Ou comment la France, sous des apparences européennes se moquent des institutions communautaires…
Le plan Hortefeux pour l’immigration, que notre valeureux ministre s’emploie à faire adopter de toute urgence par ces collègues européens en faisant le tour des capitales européennes, et qui devrait constituer une des priorités de la présidence française est en réalité une démarche de défiance envers le système communautaire.
Trois, puis quatre priorités….
En effet, le plan en question concerne la problématique de l’immigration régulière. Ainsi, lors d’une des premières annonces sur la question, en octobre 2007 à Madrid, le ministre de l’immigration a précisé que le Pacte européen devrait reposer sur trois piliers : le refus des régularisations massives, l’harmonisation des régimes d’asile et les négociations sur les accords de réadmission. Depuis lors, un quatrième pilier a été rajouté, sans doute pour rassurer les citoyens et les gouvernements des Etats membres censés adopter ce plan : l’aide au co-développement.
Ce Pacte européen, pensé et concocté en France, reprend en réalité les grands principes que le gouvernement souhaite mettre en œuvre au niveau national. L’habitude franco-française de penser l’Europe comme une grande France n’a semble-t-il pas disparu avec le changement de présidence…
La communautarisation prévue de la politique d’immigration…
Au delà du contenu du Pacte lui même, ce qui est symptomatique du « mal français », c’est avant tout la méthode utilisée pour promouvoir ce texte. En effet, l’immigration régulière va devenir, avec le traité de Lisbonne, un domaine dit communautaire. C’est à dire que les décisions en la matière seront prises à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité, et que c’est à la Commission européenne, et à elle seule, que reviendra le droit de faire des proposition de loi en la matière. Le Parlement devra approuver la proposition et pourra éventuellement la modifier. Le projet fera donc l’objet d’un véritable débat démocratique.
Ainsi, les gouvernements des Etats seront justement mis sur la touche, incapables de faire jouer leur droit de veto, et incapables de proposer des mesures sans le soutien de la Commission européenne, au profit de procédures démocratiques européennes. Jusqu’à présent, c’est exactement l’inverse : c’est un domaine soumis à l’unanimité, et qui relève de la compétence nationale, les institutions communautaires étant pour l’essentiel exclues du processus de décision. Les décisions se prennent donc suivant des procédures diplomatiques, anti-démocratiques.
La course du gouvernement français contre la démocratie européenne
Ainsi, le gouvernement français, conscient du caractère minoritaire de sa politique d’immigration en Europe, essaie de jouer contre la montre. En effet, le pari d’Hortefeux est de faire adopter le plan avant l’entrée en vigueur du traité pour éviter de devoir emprunter la voie démocratique prévue par le texte européen. Pour ce faire, le ministre dispose de l’arsenal diplomatique classique de la France.
Ainsi, plutôt que d’essayer de convaincre nos partenaires sur le bien fondé du plan lui même et de la politique française d’immigration en affrontant un débat démocratique, le gouvernement français mise sur les mécanismes traditionnels du chantage, de la pression diplomatique, des petits arrangements entre amis, propres à l’intergouvernementalisme… Si le pari français venait à être gagné, le Parlement européen n’aura que ses yeux pour pleurer.
Un mal français toujours bien présent…
Le plus paradoxal est que le traité qui prévoit la communautarisation de nouveaux domaines, dont la politique d’immigration régulière, est vendu aux français comme le fruit de la volonté du président Sarkozy. Pourtant, le gouvernement de ce même Président s’efforce d’en annuler un des principaux effets.
Cette affaire est symptomatique du mal français vis à vis de l’Europe. Conscient de ne plus pouvoir agir seul, le gouvernement français se plie, bonan malan, à l’idée européenne. Il veut l’Europe comme moyen, car la France ne peut plus agir seule dans de nombreux domaines, mais il n’est pas prêt à accepter toutes les conséquences de l’existence de l’Europe comme objet politique, et notamment la démocratisation du processus de décision.
L’agitation pseudo-européenne de notre ministre VRP s’explique donc par cette volonté bien française de faire un plan européen parfaitement français.
David SOLDINI
Article publié sur le site de nos amis du Taurillon.