Brexit : sortir de quoi, rester dans quoi ?

Le sommet européen du 19 février consacré au Brexit restera-t-il comme un moment fort de l’histoire européenne ? Pourra-t-on dater de cet instant fatidique les prémices d’une relance de l’intégration de la zone Euro, comme une réponse à l’abandon définitif de toute ambition politique au niveau des 28 Etats de l’Union européenne ?

Il y a 66 ans, Robert Schuman s’était retiré en sa demeure messine afin de méditer le projet Monnet du 9 mai 1950. François Hollande a-t-il trouvé dans son périple au sein de l’hémisphère sud « les forces de l’esprit » lui inspirant une relance européenne, promise par lui vendredi soir depuis Bruxelles ? Ou laissera-t-il au seul Matteo Renzi la chance d’incarner un espoir europrogressiste avant l’échéance de 2017 ?

En ce qui regarde le vote du peuple britannique, nous ne serons désormais sur le continent plus que des spectateurs intéressés. Cette campagne tournera-t-elle uniquement autour des enjeux de souveraineté du siècle dernier dans un doux parfum victorien ou posera-t-elle réellement la question de l’efficacité collective de l’UE à l’heure de la mondialisation numérique ?

La possibilité d’une relance de la zone euro, cette grande ile monétaire, – c’est à dire la mutualisation plus poussée des risques et des efforts – pose d’abord la question de la qualité de la confiance franco-allemande. Quelle est la crédibilité d’un partenaire français qui s’est montré capable de s’engager militairement au profit de tous, mais est notablement absent sur la scène européenne ?

Cette relance tant souhaitée ne doit non plus nous conduire à l’aveuglement face aux évidendes similitudes qui existent entre le « nouveau modèle économique allemand » et le Royaume-Uni de David Cameron. Quelle différence fondamentale entre des travailleurs migrants européens écartés des sécurités collectives et mal payés dans les abattoirs outre-Rhin et leurs alter-egos aux droits sociaux amputés outre-Manche ? L’idée selon laquelle une Europe plus fédérale serait nécéssairement une Europe plus solidaire a encore à subir l’épreuve du feu. Si Cameron a pu arracher un accord favorable, c’est qu’il demandait moins d’Europe et moins de solidarité, contrairement aux nouvelles générations progressistes des Tsipras ou des Podemos.

La question, peut être iconoclaste, de savoir qui de David Cameron ou de François Hollande, voire de Matteo Renzi, incarnera in fine la réforme et la relance du projet européen mérite d’être posée.

Le deal négocié par le Royaume-Uni est-il en réalité représentatif des souhaits d’une vaste majorité conservatrice et néolibérale en Europe, comme une sorte de « relance par le bas » où la règle du chacun pour soi s’appliquerait sur tous les sujets ? Où chacun se refilerait honteusement le mistigri des réfugiés ? Pour rappel, lors de négociation du traité CECA, Jean Monnet avait expliqué à ses interlocuteurs britanniques que s’ils n’étaient pas d’accord avec les finalités du projet, alors, il n’y avait rien à négocier du tout… mais on peut toujours se photographier en groupe sur des perrons.

Existe-t-il au contraire un espace politique pour une « relance par le haut » passant par plus d’intégration et de solidarité ? Ce sera à François Hollande d’en explorer les possibles et les contours dans les semaines et mois à venir. Après, il ne faudra pas venir pleurer sur les ruines d’une Europe désintégrée.

 

Sauvons l’Europe

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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20 Commentaires

  1. Sur le BREXIT, on peut noter l’engagement de Boris Johnson – maire de Londres – pour le Brexit contre l’Union Européenne pour sa propre promotion.
    Le référendum sur Maastricht avait dit OUI en France par 51% des voix, grâce à l’engagement du maire de Paris Jacques Chirac, convaincu par Juppé.
    Pour mémoire, dans les villes de plus de 100000 habitants, Paris était la troisième pour le OUI après Boulogne Billancourt et Strasbourg.
    L’engagement de B Johnson est donc susceptible de faire gagner le Brexit.
    B Johnson a commis un livre sur Churchill: Il n’a rien appris des choix d’un authentique Homme d’Etat, du sens de l’Histoire, des vrais et seuls enjeux. Boris Johnson est un petit politicard.

    L’Europe doit aller plus fort, plus vite, plus loin, quel que soit le résultat du Brexit.
    Cette impulsion ne peut être donnée que par la Droite ou le Centre, la Gauche Européenne complètement démonétisée, Hollande plus encore!

    L’Europe manque de ferveur, gérée par de petits comptables type Barroso, ou par des politiques hors sol, dont le seul intérêt est le leur, leur propre carrière, puis quelquefois leur pays, jamais une synergie européenne.

    Les européens n’ont aucun sentiment d’appartenance à l’Europe, ne sont pas enthousiasmés par des projets et des rêves, voient l’Europe comme un ghetto de fonctionnaires surpayés et non élus.
    Le Parlement Européen se paye de mots.

    L’Europe avancera et entrainera les peuples lorsqu’elle aura retrouvé du souffle et que les peuples ne se demanderont plus « qu’est-ce-que l’Europe fait pour moi?' »

    • D’accord avec ces remarques. Pour le moment, l’Europe n’est qu’un mot qui jour après jour se vide de son sens. Reconstruire l’Europe en pleine période de crise sociale, monétaire, financière et politique est un pari courageux… Mais qui aujourd’hui peut encore croire à l’Europe telle qu’on pouvait la rêver il y a 20 ans ? Une fédération européenne, avec un gouvernement élu, une constitution commune plus forte que les constitutions nationales, une monnaie unique, un droit unique, un commerce unique, une politique unique, bref, un « pays Europe » et non un amalgame comme aujourd’hui. Mais trop de pays, trop de diversité, tout a été fait trop vite, pour des intérêts partisans qui n’auraient pas du avoir droit de cité. La stratégie de la grande Europe telle que vue par Chirac a été un désastre que nous payons et paierons longtemps.

  2. Pourquoi pas aussi un sondage européen pour savoir si les européens ont envie que la grande bretagne reste dans l’euro avec des conditions particulièrs???

    • Tout à fait d’accord. C’est l’Espagne tout entière qui doit voter pour ou contre l’indépendance de la Catalogne, alors pourquoi pas l’Union européenne tout entière pour choisir le Brexit ou non.

    • Un article intéressant, en effet… mais qui tendrait à prouver que son auteur est plus lucide le matin que le soir. Sans doute parce que la nuit porte conseil, voire que le stress de la journée peut fausser le discernement…

  3. Les anglais sont en train de tuer la notion même d’Europe. Nous ne leur devons rien, même depuis la seconde guerre mondiale: ils se sont d’abord battus pour eux. Leur intérêt est toujours primordial, qu’importent les autres! Ils nous ont imposé la transformation d’une Europe politique en marché où ils imposent leurs règles, l’entrée des pays de l’est qui n’étaient pas prêts, le déplacement de la frontière de Douvres à Calais, sans parler de leurs désirs de faire du rosé en mélangeant du rouge et du blanc…entre autres! Eh bien messieurs les anglais, sortez les premiers! On comptera les gagnants et les perdants quelques mois après!

    • Soyons sérieux. Quand un pays fait la guerre ce n’est jamais pour les beaux yeux de qui que ce soit, c’était vrai pour les anglais, les américains, les soviétiques. S’ils ne s’étaient pas battus, serions nous là pour en discuter sereinement?

  4. S’ils veulent se barrer qu’ils le fassent bon dieu, depuis leur entrée dans l’Europe, ils ont toujours tout tiré vers le bas. Qu’ils deviennent enfin le 51ième état des USA!

    • La lâcheté des dirigeants européens face au chantage des
      britanniques est bien pire qu’un Brexit. Elle ridiculise l’Europe toute
      entière. Seule l’UE va faire des concessions. Quelles sont les
      concessions demandées aux britanniques ?
      Cette lâcheté fait penser
      aux accords de Munich de 1938. Avec une différence notable néanmoins :
      en 1938 Daladier et Chamberlain n’étaient pas fiers d’eux et ont été
      acclamés par la foule pour avoir sauvé la paix. Daladier aurait même dit
      « les cons ! » en voyant ces acclamations. Cette fois ci c’est le peuple
      européen qui pense « les cons ! » en voyant rentrer les dirigeants
      européens sans doute très fiers de leur négociation…
      A l’époque, un britannique (!), Churchill, avait dit : « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre ».

      • Malheureusement David, comme nous sommes gouvernés par des « décérébrés  » libéraux capitalistes, nous n’avons plus qu’à espérer dans les partisans du Brexit. Winston Churchill était clair, par rapport aux USA et Charles de Gaulle: les Britanniques n’ont rien à faire en Europe, sauf pour la transformer en zone de libre échange !
        Face au Marché Commun, ils avaient organisé l’ALE, l’association de libre échange.
        Les résultats finaux de la négociation sont antinomiques de l’esprit européen.

  5. Je partage l’analyse sauf le fait qu’il revendrait « à François Hollande d’en explorer les possibles et les contours [pour relancer le processus vers une Europe fédérale et solidaire] dans les semaines et mois à venir ». En effet, je suis désormais persuadè qu’il reviens à la société civile, aux citoyennes et citoyens de l’UE et à ses habitants de relancer, voir commercer, le processus pour faire en sorte que l’UE, notamment la zone euro, devienne une zone où les droits humains, le respect de la biodiversité, la promotion d’une économie sobre et humaniste soient les moyens et les fins de l’agir politique et économique.

    La classe politique actuelle n’est pas à l’auteur des enjeux. Même le jeune Renzi a une vue très limitée et trop ancrée sur une conception de la vie qui se démontre de plus en plus La partie du problème plutôt qu’une partie de la solution.

    Pour conclure, je trouve qu’il serait temps que vous, avec peut-être le groupe Spinelli et d’autres réalités europhiles, progressistes, humanistes, fédéralistes, écologistes lanciez une pétition (ou autre chose) pour voir si les européennes et les européens veulent ou pas une UE fédérale et solidaire.

    • Je ne partage pas du tout le mépris de Uno indignato pour Matteo Renzi. Je crois au contraire, que, à la différence de notre Président, il a une vision de l’Europe. Si on en doute, il faut lire l’entretien entre son secrétaire d’état aux affaires européennes, Sandro Gozi, et Jean Quatremer dans un récent « Libération ».
      Leur vision est de transformer la zone Euro en un « noyau dur européen »,intégré politiquement, démocratiquement et socialement, je dirais volontiers fédéral et solidaire, entouré d’une zone périphérique comprenant les membres actuels de l’UE hostiles à toute intégration. L’idée d’un noyau est loin d’être neuve en soi. Elle a 20 ans; en septembre 1994, deux députés CDU du Bundestag, Lamers et Schäuble (l’actuel ministre des finances allemand) ont déjà proposé un « noyau dur » européen.
      Cette idée refait maintenant surface, sous des formes certes variées. Thomas Piketty l’a reprise dans un article du « Monde » en décembre 2015.
      Tel que je le comprends, ce noyau dur ne devrait pas inclure les états membres actuels qui de facto ne reconnaissent pas toutes les valeurs de l’Union Européenne (telles que définies dans l’article 2 du traité de Lisbonne.) L’Union Européenne deviendrait une sorte de confédération groupant d’une part ce noyau dur « fédéral » et d’autre part les pays non-intégrés de la zone périphérique.S’il n’y a pas de Brexit, le Royaume Uni serait dans la zone périphérique.
      Rappelons que les italiens prévoient une rencontre à Rome des 6 pays fondateurs, pour poser les bases d’une relance du projet européen.
      Si Brexit il y a, on peut évidemment se poser bien des questions mais l’idée de noyau dur demeure pertinente. Le Royaume Uni fera-t-il des émules? L’Ecosse fera-t-elle sécession? Pourra-t-elle intégrer l’Union, voire son noyau dur? L’Espagne s’y opposera probablement, à cause des volontés d’indépendance de la Catalogne!

      • Le problème est effectivement qu’il y a 20 ans qu’on parle de bâtir un noyau dur sur base (presque) fédérale. En réalité, ce que j’ai pu constater, depuis 20 ans riens s’est passé d’essentiel pour approfondir le processus d’intégration. Combien de temps devons nous encore attendre pour avoir un salaire minimum au moins dans la zone Euro? Combien de temps devons nous encore attendre pour avoir une harmonisation fiscale, un minimum de cohérence entre les différents systèmes de prévoyance et de santé; des frais marchés unifiés concernant le secteur de l’automobile, des télécommunications, etc?
        Renzi et les autres ne disent rien et surtout ne font rien pour aller vers plus d’unité, plus d’harmonisation, plus de solidarité pour les victimes de notre (non) politique extérieure.

        Si par contre Renzi et les autres auront un sursaut de dignité, d’humanité, de courage pour prendre la tête d’un tel mouvement je ne serai ravis et prêt à jouer ma part avec eux.

        • @uno indignato
          Il y a tout de même des exemples qui montrent que les coopérations renforcées progressent – sans doute très discrètement – dans certains domaines. Tel est le cas du droit de la famille. Ainsi, hier (2 mars), la Commission a adopté des propositions visant à préciser les règles applicables aux régimes patrimoniaux des couples internationaux en Europe. Or, cette initiative fait suite à l’impossibilité de réunir l’unanimité des 28 Etats membres pour l’adoption de propositions présentées antérieurement. C’est pour cette raison que 17 d’entre eux ont demandé l’instauration d’une coopération renforcée entre eux pour adopter cette nouvelle législation.

        • Bon, je n’ai pas dit de Matteo Renzi que c’est un sauveur suprême Il n’y en a pas! Je maintiens qu il fait au moins montre d une vision ce qui est rare chez les dirigeants français
          J’ai signé la pétition de NewDeal4forEurop. Et vous?

  6. D’accord avec le texte ci-dessus et vos remarques.
    J’ajouterai qu’il faut arrêter de se positionner en termes de nations car cela nous handicape pour avancer. Personnellement je suis germanophile et les connais assez bien ; cela ne m’empêche pas de considérer que en matière macro-économique ils manquent de bases théoriques et devraient faire des efforts de réflexion objective. Identiquement en matière microéconomique, nous ne sommes pas très bons et ferions mieux de copier sur nos amis d’outre-Rhin.
    Ceci n’est qu’une illustration de ce que serait des relations politiques plus objectives et qui se ressassent moins des histoires qui datent de près d’un siècle (sans jamais excuser car tous les allemands que je connais ont exactement la même idée que moi sur les horreurs du milieu du 20ème siécle et leur folie passée).
    Pour les anglais c’est pareil, il n’y a qu’à transposer. S’ils veulent partir qu’ils partent, nous n’en resterons pas moins amis, en se rappelant qu’ils ont bien soutenu de Gaulle face à Roosevelt. Mais s’ils restent c’est pour plus d’Europe, point barre : harmonisation fiscale, sociale, écologique, agricole (interdire la souffrance animale sur toute l’Europe)…
    Le gros problème c’est cette Europe impuissante qui court comme un canard sans tête en collectionnant des mesures qui ne font pas un tout organisé. Il lui manque simplement la volonté politique et celle-ci ne se créera pas via le Conseil Européen qui ressemble plus à un syndicat de copropriétaires qu’à un gouvernement au final responsable devant les électeurs.
    Alors espérons que nos amis anglais voteront non et que cela permettra ainsi de secouer violemment le cocotier européen et de rebâtir quelque chose de plus logique et démocratique,… Et comme ils sont aussi intelligents que nous ils nous rejoindront dans cette « vraie » Europe des Peuples qui remplacera cette Europe bureaucratisée, impuissante et agonisante.
    Comme le dit l’un d’entre de vous ci-dessous, nous ne pouvons faire confiance qu’à nous-mêmes, car il faut bien voir que les administratifs et politiques actuels se font peur avec leur ombre et ils ne feront jamais rien que sous la contrainte.
    Bonne Europe à tous.

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