…ou la vie privée des Européens sur le net
Entretien entre Henri Lastenouse, Secrétaire Général de Sauvons l’Europe et Philippe Lenoir, l’un des pionniers du net en France, particulièrement sur la sécurisation des données personnelles.
HL : Que risque t-on vraiment à l’usage d’une boite mail ?
PL : C’est un risque très concret, pas du tout virtuel !
Mais, comme souvent, avant d’être personnellement impacté, on ne se sent pas concerné ! Pourtant, confier sa correspondance à un tiers n’est pas un acte anodin. Comment sensibiliser nos concitoyens sur le fait qu’offrir le contenu de leurs mails aux américains est en train de changer le monde ? Je vous parle d’un phénomène apparemment incolore, inodore et surtout indolore…C’est d’autant plus difficile que les services offerts par les GAFA (Google-Amazon-Facebook-Apple) sont par ailleurs remarquables !
HL : Les données que nous laissons sur le net aujourd’hui peuvent-elle restreindre notre liberté à l’avenir ?
PL : Que l’on ne vienne pas me dire que les honnêtes citoyens n’ont rien à cacher ! Qui peut aujourd’hui garantir que nos aventures amoureuses, nos humeurs, nos secrets de famille, nos opinions politiques, nos problèmes de santé, qui sont maintenant pour une partie non négligeable connus et stockés outre-Atlantique, ne seront pas exploités à l’avenir ? Toutes ces données offertes sans précaution seront demain à la disposition d’individus, pour certains pas encore nés et dont nous ignorons les motivations. On ne peut exclure la probabilité de dommages futurs… Nous légitimons par nos renoncements en la matière de nouveaux pactes sociaux. En prendre conscience est un enjeu pour la construction de l’identité des nouvelles générations.
HL : Plus largement, comment qualifier aujourd’hui la dépendance de l’Europe envers les GAFA américains ?
PL : Le déficit de plateformes numériques européennes nous conduit à donner sans conditions nos données les plus intimes à des machines de guerre, qui utilisent leurs profits vertigineux (peu taxés !) pour exploiter le présent et écrire l’avenir hors de tout contrôle démocratique et sans aucune tutelle politique. D’un monopole sur le présent, elles se façonnent un monopole sur le futur !
Ce monde qui se construit de l’autre côté de l’Atlantique n’est pas le projet de nos sociétés européennes. Nos chers amis Américains pilotent et nous sommes à la place du mort !
HL : Faut il alors fuir le web ?
PL : Echapper au progrès est une démarche vaine et finalement pas très responsable !
Il faut plutôt s’inspirer du travail progressif réalisé par les écologistes pour nous amener à une éco-attitude. Une prise de conscience qui change nos comportements !
C’est donc avant tout une démarche et une responsabilité individuelle.
Monsieur Snowden a beaucoup fait pour « vulgariser » le danger. Mais ce danger a été trop perçu comme celui des écoutes de madame Merkel ou de monsieur Hollande, qui semblent bien loin de notre propre cadre de vie.
Il est temps que les gens apprennent à naviguer sur internet comme on apprend à conduire une voiture. Il faut un code de conduite qui explique comment marche l’internet, quels en sont les pratiques et les usages.
HL : N’est ce pas là une belle mission de l’Union Européenne auprès des futures générations…
L’UE a déjà engagé ce travail. Elle doit aujourd’hui en faire une priorité. Aux nouveaux dirigeants français élus au mois de mai prochain d’en faire une priorité dans leur dialogue avec leurs partenaires européens.
J’en appelle aussi à ceux qui dès maintenant veulent agir sur le sujet, c’est maintenant qu’il faut passer à l’acte !
comment passer à l’acte ?
Commencer par changer de fournisseur mail et passer à un fournisseur européen (Net-c par exemple)