Brexit or… not Brexit?

Cette semaine se tenait l’un des nombreux sommet européen de la dernière chance dédié au Brexit. D’autres lui succéderont.

C’est un échec, bien sûr. Et pourtant, sur le papier, les choses sont proches d’aboutir. Un projet de traité a été rédigé et fait consensus entre les européens et les britanniques. Une dernière pierre d’achoppement, la question irlandaise.

Sauf que cette Pierre d’Irlande résume tout le problème de la souveraineté à recréer. Les britanniques veulent à nouveau le contrôle de leurs frontières. Mais en fait, il n’en veulent pas. Sur leur seule frontière terrestre, ils sont bien incapables de fixer où celle-ci devrait se trouver. Doit-elle couper l’Irlande en deux ? Impossible, ce serait remettre en cause le processus de paix irlandais. Doit-elle séparer l’Irlande du Nord de la grande île ? Mais que resterait-il du Royaume-Uni ?

Par la voix de Theresa May, le gouvernement britannique s’est montré remarquablement créatif. Il a proposé une frontière invisible sans friction, ni saveur ni odeur, par la magie de technologies extraordinaires à inventer. Il a également proposé, tant qu’aucun accord définitif n’est trouvé, d’inclure l’ensemble de la grande île dans tout traitement spécial que les européens seraient prêts à faire à l’Irlande. Ce fut un succès d’estime auprès de ses partenaires.

La sortie britannique de l’Union était prévue en deux phases. La première, qui est en cours, doit aboutir à un accord de transition évitant un saut du Royaume-Uni dans le néant juridique, sans aucun traité technique ni avec l’UE, ni avec l’ensemble des autres pays du monde. Ceci devait permettre de négocier confortablement la relation de long terme entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, mais l’on ne parvient pas à aborder la seconde phase.

Ici ou là, chez les spécialistes de la négociation, est pointé l’erreur supposée d’avoir inclus l’Irlande dans la première phase de négociations. Pour arriver à un accord, ne suffit-il pas de repousser à plus loin cette question difficile ? Sans doute pas.

Le problème fondamental du Brexit repose sur l’impossibilité de ce qui a été promis au peuple britannique par ses partisans. Il s’agissait ni plus ni moins que de rester dans le marché commun, sans se soumettre ni à ses règles, ni à ses cours d’arbitrages, sans participer à son financement et sans accepter la liberté de circulation des personnes. Les autres membres de l’Union ne peuvent bien entendu pas y consentir, le système ne pouvant fonctionner si l’on peut à loisir ne pas supporter les charges communes.

C’est une position que les britanniques ont toujours demandée depuis l’intérieur de l’UE et qui leur a toujours été refusée. David Cameron avait menacé d’organiser un référendum de sortie s’ils n’obtenait pas satisfaction. Les partisans du Brexit l’ont emporté et réclament désormais ce qui leur a été refusé précédemment depuis une position diplomatique combien plus faible. Ceci démontre au passage la vanité de l’option thermonucléaire défendue par Arnaud Montebourg ou Jean-Luc Mélenchon, consistant à menacer d’un Frexit sans jamais le réaliser.

En conséquence, il n’existe plus aucune majorité au sein du Royaume-Uni sur ce qu’il convient de faire. Les Brexiters renient leurs positions initiales d’un Brexit sans douleur au sein du marché unique, et demandent désormais à toute voix un Brexit tout de suite, quelques soient les conditions et quitte à sauter sans parachute. Inversement, ceux qui avaient milité pour rester en Europe tentent de ménager la chèvre et le chou et se trouvent écartelés sur des positions de négociation intenables. Et tant que les britanniques n’ont pas décidé quelle sorte de relation ils veulent avec l’Union, la négociation de l’accord final s’éloigne et l’accord de sortie prend figure de traité permanent. Le Royaume-Uni resterait alors suspendu dans les limbes, formellement sorti mais essentiellement dans le marché. C’est pourquoi la question irlandaise ne peut, en réalité, pas être repoussée à plus tard.

Et cette panique des Brexiters n’est pas sans fondement. Lentement, l’opinion publique se retourne et se montre désormais majoritairement favorable à un second référendum. Plus longtemps dure la démonstration publique que le Brexit n’est pas ce qui avait été promis, plus réelle est la possibilité que les britanniques choisissent finalement de rester dans l’Europe. Pour éviter de se dédire, les hard Brexiters sont désormais prêts à jeter leur pays le plus vite possible dans le vide des relations internationales.

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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7 Commentaires

  1. Si l’UK veut rester, il faut reprendre à zéro les conditions de son adhésion qui n’ont aucune raison de différer d’un iota de celles de tous les autres membres. Le « coup » du cheval de Troie, a raté, la vérité sur les objectifs britanniques a éclaté aux yeux de tous ceux qui n’avaient vu que du feu. Aujourd’hui, par bonheur, la mesure des revers de la mondialisation, rêve récurrent des anglo-saxons, est possible.
    C’est donc à une fédération européenne protégée par une frontière et un tarif extérieur commun qu’il faut revenir. N’était-ce pas l’essentiel du Traité de Rome de 1957 ? Au fait, les britanniques ont alors refusé d’y adhérer et ont tenté de faire diversion par la création de l’AELE … A ne pas oublier.
    A bon entendeur, salut !

  2. Eh oui, comme on peut le constater, tout est fait pour que les pays entrent dans « l’union », y compris au besoin en truquant les comptes comme pour la Grèce ou malgré une préférence inacceptable pour les produits américains plutôt « qu’européens » comme dans le cas de la Pologne qui préfère acheter (avec les subventions européennes) des F35, plutôt que des Rafales ou autres.
    Mais sortir de l’UE est exclu.

    La clause de sortie elle-même avait d’ailleurs été délibérément « omise » par les rédacteurs du traité, de même que la clause de sortie de la zone euro.
    Il aura fallu attendre l’intervention d’une Cour de justice internationale et son avis la rendant obligatoire pour qu’ils soient contraints de la rajouter, ce fameux article 50, qui ne prévoit cependant que la sortie de l’UE. La sortie de la zone euro n’étant toujours pas mentionnée, elle se retrouve conditionnée à celle de l’UE.

    Autrement dit, il n’est pas question de revenir à l’état antérieur qui présidait avant l’adhésion.

    Ça me rappelle bigrement certaines pratiques commerciales abusives, tel le rejet du résultat des référendums dont celui de 2005 en France, auxquelles, dans ce domaine, le législateur a heureusement mis fin.

    Bien sûr, les oligarques de « l’union » et leurs partisans, n’auront de cesse de réclamer un nouveau référendum, dans l’espoir que toutes les embûches qu’ils ont semées soient suffisantes pour que le résultat efface finalement cette contrainte, ce « caillou dans la chaussure », et restaure enfin « l’union » dans son intégralité immuable.

    C’est ce qu’on appelle avec gourmandise la « démocratie » à la sauce européenne.

    Jusqu’au slogan de Sauvons l’Europe « Pour une Europe démocratique et solidaire » qui a finalement disparu de la page d’accueil…

    • Comment ça? Ils sortent s’ils veulent.Le sujet n’est pas la sortie, qui est constatée côté UE sans difficulté, le sujet est ce que veulent les britanniques en dehors de l’UE, et ils n’en savent rien.

  3. bonjour
    Je cherche quelqu’un qui pourrait m’expliquer ce qu’est ce fameux accord qui serait prêt à être signé à 90%. Les médias nous saoulent avec ce fameux accord mais personne ne l’explique jamais. Les Anglais veulent partir, pourquoi faut-il un accord. Dans ma logique, tu veux partir, tu paies ce que tu dois et tu t’en vas. Après tu ne fais plus partie de l’assoc et tu vis ta vie comme tu veux, comme le font tous les autres pays non-membres.
    Merci

  4. C’est aux peuples de décider de son avenir. Si leurs représentants ne savent pas faire ce qu’il faut qu’ils fassent et ce pourquoi ils ont été élus, ils peuvent toujours organiser un second référendum en expliquant à leurs électeurs de façon plus claire que la sortie n’est pas neutre et quel sera son coût pour leurs pays.
    Evidemment la voie démagogique et les postures, pro brexit ou contre l’UE qui coûte cher, sont plus faciles pour berner un électorat qui rêve encore d’un monde meilleur pour ses enfants.

  5. Avec son accession – devenue effective le 1er janvier 1973 – à l’ « Europe des Six », en compagnie de deux autres pays tiers par rapport aux « Communautés » de l’époque, le Royaume Uni a bien pris soin de déposer un « oeuf de coucou » dans le nid communautaire, ravi de le faire couver par les autres Etats membres. Graduellement, au fil des dérogations obtenues en regard de diverses obligations souscrites par la grande majorité de ces Etats, la coquille s’est craquelée… et l’oiseau a commencé à déployer les ailes du Brexit. L’élégance voudrait qu’on lui souhaite « bonne route », notamment pour sa traversée de l’Atlantisme, à l’instar des premiers aviateurs se lançant dans l’aventure à bord de leurs vieux… coucous. Soit…

    Parmi quantité d’ouvrages consacrés à ce tournant majeur dans la vie de l’UE, j’ai en particulier retenu celui que Marc Roche a publié chez Albin Michel sous le titre « Le Brexit va réussir ». En plus de quelques passages savoureux consacrés à Sa Gracieuse Majesté à laquelle cet ancien correspondant du « Monde » à Londres semble vouer une sympathique tendresse, son analyse de la posture UK se révèle percutante, notamment par la mise en évidence du cynisme avec lequel l’ « Angleterre » s’est lancée dans l’aventure de l’ « exit ». On peut simplement regretter que l’approche de la réalité de l’UE soit moins convaincante, y compris au niveau de quelques erreurs factuelles révélatrices d’une méconnaissance de certains volets de son fonctionnement. Mais, comme chacun sait,le diable adore se nicher dans les détails.

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