C’était la polémique de la semaine.
Mardi dernier, on apprenait que Martin Schulz avait été déprogrammé des « Paroles et des actes » à la demande de Marine Le Pen, la présidente du Front national et invitée-vedette de l’émission. Le président du Parlement européen et candidat du PSE à la présidence de la Commission européenne devait en effet débattre avec l’élue d’Hénin-Beaumont qui avait refusé prétextant que les élections européennes étaient une élection française et que par conséquent, elle souhaitait que son contradicteur soit français. Devant les exigences du leader d’extrême droite, David Pujadas, le présenteur et rédacteur en chef de l’émission politique de France 2 a finalement cédé, donnant gain de cause à madame Le Pen. Une décision incompréhensible qui a provoqué la colère de Jean Quatremer qui sur son blog, a fustigé l’attitude du service public. En réaction, Pujadas a tenté de se justifier en taclant, sans le nommer, le journaliste de Libération, en début d’émission, jeudi dernier comme le montre l’extrait suivant, évoquant un « rapport de confiance »:
L’attitude de France 2 et du service public reste difficile à comprendre quand on connaît le très faible espace réservé aux questions européennes dans le paysage audiovisuel français. Ce n’est malheureusement pas une surprise, l’Europe reste le parent (très) pauvre de la télévision française, rares sont les programmes réguliers traitant de l’actualité des institutions européennes ou bien la relayant. A l’exception d’Avenue de l’Europe sur France 3, il n’existe aucune émission parlant strictement d’Europe et encore moins de l’Europe politique pourtant de plus en plus visible et incarnée par certaines personnalités.
A l’heure où les Français s’apprêtent à participer à un scrutin crucial pour l’avenir de l’Europe et qu’ils se plaignent (à juste titre) d’un manque évident d’information sur les institutions européennes et ceux qui les dirigent, la participation de Martin Schulz à une émission de grande écoute aurait pu marquer l’occasion pour nos compatriotes de se familiariser davantage avec l’Europe et ses acteurs. Le refus de Marine Le Pen mais surtout le comportement de France Télévisions cache mal un manque d’intérêt évident pour la construction européenne, les médias français considérant l’Europe comme une actualité secondaire. Un sentiment confirmé par l’intention de France Télévisions de ne pas diffuser sur ses antennes le débat organisé par l’Union européenne de radiodiffusion (UER), le 15 mai prochain, rassemblant l’ensemble des candidats déclarés à la présidence de la Commission européenne. Pour le moment, France Télévisions prévoit une simple diffusion de ce débat sur son site internet, ce qui a suscité l’incompréhension (pour ne pas dire le mécontentement) de Philip Cordery, député des Français de l’étranger qui a demandé des explications à Rémy Pflimlin, le président de la holding.
France Télévisions manque à ses missions essentielles de service public mais manque surtout l’occasion de palier sa très faible couverture sur l’Europe en restant dans une approche franco-française des questions et enjeux européens. Le débat avorté entre Martin Schulz tout comme l’absence de programmation du grand débat du 15 mai auraient pu montrer à nos compatriotes l’aspect transnational des grands enjeux qui touchent notre continent et qui concerne l’ensemble des Européens, que l’on soit au fin fond des Cévennes comme au fin fond de la Silésie. En refusant cette logique, France Télévisions a conforté Marine Le Pen qui a obtenu ce qu’elle voulait : rester dans un cadre uniquement national, à des fins politiciennes uniquement.
Carton rouge donc à France Télévisions pour son attitude plus ou moins consternante et incompréhensible vis-à-vis l’Europe et son traitement des élections européennes. A l’heure où nos compatriotes se sentent mal informés, il en va de la responsabilité du service public d’assurer une couverture, à défaut qualitative, suffisante et satisfaisante. Une fois encore, France Télévisions a échoué à satisfaire ces exigences mais a également montré toute sa désinvolture quant aux questions européennes, ce qui ne peut être qu’inquiétant à quelques semaines seulement du renouvellement du Parlement européen et à l’heure où nombre de nos compatriotes s’interrogent sur les bienfaits de la construction européenne.
Note SLE: Cet incident confirme la nécessité d’une présence du débat européen dans les médias français, qui ne se cantonne pas à la rencontre entre français. Il faut ouvrir et européaniser les plateaux. Soutenez cette initiative sur :
Je ne peux que m’associer à ce constat,mais nous avions depuis plusieurs mois tous les éléments pour arriver à cette analyse.
Il est peut être déjà trop tard……
Mais,qui peut croire aujourd’hui,avec les nombreuses chaines de télévisions,qu’un espace de débat sur l’Europe ne peut être inscrit dans la réalité « télévisuelle » surtout avec les évènements qui se déroulent en Ukraine,rappelant au passage,qu’il faut sans cesse revenir sur « l’ouvrage » et que la vision Française n’est pas à la hauteur des enjeux.
France télévision,n’est que la traduction des résistances autour de la question Européenne,ce qui devient un handicap certain.
La pétition initiée l’année dernière était un moment de lucidité,sans réalisation concrète,ce qui est une répétition sur ce thème du déficit de débat.
C’est un point de vue du jour !
Tout à fait d’accord avec cet article. Pujadas fait partie de ces journalistes qui se croient au-dessus de la mêlée, mais contribuent tout de même à modeler l’opinion, avec une méthode en apparence neutre.
On se souvient de la question « y-a-t’il trop d’étrangers en France » par exemple, qui sous l’aspect d’une question non engagée, simple et populaire, a distillé l’idée que la question méritait bien d’être posée et donc qu’il y a en effet « trop d’étrangers ». Dénotation et connotation font partie du discours, implicite, mais performant quand même.
Dans ce cas, organiser un débat en France sur l’Europe, qui plus est juste avant les élections au parlement européen, en acceptant l’idée de M Le Pen que Martin Schulz est un étranger avec qui on ne parle pas entre français, est une semblable rhétorique pour instiller l’idée de l’Europe ennemie.
Tout à fait d’accord avec cette analyse.
Cette émission fut une catastrophe pour l’Europe. Pujadas s’est couché en permanence devant la force de frappe dangereuse de son interlocutrice. Les idées fausses ont été accumulées sur l’Europe avec un aplomb tel que, dans les chaumières, elles devaient apparaître crédibles… Les élections européennes sont les plus importantes pour notre avenir et elles devraient être boudées. La télévision est incapable de les mettre en perspective. Personne n’arrive à mobiliser pour cette échéance. Les partis envoient leurs troisièmes couteaux au Parlement… Bref, l’avenir est sombre et aucune lueur européenne ne vient nous réconforter. Sauver l’Europe ressemble à mission impossible.
Bravo pour cette information que j’ignorais. Il faut le faire savoir. Le terrorisme idéologique d’où qu’il vienne et qui consiste à cultiver la peur et la haine , a encore un bel avenir devant lui
La seule chaîne publique qui présente des émissions intéressantes sur l’Europe, c’est LCP-Assemblée Nationale et Public-Sénat
bonjour
c’est en effet complètement nul de la part de PUJADAS et de la 2
et ils osent se donner le nom de « journaliste »…des brosseurs de chaussures plutôt
espérons que les FRANCAIS comprendront ce qu’est en réalité l’EUROPE avec comme chacun de nous , ses défauts et ses qualités….ce n’st surement pas en s abstenant ou se renfermant égoïstement sur soi, que l’EUROPE donnera ses ESPERANCES qu’il suffit de vouloir
cordialement
Arrêtons de se plaindre. Le problème est en fait que les médias français (mais aussi d’autres pays) donnent la priorité aux politiciens nationaux sur les politiciens européens.
Exigeons que l’une des prochaines émissions de « DPDA » programme Martin Schulz comme invité principal, et non comme simple contradicteur. Il pourra alors accepter ou récuser des contradicteurs du FN mais aussi d’une certaine gauche nationaliste (ex: Jacques Sapir).
Ou un débat entre Martin Schulz et Jean Claude Juncker une mi-temps en français/wallon, une autre en allemand/autrichien .
A noter sur le blog de Jean Quatremer (qu’on ne présente plus) une bonne analyse du sujet:
http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2014/03/martin-schulz-jean-claude-juncker-amicalement-vote.html
et un point de vue en réponse aux lecteurs:
« Une tête de liste doit encore avoir une majorité au Parlement. Deux hypothèses possibles qui aboutissent toutes les deux à Schulz: une coalition PSE-libéraux-Verts-GUE. Ou une grande coalition PPE-PSE/ N’oubliez pas que ces coalitions ne valent que pour la répartition des postes. Donc si coalition gauche-libérale, Schulz est président de la Commission, Verhofstadt, président du PE pour cinq ans et de nombreuses commissions attribuées aux Verts et à la GUE. Si grande coalition, Schulz toujours à la Commission et Juncker… au Conseil européen.
Les deux personnalités, comme le montre mon portrait croisé, sont très proches et consensuelles. Je ne vois aucune autre personnalité capable d’obtenir la double adhésion Conseil-Parlement.
Le Conseil pourra ensuite faire joujou avec le poste de MAE et la présidence de l’Eurogroupe. »
Qu’en pense t’on à Sauvons L’Europe?
Et préfére t-on une coalition PSE-libéraux-Verts-GUE ou une coalition PSE-PPE?
Beau prétexte que la préférence soi-disant accordée à un débat franco-français ! Ne serait-il pas temps, au vu de nombre de positions de repli adoptées par le FN, de se demander si la PEUR n’est pas, plus profondément, l’une de ses caractéristiques essentielles: non seulement la culture du sentiment de peur auprès de son électorat, mais tout simplement, pour lui-même, la peur de l’affrontement avec des contradicteurs potentiellement d’une autre dimension que les vieux routiers du petit écran ? Tout comme, en fin de compte, la peur de l’immigré… et la peur de l’euro ! Ne serait-il pas temps de dire enfin à nos compatriotes: « N’ayez pas peur » ?
Tout à fait d’accord bien sûr, avec la réaction de Sauvons l’Europe (et de bien d’autres militants de l’intégration européenne). La réaction de France-Télévisions — car Pujadas a bien été soutenu par sa hiérarchie, n’est-ce pas ? — traduit malheureusement une attitude nationaliste, osons l’écrire, profondément ancrée dans les mentalités d’une part importante des Français. Il faut ouvrir les esprits : dans le Monde qui est et qui vient, le petit village gaulois est condamné sans appel.
À Frédéric Lenne.
Il est inexact et injuste d’écrire, encore et encore, que les partis envoient des 3e couteaux aux élections européennes. À cette aune-là, l’assemblée nationale française est peuplée de couteaux dont on n’ose préciser le rang. La plupart des élus européens se révèlent très vite des travailleurs acharnés, engagés, courageux et intelligents. Ce sont précisément les prétendus 1ers couteaux que les partis recasent pour les consoler qui sont les champions de l’absentéisme et donc des emplois fictifs.
Ce n’est pas le Parlement européen et ses élus qui sont en cause, c’est le nationalisme constant des dirigeants des États membres et de ceux qui leur lèchent les bottes.