Le constat est assez triste : l’Europe n’est plus un projet porteur. Pire même, elle suscite méfiance, voire défiance. Les taux de participation aux dernières élections européennes nous le rappellent.
L’Europe est à la fois une évidence et un problème.Elle est une évidence parce que chaque citoyen européen a bien en tête que l’Union européenne a pour fondement la recherche de la Paix. En période de guerre, froide ou pas, l’Europe était une protection.
Mais une fois l’évidence (même si elle est toujours provisoire) de la paix installée, à quoi sert l’Europe ? A force de se demander où sont les frontières de l’Europe, si l’Europe a même des frontières, à force de se demander s’il existe un modèle européen, et comment le préserver, à force de tergiverser, l’Europe patine, et le reste du monde, lui, avance. La Chine affiche sa puissance, l’Inde s’engouffre dans l’avenir, le Brésil se développe, les Etats-Unis restent au cœur du jeu.
Il a fallu le gouffre d’une crise monétaire pour que l’Europe affirme enfin la nécessité d’une gouvernance économique, que tous les gouvernements se sont empressés de ne surtout pas mettre en œuvre. Car dans le fond,l’Europe est un problème: elle est vécue comme une entrave au fonctionnement des Etats.
Lorsque la question d’une Europe politique se posait, cela impliquait « le transfert d’un peu plus de souveraineté nationale à l’Europe sur des sujets comme l’économie, la finance, l’énergie, l’environnement, l’immigration… », domaines qui dépassent la compétence des Etats. Mais dans le jeu des Etats Nations, l’Etat protège d’abord la souveraineté nationale… y compris contre l’intégration européenne, même si l’intégration européenne est dans l’intérêt de ses peuples.
Attendre des Etats qu’ils apportent quelque chose à l’Europe est vain: il faut auparavnt que l’Europe contribue au fonctionnement des Etats. Et force est de constater que l’Europe ne nous protège pas des effets de la « guerre mondiale économique ». Or le temps presse : car les marges de manœuvre des Etats ont fondu.
Nos Etats sont très endettés : 8.600 Mds € en 2009, soit 74% du PIB européen. Si on laisse les choses en l’état, que va-t-il se passer ?
Laisser filer la dette n’est plus une option : elle handicaperait l’avenir des jeunes et des générations futures. La charge de la dette publique devient trop lourde dans beaucoup de pays: pour honorer la dette, il faut mobiliser des ressources qui ne seront pas consacrées à la préparation de l’avenir, mais à la réparation d’erreurs passées.
Ce qui pousse les gouvernements à toujours rogner sur la protection sociale, l’assurance maladie, les budgets sociaux, etc., pour rester solvable aux yeux des marchés.
Les partis libéraux et conservateurs y ont niché leur credo: « pour équilibrer les budgets, il faut dépenser moins, donc réduire l’Etat… » Sauf que toujours moins d’Etat ne fait pas une politique de long terme.
Car couper dans les budgets sociaux, éducatifs, d’aides aux innovations technologiques, prive aussi les jeunes et les générations futures de l’environnement et des infrastructures nécessaires à leur prospérité et leur réussite.
Sans compter que les coupes dans les dépenses publiques, sape le soutien à une économie encore très fragile. Reste la hausse de la pression fiscale… les majorités de droite résistent tant bien que mal à cette option (mais pour combien de temps?).
Et même si un effort en la matière est inévitable, il ne saurait tout résoudre non plus, au risque de peser à son tour sur la croissance.
Par conséquent, soit on laisse filer une dette qui pénalisera la réussite des générations futures ; soit on coupe dans les dépenses publiques et on prive les générations futures de l’environnement nécessaire à leur réussite: dans les deux cas, l’avenir européen semble sacrifié. Or les investisseurs prêtent à ceux qui ont de l’avenir.
Et si l’avenir de l’Europe est moins prometteur que celui de l’Asie, les investisseurs préféreront-ils miser sur une Asie à la démographie impressionnante, qui ne cesse d’améliorer sa compétitivité? Ou préféreront-ils une Europe endettée ou qui a renoncé à son modèle social ? Remettons les choses dans le bon sens : le poids de la dette publique et les charges d’intérêt liées, obèrent l’avenir européen. Or l’avenir de l’Europe dépend de sa capacité à dégager ses Etats de leur principale entrave : la dette publique.
Il faut donc redonner des marges de manœuvre aux Etats, donc les dégager au moins partiellement de la dette. Et comme les Etats, seuls, n’ont d’autres marges de manoeuvre que l’austérité budgétaire bien périlleuse pour la croissance, n’est-on pas arrivé au moment où il appartient à l’Europe de redonner aux Etats européens les moyens de préparer l’avenir en pleine guerre mondiale économique?
N’appartient-il pas à l’Europe de prendre en charge une partie des dettes des Etats ?
Ce serait en somme une façon pour l’Europe d’apporter quelque chose aux Etats et de nourrir ainsi le projet européen: c’est parce que l’Europe sera utile au fonctionnement des Etats que l’idée européenne fera à nouveau sens.
L’Europe ne peut exister qu’avec une visée politique, plus exactement démocratique, telle qu’elle s’inscrit depuis plus de trois millénaire dans notre nom, puisqu’il signifie VASTE-VUE et qu’il a la même origine que les moyens de contact qui continuent de la (et de nous) porter : les techniques (inter)nautiques et l’art alphabétique ! Au travail donc, pour la concertation et l’harmonisation européennes à travers un dialogue inventif, constructif, bref novateur !
Mais comment l’Europe pourrait-elle prendre en charge la dette des états puisqu’elle ne dispose pas d’autres fonds que ceux versés par les états ?