons l’Europe » au sujet du système constitutionnel américain. J’en arrive parfois à me demander si, notamment par leurs pratiques électorales et leur organisation judiciaire, les Etats-Unis ne sont pas un peu à la limite de l’ « Etat de droit »…un concept que leurs représentants dans les enceintes internationales brandissent volontiers et non sans une certaine condescendance. Des réunions auxquelles j’ai participé dans le cadre de l’OCDE ont aiguisé ma perplexité à cet égard.
D. Trump a été élu, quel que soit le point de vue qu’on a sur l’Amérique et ses pratiques et institutions. Lorsque quelqu’un est élu à la présidence américaine, on parle de « président elect » (président élu) pendant la période située entre son élection et sa prise de fonction.
Je ne vois pas pourquoi on nous parle de « président non élu » en parlant de M. Trump, sauf à vouloir à toute force singer l’anglo-américain, en employant « non-élu » pour un président en exercice.
J’observe que pour M. Macron, on nous a bassiné de « président élu » avant qu’il ne prenne ses fonctions. « Nouveau président » ou « prochain président » suffisait, mais le désir de singer La Grande Amérique (qui en a pris un coup) est le plus fort.
Pour être clair, nous ne cherchions pas à singer l’expression américaine (rien ne nous interdirait d’ailleurs de le faire), mais à indiquer qu’à notre sens, si Trump a été démocratiquement désigné conformément aux règles constitutionnelles américaines, qui supposent de recevoir suffisamment de suffrages dans suffisamment d’Etats, il n’a pas été élu au sens où il n’est pas majoritaire en voix, et d’assez loin.
Réponse confuse : vous jugez une élection américaine selon vos critères français. Ensuite, singer l’Amérique n’est pas interdit, pas plus que la bêtise ou le snobisme.