Comment et pourquoi construire une autre Europe ?

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Comment et pourquoi construire une autre Europe ?

(Contribution au nécessaire débat pour sortir de la fétichisation du « non au TCE »)

La mise en place d’une politique déflationniste européenne aux conséquences sociales potentiellement catastrophiques remet à l’ordre du jour des Gauches d’Europe la nécessité de sortir par le haut de la division générée par les débats autour des différents traités (de Maastricht à Lisbonne).

La question est simple : le positionnement majoritaire de l’électorat français en faveur du « non » au TCE le 29 mai 2005 suffit-il à définir une alternative sociale, démocratique et écologique à l’Europe néo-libérale ?

Ma réponse est non, pour plusieurs raisons que je vais exposer. Mais au-delà, se pose une question à mes yeux autrement plus importante : à quelles conditions peut-on construire cette alternative ? Ce qui suppose bien sûr, et j’y reviendrai en conclusion , que cette alternative soit indispensable.

Tout d’abord, pourquoi le « non » de 2005 ne définit-il pas une alternative ?

Pour éviter tout crispation inutile, je partirai de l’hypothèse la plus optimiste. Certains tenants du « non de Gauche » ont défendu leur position en arguant du fait que la mise en crise de l’UE était nécessaire pour repartir sur d’autres bases. Hypothèse parfaitement recevable.

C’est le scénario de la rupture : pour construire autre chose, il faut d’abord démolir ce qui existe.

Cela suppose cependant un « consentement à la crise » de la part de ceux qui gouvernent, qui passe de fait par leur paralysie totale. Là est la principale erreur des stratèges du « Non de gauche ». Nos dirigeants ont non seulement rebondi sur le double « non » français et néerlandais en négociant le traité “dit simplifié” de Lisbonne, mais ils ont aussi intégré dans ce nouveau traité les arguments et motivations de certains tenants du « non au TCE ». Pas ceux du « non de Gauche » toutefois, mais ceux du « Non de Droite » (40% des voix du « non » français selon les sondages). Sont évacués en effet tous les symboles « supranationaux » qui hérissaient les souverainistes de Droite…et au passage, la Charte des Droits fondamentaux (partie II du défunt TCE) perd une partie de sa valeur juridique en étant évacuée en annexe du nouveau traité.

On peut toujours ensuite protester sur le non-recours au référendum pour valider ce nouveau traité, il n’en reste pas moins que la crise attendue n’a pas eu lieu. Mais surtout, derrière cette crise attendue, les conditions étaient -elles réunies pour la mise en place d’une alternative sociale, démocratique et écologique ?

Là encore, ma réponse est non. Pourquoi ? Les élections des 5 dernières années le montrent, et notamment les élections au Parlement européen (PE) de 2009, la tendance majoritaire aujourd’hui dans l’UE est celle du repli nationale et du « tout-sécuritaire ».

Alors que l’élection du PE est le seul moment démocratique de la vie de l’Union, la participation à ces élections a été plus basse que jamais. Or, c’était l’occasion ou jamais de transformer cette élection en « référendum de fait » sur le traité de Lisbonne.

Or, dans ce cadre de basse participation, qui aurait dû favoriser les électeurs les plus conscients, la Droite européenne a été plus majoritaire que jamais. Malgré la progression du courant écologiste, clairement et nettement fédéraliste et anti-souverainiste, les Gauches européennes, y compris la social-démocratie de Gauche représentée par la GUE, ont nettement reculé.

Cela interroge fortement pour le moins la « force propulsive du non de Gauche » sur laquelle certains spéculaient.

On ne peut donc éluder la question des conditions nécessaires à la définition d’une alternative sociale démocratique et écologique à l’UE actuelle.

Quelles conditions pour une alternative sociale démocratique et écologique à l’UE actuelle ?

La première condition est de dépasser la division des Gauches cristallisée en 2005 en cessant de faire du positionnement d’alors le marqueur identitaire d’une « vraie » et d’une « fausse » Gauche. Ce positionnement était et reste un positionnement tactique et daté qui n’augure en rien du fond des politiques. C’est ce qu’a eu l’intelligence de faire un José Bové par exemple.

La deuxième condition est de pousser toujours à dépasser le cadre national des mobilisations sociales et du débat politique pour créer un espace public européen.

De ce point de vue, il y a toujours un temps de retard à rattraper des citoyens par rapport aux élites dirigeantes. Celles-ci se situent d’emblée dans le cadre européen, quittes à se définir par rapport à leur « intérêt national ». Il convient de nous approprier ce cadre européen, même si cela implique une pédagogie et une connaissance des institutions parfois compliquées à mettre en oeuvre;

Cela suppose de s’appuyer sur des sentiments de solidarité internationale et de pacifisme qui constituent l’héritage de Gauche le plus précieux. Cet héritage est à valoriser plus que jamais. Il est en particulier de plus en plus accessible à la jeunesse à travers l’essor des échanges culturels et linguistiques.

La troisième condition, plus difficile, découle des 2 premières. Il s’agit de la structuration européenne des Gauches, au travers d’outils institutionnels :

groupes européens d’élus au PE, où les Verts ont pris une longueur d’avance sur les autres mais ont encore une large marge de progression, mais aussi Partis européens permettant de structurer le débat politique européen. Ceux-ci existent embryonnairement (Parti Vert Européen, Parti Socialiste Européen…) mais il faut leur donner plus de place dans nos débats nationaux, car l’Europe n’est plus à la marge, mais au centre des enjeux d’aujourd’hui.

Moyennant ces 3 conditions qu’il devient de plus en plus urgent de réunir, la construction d’une alternative politique à l’UE telle qu’elle est devient possible.

En-dehors d’elles je ne vois que repli nationaliste et guerrier en perspective. En effet, comme le signale l’anthropologue Arjun Appadurai (1), analyste très fin de la globalisation, celle-ci “met en question le recours à l’Histoire” par sa radicale nouveauté. Nous ne pouvons y faire face avec les instruments anciens de la souveraineté nationale. Nous sommes en quelque sorte condamnés à innover en inventant les formes nouvelles d’une souveraineté de niveau mondial.

1. Arjun APPADURAI « Géographie de la colère », p 58, PBPayot n°700, 2009.

Henri LOURDOU

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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1 COMMENTAIRE

  1. Ne confondons pas Europe et globalisation. Oui à un marché commun de 500 millions d’habitants, oui à la défense du travail en Europe, non à la mondialisation. G.

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