Un effet inattendu du Brexit est que le Royaume-Uni vient de rompre sa coopération avec l’Europe sur la gestion de crise du coronavirus. Est-ce un effet automatique de la sortie de l’Union le mois dernier, un coup en traître de ces damnés européens ? Nenni. La période de transition sert justement à éviter ces cassures. C’est de la « diplomatie » britannique.
Boris Johnson veut un Royaume-Uni plus indépendant tu meurs, et a multiplié les lignes rouges dans ses négociations : pas de « level playing field », pas d’intervention de la Cour de justice de l’Union dans le Royaume. Son modèle officiel: l’accord CETA avec le Canada. Il a là deux problèmes.
Le premier est de bon sens: le Canada est loin de l’Europe et n’est concerné que pour 10% de son commerce, tandis que le Royaume-Uni est voisin et fait la moitié de son commerce avec l’UE. Il est curieux de choisir un modèle moins intégrant que la Suisse ou les pays associés, sauf à vouloir opérer une rupture profonde des relations. Mais passons : le Brexit a démontré depuis belle lurette qu’il n’est pas une question d’efficacité mais une revendication de souveraineté perçue.
Le second est que le CETA n’est pas ce que prétend Johnson. Il est essentiellement la construction d’un « level playing field » là où une intégration européenne n’existe pas : le traité fait 1.600 pages, autant dire que c’est un énorme paquet de normes et de red tape. Le tout supervisé par un tribunal, qui s’impose aux parties. L’approche revendiqué par le Gouvernement de sa Gracieuse Majesté « faisons nous simplement confiance » est donc très éloignée du CETA, et n’a strictement aucune chance d’être acceptée par les Européens. Qu’on en juge : le CETA a du se limiter essentiellement à un ensemble énuméré de marchandises (certes vaste) et quelques services précisément parce qu’il était impossible de définir des normes équivalentes pour tout. Boris Johnson propose, sur un principe de confiance mutuelle simple, d’étendre cette logique aux services et en particulier à la finance. Après la crise de 2008 et la reprise en main des normes financières par l’UE ? Ce n’est pas envisageable.
Le Royaume-Uni envisage donc l’échec de cette négociation et menace à nouveau d’un No Deal en brandissant la possibilité d’une relation « Australie », c’est à dire aux règles de l’OMC (qui au passage interdisent aussi les aides d’Etat). Ceci à nouveau sans considérer que l’Australie n’est pas physiquement en Europe. Comme un an de négociations était apparemment trop long, l’ultimatum à l’Union est désormais fixé à Juin. Boris Johnson prend donc à nouveau son pays en otage, en lui mettant un flingue sur la tempe pour impressionner ses partenaires. Et ce n’est pas qu’une image, comme le montre l’épisode Coronavirus.
C’est que l’Union européenne n’est pas seulement un traité commercial. Nous avons un ensemble de coopérations de justice, médicales, de sécurité sociale, scientifiques, etc… Tout ceci n’est naturellement pas compris dans un accord type CETA et obéit à nouveau à des règles minimales pour fonctionner, par exemple de droits de l’homme pour la coopération policière. Dès lors se pose un problème épineux : comment négocier un traité « commercial » au rabais et en mettant une pression forte sur l’UE si par ailleurs il y’a une forte intégration dans tout un ensemble d’autres domaines ? La solution Johnson, c’est… de sortir de ces coopérations pour prouver son sérieux.
Ainsi donc non seulement les négociateurs britanniques viennent de refuser à leur ministère de la santé d’inclure la coopération de prévention des épidémies dans le futur accord, mais selon le Telegraph le Ministre de la santé Matt Hancock aurait eu interdiction de se rendre à une réunion européenne des ministres de la santé sur la gestion de crise du coronavirus. La gestion d’une épidémie potentiellement majeure devient un simple élément de pression subordonné dans un jeu de négociation. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts…
Comme depuis le début du Brexit : lamentable ! Comme dirait Astérix : SPQI
Vous êtes nul… et les anglais s’en tirerons bien mieux que nous, eux ont pu anticiper et acheter nos masques quand en France l’ex ministre de la santé voulait juste « coller des affiches dans les aéroports »