Andrzej Adamczyk : Coup de froid sur la Pologne ?

Le 19 janvier, la Commission européenne a mis en place, pour la première fois, le dispositif de « sauvegarde de l’Etat de droit » à l’encontre de la Pologne. Ce dispositif n’existe que depuis mars 2014. Est-ce une des raisons pour que celui-ci ne se soit pas mis en application à l’encontre de la Hongrie, face à la dérive autoritaire de Viktor Orban ?

Trois étapes sont prévues par ces dispositions : Une évaluation des situations, des recommandations pour redresser des dispositions non démocratiques, et le suivi de leurs mises en œuvre. Si le dialogue entre l’Etat membre concerné et la Commission européenne échoue, l’article 7 du traité peut s’appliquer : suspension du droit de vote institutionnel au Conseil européen. Cette ultime phase nécessité l’unanimité en dehors de l’Etat membre concerné, mais la Hongrie jouera sa solidarité avec la Pologne. Et donc…

 

Interview d’Andrzej Adamczyk

Responsable du département International/Europe de Solidarnosc

Conseiller du Comité économique et Social Européen – CESE –

Après les élections de décembre dernier, quels sont les rapports de force politique, issues des urnes ?

La gauche n’existe plus au Parlement polonais. Le parti qui a gagné à la majorité absolue (Droit et Justice) c’est un parti conservateur-social tandis que le gouvernement précédent était un gouvernement conservateur-libéral. C’est vrai que ces deux partis dominent le paysage politique et sont les plus forts au Parlement, mais il y a encore deux partis dangereux qui ont fait un relativement bon résultat.

Un d’eux est un groupe ultra-populiste Kukiz 15 d’ex « Rock-Star » qui est composé de populistes, sans couleur politique, mais aussi de nationalistes (type « Marine Le Pen » mais sans soutien en Pologne) et anarchistes/hippies. Ce qui les unifie est leur désir de mettre le bordel partout et de tout changer, voire surtout démolir sans perspective. Il est impossible de prévoir comment cela va évoluer, mais ce qui est le plus probable, c’est qu’ils vont se disperser. Malheureusement, le seul groupe qui serait potentiellement prêt à les associer est le parti au pouvoir.

L’autre groupe, dont la popularité est en croissance, est le parti « Moderne.pl » qui représente le milieu néolibéral le plus inquiétant avec un programme monétariste pur et dur et ouvertement antisyndical.

Le plus grand parti d’opposition reste au Parlement la « Plate-forme Civique » qui souffre du manque de vision politique, manque de stratégie et de leadership après le départ de Donald Tusk à la présidence du Conseil Européen. Ils ont perdu en conséquence de leur arrogance, refus du dialogue authentique avec les syndicats, rhétorique antisyndical et incapacité de communiquer avec la société.
« Droit et Justice » (qui pourrait aussi bien adopter le nom « Travail Famille Patrie ») a gagné après une campagne intensive, bien ciblée. Campagne populiste et pleine des promesses sociales. Voici une liste (non-exhaustive):

  • retour à l’âge de la retraite à 65 ans pour les hommes, 60 ans pour les femmes,
  • possibilité de la retraite après 40 ans de travail,
  • indemnité 100 euros pour chaque enfant à partir du deuxième (ex : en cas de 5 enfants 400 euros) et pour les familles pauvres pour tous les enfants,
  • augmentation importante du montant non-taxé,
  • médicaments gratuits pour personnes au-dessus de 75 ans,
  • etc,

Des dispositions sont envisagées par le nouveau gouvernement, mettant en cause des libertés, et notamment pour les médias, qu’en est-il exactement ?

Pour ce qui concerne les médias, il n’y a pas grand-chose qui change. Tout d’abord, il ne s’agit que de la radio et TV publique, le privé qui domine en Pologne, reste intact. Les conseils d’administration, les directeurs de la radio et TV publique (en conséquence les journalistes) seront désignés par les autorités. Mais ça a toujours été comme cela, sauf que la procédure est plus compliquée et plus longue, mais le résultat est le même. La seule chose qui reste problématique, c’est la modération ou non dans l’application de la loi et la qualité des médias publics après ces changements. Le problème n’est pas tellement le résultat des changements juridiques mais peut potentiellement se manifester (c’est déjà un peu le cas) suite à la culture politique particulière du parti au pouvoir…

Est-ce que les réseaux de la société civile organisée peuvent être concernés par des atteintes aux libertés ?

Je ne vois aucun danger pour les réseaux de la société civile. Au contraire, la situation peut les mobiliser, ce qui est d’ailleurs été le cas, en décembre et janvier avec des manifestations

Comment réagissent ces réseaux ? Plusieurs expressions/manifestations se sont déroulées ?

Il y a un réseau qui s’est organisé d’une façon spontané « Comité de Défense de la Démocratie » (KOD) qui a déjà organisé plusieurs manifestations dans plusieurs villes. C’est très respectable, sauf que parfois trop de politiciens d’opposition de premier rang montent à la tribune.

Quelles perspectives à ces « nouveaux coup de froid » envers les libertés ?

Il y a deux grands problèmes. Le plus grand reste la question de la Cour Constitutionnelle. Le gouvernement qui a l’intention d’introduire tous ses plans sans difficultés et l’opposition qui essaie de paralyser les institutions de contrôle, y inclus la Cour Constitutionnelle. Mais la Cour résiste et va décider elle même si les changements de la loi modifiant ses procédures sont conformes ou non à la Constitution. La bataille est encore en cours. (La différence entre la situation en Pologne et la Hongrie est qu’en Pologne le gouvernement ne dispose pas de la majorité pour changer la Constitution, ce qui est le cas en Hongrie). Le deuxième problème est la remise en cause des procédures très strictes pour les employés de la fonction publique. Ce cas a aussi été envoyé à la décision de la Cour Constitutionnelle, même si celle-ci est paralysée…

Comment se situe le mouvement syndical et Solidarnosc en particulier ?

Solidarnosc et les autres confédérations syndicales ont adopté une attitude d’attente. Il est claire que beaucoup de promesses sociales ont été inspirées (avec bonne foi ou non) par les revendications syndicales, il est alors logique que les syndicats attendent de voir les résultats. Le Ministre des finances a déjà déclaré que « plusieurs projets seront retardés… parce qu’il n’y a pas de financement dans le budget », et puis « j’ai rien promis, moi »… le sentiment de mécontentement et de déception augmente. Surtout que l’impôt bancaire a provoqué l’augmentation des frais bancaires. Il est question aussi que l’impôt sur les commerces augmente, les prix aussi pour tenter d’éliminer les petits magasins. La plus grande Société de Charbon a annulé l’accord avec les syndicats datant du juin dernier et garantissant les emplois. Pour le moment tous ces problèmes restent dans le Conseil du Dialogue Social mais le président de Solidarnosc Piotr Duda a déjà publiquement déclaré que Solidarnosc ne cesserait pas de revendiquer tout ce qui nous a été promis pendant la campagne electorale.

 

Bobichon

Propos recueillis par Jean-Pierre Bobichon – Membre fondateur de Sauvons l’Europe

 

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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1 COMMENTAIRE

  1. Le « retour de balancier » en Pologne pose beaucoup de questions,
    Neanmoins pas celles de l’echec de la gauche polonaise.
    On ne gere pas un Etat avec des preconcus et la faillite de gestion de la gauche polonaise est intrinseque.

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