Dans mon dernier article, écrit au lendemain du Referendum britannique, j’insistais sur la nécessité de distinguer entre les négociations d’un divorce « à l’amiable » d’une part et la réforme indispensable d’une Union à 27 de l’autre. Je postulais également qu’on se trouvait devant un choix binaire entre une architecture de bas vers le haut mettant la primauté sur la « souveraineté nationale » des pays membres au sein d’une gestion « inter-gouvernementale » (Confédéralisme) ou allant du haut vers le bas en hiérarchisant les niveaux de pouvoirs par des transferts de pans entiers de la souveraineté nationale à une Autorité supranationale dans le respect du principe de subsidiarité (Fédéralisme). La situation actuelle, où le pouvoir effectif réside au sein du Conseil Européen coincé entre les Etats Membres et les organes supranationaux de l’Union, a prouvé sa faillite.
D’éminents et nombreux intervenants, parmi lesquels Bernard Snoy dans la Libre Belgique et George Soros devant une Commission du Parlement Européen, font d’excellentes suggestions sur des réformes pratiques destinées à sortir de l’impasse actuelle et réconcilier le citoyen avec l’UE. De même, des politiciens de premier plan et de tous bords, le Président Hollande, la Chancelière Merkel, le Premier Ministre Renzi, Nicolas Sarkozy, parmi beaucoup d’autres, réclament – la plupart sans plus de précisions – une « refondation » de l’Europe dont la nécessité fait largement consensus.
Je persiste à croire que la mise en œuvre de réformes, quelles qu’elles soient, ne pourra aboutir sans clarifier/modifier l’architecture institutionnelle dans lequel elles doivent s’inscrire. A défaut, elle fera perdurer des visions incompatibles, en entretenant un flou délibéré autour des valeurs de démocratie et de souveraineté débouchant tôt ou tard sur la désintégration de l’Union dont le « Brexit » pourrait se révéler un puissant accélérateur.
C’est, en effet, une succession de compromis, de dérogations, d’exonérations et de protocoles ainsi que l’application à la carte de l’acquis communautaire, étalés sur une longue période, qui sont largement la cause de la paralysie de l’Union. C’est ainsi que s’est répandu l’image d’une Europe élitiste et technocratique alimentant chez le citoyen un sentiment d’incompréhension sinon d’injustices et d’un déficit de démocratie. Cette situation est en très grande partie responsable du Brexit, la campagne référendaire ayant laissé un boulevard à ceux qui propagaient sans la moindre vergogne leurs credo « nationalistes » empoisonnés.
C’est un « faux pragmatisme » qui sert aujourd’hui d’alibi à ceux qui veulent dissocier les réformes institutionnelles du traitement de dossiers spécifiques jugés urgents. Ils ne font que retarder une décomposition de l’Union qui deviendra inévitable quand, une fois de plus, les européens se sentiront trahis. Pour autant que l’on fixe un cap clair défini dans un « accord politique », le citoyen est parfaitement capable de comprendre qu’une réforme fondamentale des traités nécessite une longue préparation et du temps pour être mise en œuvre. Dans l’intervalle, les dossiers précis doivent être traités en cohérence avec les objectifs des réformes structurelles contenues dans l’accord politique.
Une approche, déjà ébauchée par l’Institut Thomas More en Juillet 2012, consisterait à instaurer une Confédération d’Etats Membres, l’ « Union Européenne, (U.E.) » au sein de laquelle un nouvel Etat Fédéral, la « Communauté Européenne, (C.E.) », serait le pilier principal. Cette Europe pourrait concilier les visions divergentes et incompatibles qui existent aujourd’hui au sein des 27 pays membres.
La C.E. serait configurée en s’inspirant des modèles des fédérations Suisse – Belge – Allemande et Américaine, visant une large dévolution de compétences aux niveaux inférieurs de pouvoirs exécutifs et législatifs. Il serait, en principe, composé des pays Membres de l’UEM, puisqu’ils ont déjà mis leur souveraineté monétaire en commun, décision difficilement réversible sans implosion de la monnaie unique et de l’UE. L’ensemble de l’ « acquis communautaire » serait applicable sans aucune dérogation à tous ses Membres. Cependant, un examen minutieux préalable des compétences serait nécessaire pour limiter strictement celles exercées au niveau fédéral et restituer aux niveaux inférieurs l’ensemble des pouvoirs résiduels.
Le Gouvernement fédéral serait doté d’un budget, de ressources propres et d’une capacité d’emprunt (voir propositions de Soros) et serait l’interlocuteur privilégié de la BCE, corrigeant par là une des failles majeures de l’architecture institutionnelle actuelle.
Ce Gouvernement serait responsable devant un Parlement fédéral élu au suffrage universel selon un code électoral commun. La possibilité d’instaurer une deuxième chambre (des Etats) sur le modèle Allemand (Bundesrat) ou Américain (Sénat) peut être envisagée en remplacement du « Conseil Européen ». Un choix doit aussi être fait entre un régime « présidentiel » à la française ou « parlementaire » à l’allemande pour la désignation du chef de l’Etat fédéral et/ou de l’Exécutif.
L’U.E. serait une Confédération d’Etats indépendants (dont la C.E.) unis par un nouveau Traité international simplifié. L’adhésion de nouveaux membres éviterait l’interminable négociation des 35 chapitres de l’acquis mais serait une décision essentiellement « politique ». Reflétant la prépondérance de la C.E dans ce dispositif, le budget de fonctionnement de l’U.E, dont les coûts devraient être limités, serait assumé par celle-ci.
L’essentiel des provisions du TUE, ainsi que les politiques, directives et règlements faisant partie aujourd’hui de l’acquis communautaire de l’UE, seraient transférées à un « Traité constitutionnel » ou intégrées à la législation gouvernant le nouvel Etat fédéral.
Les Membres de l’U.E. auraient la possibilité d’adhérer « à la carte » aux chapitres qui leur conviendraient, sur le modèle actuel de l’ « Union Bancaire » qui s’impose aux Membres de l’UEM tout en étant ouverte aux autres Membres de l’UE. L’adhésion impliquerait une acceptation sans restrictions des règles de la C.E. en la matière y compris une contribution budgétaire appropriée. Cela permettrait, par exemple, une adhésion au marché unique (impliquant acceptation des 4 libertés fondamentales, etc.) au programme communautaire de recherche, à la PAC, ou à une future politique d’immigration ou de défense commune, etc. L’adhésion à toute politique donnerait le droit de participer aux délibérations y ayant trait avec voix consultative ; ces membres pourraient, par contre, se retirer d’une politique avec un préavis approprié.
A tout moment les pays membres de l’UE pourraient solliciter leur admission dans la C.E. fédérale à condition d’accepter – et d’être capable de mettre en œuvre – l’ensemble de ses règles (y compris l’adhésion à l’UEM). Cette adhésion serait ratifiée par les organes législatifs de la C.E. mais ne donnerait pas lieu aux négociations prolongées actuelles puisque plus aucune dérogation à l’acquis ne serait tolérée. Les mécanismes de transition seraient remplacés par l’adoption progressive des politiques de la C.E. (qui correspondent aux « chapitres » actuels), comme décrit ci-dessus, et ce au rythme et dans l’ordre choisi par le candidat.
Ce schéma décrit donc une Europe à deux vitesses autorisant beaucoup de flexibilité jusqu’à et y compris l’adhésion définitive d’un Membre de l’U.E. à l’Etat fédéral de la Communauté Européenne. Cela offre la possibilité aux pays qui ne sont pas membres de la C.E. de préserver le degré de souveraineté nationale qui leur convient. L’adoption d’un tel projet pourrait, incidemment, offrir une porte de sortie élégante au drame du Brexit en offrant au Royaume-Uni de rester membre de la l’U.E. réformée tout en se retirant de la C.E. Les polémiques concernant l’adhésion de la Turquie pourraient également y trouver une solution.
Par contre, il ne faudrait pas sous-estimer les questions délicates qui se posent pour certains pays, par exemple, en matière de politique étrangère ou de défense : la France serait-elle prête à envisager de transférer à la C.E. son siège au Conseil de Sécurité ou de partager les décisions en matière d’usage de l’arme nucléaire ? Si l’on n’a pas la volonté politique de traiter de face ces questions épineuses et de trouver des solutions qui préservent les aspirations légitimes des partenaires, il serait illusoire de s’engager dans des négociations qui ne pourraient déboucher que sur une réforme de l’Union au rabais.
Mieux vaut dans ce cas faire face le plus vite possible au démantèlement de l’Union, tout en sachant que les conséquences économiques, financières, sociales et politiques seront encore infiniment plus pénibles que celles qui se profilent dores et déjà pour le Royaume-Uni.
Bruxelles, le 1er juillet 2016
[author image= »http://www.institut-thomas-more.org/upload/media/goldschmidt.jpg » ]Paul N. Goldschmidt
Directeur, Commission Européenne (e.r.) ; Membre du Comité d’Orientation de l’Institut Thomas More.[/author]
Bonjour,
Une clé importante à prendre en compte dans les opinions est la notion de souveraineté. L’extrême droite recrute avec ce mot. Son emploi courant est d’une naïveté inouïe.
L’argumentation pour contrer cette vue simpliste est la suivantes :
1/ la France représente 1% de la population mondiale et l’Europe, 5%.
2/ le monde, dans son ensemble (95%), est loin de notre conception démocratique européenne. Il est extrêmement dangereux.
3/ l’Europe est en construction et donc en évolution permanente. On ne doit pas juger que son état actuel mais également ses améliorations en perspectives.
4/ l’Europe est un paradis dans lequel certains se croient en enfer. On ne leur dit pas assez la misère du monde.
5/ l’Europe vote plus à droite que la France et si on est de gauche, on doit en tenir compte et militer dans le cadre de l’Europe.
6/ la meilleure façon de défendre nos intérêts et donc notre souveraineté devant les énormes puissances étatiques ou privées du monde (95%), est de s’unir dans un groupe de pensée assez commune (5%).
La souveraineté à 1% est une utopie. Par exemple, si on veut reconquérir le marché électronique actuellement aux pays de l’est, il fut créer un grand pôle. Le pragmatisme montre que les moyens à mettre en œuvre sont à l’échelle européenne.
Expliquer et informer, pour ne pas que certains cèdent au simplisme.
Mille excuses pour les « s » en trop qui résultent d’une correction de syntaxe non relue.
Dans le domaine du « poids des mots » il y a également l’amalgame des suffixes « ismes » comme « simpliste » et et « populiste ». Les spécialistes doivent dire « extrême droite » et non « populiste » car nombre de gens peuvent confondre avec « populaire » qui contient la noble notion de peuple. Autant être explicite.
J’adhère à ce message.
Il ne faut pas oublier que l’Europe est la plus grosse puissance économique mondiale.
A t’on les élus à la hauteur de nos espérances?
Merci pour votre adhésion. Concernant les élus, je voudrais dire deux choses : a) nous avons les élus que nous méritons ; b) il faut renforcer le pouvoir de nos élus afin qu’ils puissent à terme, prendre la place de la commission (non élue).
Maintenant il est vrai que la fonction d’élu – à cette échelle – est délicate car les enjeux sont complexes. Il faut impérativement des compétences vis à vis du droit international et des aspects techniques et scientifiques. Le monde bouge plus vite qu’avant et la tradition de l’élu de campagne doit maintenant faire place à un protocole rigoureux passant par des dossiers de candidature qui prouvent la compétence. Les forces agissantes sont nombreuses et les lobbyistes bien organisés et compétents, savent tendre des pièges au pauvre élu démuni. Ces grands groupes internationaux bardés d’une armée d’avocats et d’ingénieurs, agissent pour leur intérêt égoïste et non pour la communauté. Il faut réinventer la démocratie dans ce monde moderne et à cette échelle. Il faut soutenir les élus de bonne volonté et ne pas se contenter de les élire pour ensuite s’en désintéresser.
Ce n’est pas la première fois que je relève dans les commentaires un étrange sophisme, voire une argutie – car ce n’est pas un argument – au sujet d’une « Commission non élue ».
Or, d’une part, s’il est vrai qu’elle ne l’est pas en tant que telle, on ne peut négliger le fait que, dans sa composition actuelle, 21 de ses membres (sur 28) ne procèdent pas d’une génération spontanée de technocrates totalement coupés des peuples mais ont bien exercé – à différents niveaux (local, régional, national ou européen) – des fonctions électives.: un coup d’oeil sur leurs biographies respectives suffit à l’attester.
D’autre part, si l’on doit comparer d’ « exécutif » à « exécutif », pourquoi négliger le fait qu’un certain nombre de nos ministres ne sont pas eux-mêmes des élus ?: sauf erreur de ma part, ni M.Macron ni Mme Azoulay n’ont jusqu’à présent vécu l’expérience d’une élection au suffrage universel. On trouverait d’autres exemples tout aussi éloquents en examinant la composition de gouvernements antérieurs, quelle qu’ait été leur couleur politique.
Je persiste à penser que la démocratie ne sera sauver qu’à travers une bonne pratique de l’élection avec un grand E. Cette réflexion est aux antipodes du sophisme car il faut discuter du rôle de l’élu remis à la sauce de cette époque et de cette échelle. Je persiste et signe : l’élu doit être entouré de spécialistes (science et droit) mais doit rester le maître ultime. C’est un peu le même travers qu’en physique. Le couple idéal était formé par un physicien et un mathématicien. Monsieur Einstein plantait son modèle physique et son coéquipier s’attachait à le formaliser. Las, cette relation de type « maître-esclave » s’est depuis inversée. C’est cela et rien d’autre qui est la cause de la crise profonde en physique fondamentale. On en vient à confondre le modèle mathématique avec la réalité. Il convient de remettre l’élu au centre tout en lui donnant les moyens techniques. La démocratie est en danger ! Il faut expliquer et ré-expliquer qu’elle s’appuie d’abord sur le protocole de représentation électif. Dans le monde associatif, l’élu est souvent mal considéré car souvent perçu comme un opportuniste alors qu’il est bénévole.
En résumé, ce modèle dipolaire, élu / technicien, est naïf car la dualité devrait se jouer au travers de l’arbitrage politique de l’élu.
Donc, pour en revenir au parallèle que j’ai mentionné entre commissaires et ministres – et en essayant de vous interpréter le plus correctement possible – vous prônez une élection directe des ministres nationaux aux postes respectifs qu’ils occupent ? Selon quelles modalités ? Ce serait intéressant à connaître.
Le parallèle que vous faites, entre commissaire et ministre, n’est pas fondée. Les ministres jouent un rôle technique venant en appui aux directives politiques du président. IL y a bien ce que je préconise, à savoir une assistance au politique élu, qui doit toujours rester le maître du jeu. Qui fait preuve de sophisme ? Alors s’il vous plait quittez ce ton condescendant car il n’est jamais une preuve de compétence.
La politique au sens noble est une science dont les fondements vont au-delà de la simple analyse géopolitique. Elle s’inspire des lois fondamentales de la physique et je ne sais pas si vous sauriez me suivre sur ce terrain.
En effet, n’étant pas physicien, je me contente de contribuer, à l’humble place qui m’a fait fréquenter les institutions européennes depuis quatre décennies et l’Université en tant qu’enseignant de droit européen (Nanterre) et de politiques publiques (ULB, Bruxelles), à une modeste compréhension de la construction européenne. La lecture de certaines thèses m’a convaincu que, jusqu’à un certain point, le parallèle entre ministres et commissaires était tout à fait fondé. Je crois que la limite de votre perception tient à ce que vous vous cantonniez au seul exemple français… qui constitue une notable exception parmi les régimes politiques européens. Or, c’est précisément un peu de recul qui permet d’apprécier à sa juste mesure la noblesse de la politique.
Je suis convaincu qu’il convient de regarder au-delà du seul exemple franco-français et je pense être le dernier à « me cantonner » au franco-français. Mais encore une fois ce qui est déterminant, c’est le rôle central du politique. La bipolarité européenne : commission / parlement me paraît malsaine et je persiste à dire qu’elle aurait à gagner en pragmatisme si chaque député disposait d’un appui technique, à sa guise, pour équilibrer les pression des puissants lobbyistes. La crise de la physique vient de cette dichotomie entre matheux les physiciens, en toute symétrie. Non la relation maître-esclave doit jouer en faveur du physicien. L’intégration en couple, vaut mieux que deux bastions consolidés et séparés.
Le danger actuel réside dans l’asymétrie de moyens entre le député européen et ceux des grands groupes.
J’ai lu quelque part, sous la plume d’une diplomate américaine, qu’un grand groupe pharmaceutique avait invité dans je ne sais quelle ile paradisiaque, des députés européens. Le but étant de rédiger un rapport thématique en fin de « stage ». Mais l’hôte avait perfidement rempli l’emploi du temps de festivités pour amener une fin de « stage » assez courte et culpabilisante pour les invités. Après un instant de crise, les dirigeants avait sorti opportunément, un travail tout prêt qu’il suffisait de faire valider. Inutile de dire que cela engageait moralement sur les votes à venir concernant les règles d’importation de médicament en Europe.
La commission est, à mon sens, une institution provisoire dans l’attente d’une évolution positive et plus démocratique de cette Europe en construction. En physique, on doit clairement distinguer une équation d’état d’une équation fonction de la variation. Il est important de dire que la construction de l’Europe est en évolution. On ne peut que discuter du choix des étapes de cette évolution. Une erreur courante est de vouloir juger son état (actuel). La « lenteur » de son évolution est toute relative puisqu’un projet d’union (non violent) de cette taille, est inédit.
A propos de sophisme, comment pouvez-vous envisager que la démocratie puisse être sauvée sans moderniser la notion élective. Sans une forte contribution scientifique et technique, l’adaptation au monde va devenir totalement impossible. Cet endroit du monde (l’Europe) est convaincu de laïcité. Si cette vision est totalement nécessaire, elle n’est pas suffisante. Il nous incombe d’inventer un parlement bardé de tous les appuis scientifiques, afin que chaque député élu, devienne l’arbitre final et avisé des choix utiles à la cité.
Bien entendu, cette intégration se trouve loin du protocole à gros sabots qu’est le référendum ! On a vu que le peuple anglais (comme tous les peuples) à suivi la règle du 80/20, lors du brexit. Seulement 20% des votants, avaient pleine conscience des enjeux du vote. C’est la raison pour laquelle l’exécutif doit être contrôlé par des élus, représentant du peuple. Cet étage démocratique, se comporte comme un filtre passe-haut et élimine les mauvaises raisons. La foule a l’intelligence bête. En revanche, le député lambda, laissé à lui-même et souvent sans culture scientifique, peut également se tromper de voie.
Le monde change de plus en plus vite et il faut nécessairement, un exécutif. Je suis fondamentalement pour une Europe Fédérale (nanti d’un président élu), seule bastion pour défendre la souveraineté des états constitutifs.
A la lecture de votre dernier commentaire, il me semble que, sur un certain nombre de points (comme l’imposture des referendums mal utilisés), nous sommes largement sur la même longueur d’onde. Les pistes que vous esquissez pour l’avenir constituent d’intéressantes contributions à la réflexion sur le futur de l’Europe… y compris pour les non-physiciens.
Cela étant, j’attache aussi, pour ma part, une grande attention à l’UE telle qu’elle a fonctionné dans le passé et telle qu’elle fonctionne aujourd’hui. C’est dans cet esprit que je souhaite faire valoir encore quelques considérations de nature à compléter notre échange:
1. quant au caractère « provisoire » que vous attribuez à la Commission: certes, son existence, à l’échelle de l’Histoire, peut sembler modeste; mais, à l’échelle humaine, ne négligeons pas le fait que ce type d’institution est en place depuis plus de 60 ans (si l’on inclut la Haute Autorité de la CECA dans le décompte). Aussi, le « provisoire », si telle doit être sa destinée, serait à illustrer par une comparaison avec l’échafaudage: un outil indispensable à l’édification de l’ouvrage, en imaginant que les maçons et les peintres en bâtiment que sont les Etats membres et le Parlement européen doivent pouvoir s’appuyer sur lui – et sa solidité – pour réaliser la construction… surtout dans les étages supérieurs ! On peut retirer l’échafaudage en fin de chantier… mais sans oublier d’installer des escaliers de secours…
2. quant au rapprochement que je m’étais permis d’esquisser entre commissaires et ministres – étant entendu qu’il ne faut pas confondre le Collège des commissaires, organe politique, avec les services de la Commission, pas plus qu’on ne saurait identifier les ministres aux fonctionnaires de leurs ministères – deux considérations me paraissent devoir étayer ce point de vue:
– d’une part, au niveau de l’organe « suprême » (qualification à nuancer si l’on s’attache aux détails) que représente le « Conseil européen », composé essentiellement des chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats membres, celui-ci ne se limite pas à ces derniers dans la mesure où, aux termes des Traités, son enceinte comprend aussi le président de la Commission;
– d’autre part, le système institutionnel issu du Traité de Lisbonne a créé une fonction pour le moins originale (inspirée de Janus ?) en la personne du « Haut Représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité »: ce personnage est en effet nanti d’une double casquette dans la mesure où il (actuellement « elle », sous les traits de Mme Mogherini) est à la fois vice-président de la Commission et président du Conseil des affaires étrangères. C’est à ce titre qu’il joue un rôle politique non-négligeable l’autorisant,de surcroît à participer aux travaux du Conseil européen.
Désolé si cette mise au point a paru un peu longue. Mais elle explique pourquoi, en l’état actuel des réalités politiques, je persiste et signe dans le parallèle qui me semble devoir être établi – jusqu’à un certain point – entre commissaires et ministres. Et c’est dans cet esprit qu’en particulier j’insiste sur le fait qu’ ils ne sont ni les uns ni les autres DIRECTEMENT élus pour l’exercice de leurs fonctions. Je ne me souviens pas d’avoir élu M.Macron comme ministre de l’économie, pas plus que je n’ai élu M.Moscovici au portefeuille qu’il détient à la Commission.
Cela n’empêche pas de faire des rêves pour l’avenir !
Cet échange d’idées est intéressant et je souhaiterais conclure par cette phrase, relevée dans la presse locale du Languedoc-Roussillon. Je cite approximativement : « certains se croient en enfer, ici en Europe, alors qu’ils sont au paradis ». Parmi les prises de conscience salutaires, il y a cette nécessité de penser nos difficultés, relativement au reste du monde. Même aux états unis, on peut mesurer les ravages liés à la faible application du principe de séparation religion-état. Selon certaines études, 80% de cette population, adhère au créationnisme plutôt qu’au principe d’évolution. La laïcité est une des clés qui font que l’Europe apparaît comme l’unique laboratoire du monde où pourrait s’élaborer la future capitainerie du bateau Terre… ce petit caillou dans l’univers. Voir mon second livre en cours d’écriture sur : http://www.cosmologie-oscar.com/index.php.
A vous relire avec plaisir.
Oui il faut la faire cette Europe avant qu’il ne soit trop tard. Mais pour l’instant elle existe surtout pour les fonds de pension, la City, et la Bourse de Paris ou de Franckfort.
Il était question aujourd’hui même, d’appliquer des sanctions au Portugal pour 0,2% de dépassement des 3% de déficit (sur le budget de 2015 de la responsabilité de gouvernement de droite, remplacé en janvier par la gauche unie) Mais comme notre Premier ministre menaçait de discuter devant le tribunal européen, ils ont fini par décréter qu’il n’y avait pas « pénalisation ». Ouf! c’eût été la première fois, et après tant de sacrifices des gens de ce pays, c’était impensable!!!…Certains voyaient déjà poindre un referendum pour sortir à la suite des britanniques.
L’Euro est un problème si on ne change pas quelques régles de fonctionnement. Les pays du sud et même la France e s’en sortent pas avec cette monnaie trop forte.
Bonjour,
Il me semble que le débat sur les institutions, même si celui-ci s’avère important, cache les raisons pour lesquelles un très grand nombre de citoyens se détournent de l’Europe. Or, cette défiance est la conséquence de la politique du « tous contre tous » menée depuis plusieurs décennies au sein de l’UE. Celle-ci étant principalement orchestrée par les partis et gouvernements de droite qui dominent les instances européennes depuis de nombreuses années. Elle prend pour base la flexibilité et la baisse des coûts du travail, l’uniformisation des couvertures sociales vers le bas et l’absence de mesures contre les paradis fiscaux y compris ceux de l’UE.
Pour redonner de l’espoir à cette Europe, il faut d’abord redonner confiance aux citoyens européens et remplacer le climat de peur qui s’est instauré par des actions et des objectifs concrets ou chacun pourra constater que nous avons un avenir commun à partager.
Pour cela, il faut que la politique menée par l’UE s’engage dans une véritable régulation économique des marchés (n’en déplaise à certains) et à un développement planifié des pays (en particulier des derniers arrivés) afin d’amener progressivement l’ensemble des états de l’UE aux standards économiques et sociaux qui auront préalablement fixé en commun. Plus de santé, de formation, d’éducation, de sécurité pour sa famille et ses enfants sont des objectifs qui parlent à tous et à chacun. Encore faut-il les exprimer clairement et le vouloir ! Naturellement, pour y parvenir cela nécessite que l’Allemagne recycle ses excédents au sein de l’UE et que la France perde certaines prérogatives sur le plan international.
L’objectif, est bien de faire cesser à terme le dumping actuel. A ce titre, les deux indicateurs qui pourraient être retenus dans ce cadre, seraient : l’évolution d’un salaire minimum européen et la part des prélèvements sociaux dans le PIB de chaque pays. De même, les instances européennes devront trancher sur l’installation de telle ou tel entreprise ou filière industrielle dans tel ou tel pays pour éviter une trop grande spécialisation en vue de permettre un développement harmonieux des territoires et faciliter la mobilité des salariés européens entre autre les jeunes.
Nous sommes face à un débat politique de fond entre libéralisme, économie régulée et redistribution. Celui doit être mis sur la table simultanément avec celui des institutions. En faire l’économie revient à moyen terme (quelques années) à l’explosion de l’Europe et la montée des toutes les dérives autoritaires qui pointent et s’accroissent actuellement.
Concernant le débat sur les institutions européennes, il apparaît essentiel avant tout discussion, que les citoyens comprennent leur fonctionnement actuel avant de trancher sur telle ou telle évolution. Or dans ce domaine force est de constater que nous sommes totalement sous informé. Rien dans les médias et les journaux sauf en cas de conflit ! Les rédactions s’appesantissent pendant des heures sur la cuisine de nos terroirs en plein 20H ou la météo plutôt que de restituer l’actualité européenne au quotidien. Il y a là des problèmes de priorité qu’il faudrait rappeler aux rédactions d’autant plus lorsqu’elles sont chargées d’une mission de service public.
Ainsi, au regard de l’actualité dramatique que nous traversons, nous voyons bien que si les institutions des différents pays peuvent ralentir le lent délitement culturel qui touche l’Europe rien ne peut l’en empêcher et avec lui la peur qui s’insinue dans nos esprits et comportements. C’est donc bien au travers de solidarités concrètes, factuelles et quotidiennes que nous pourrons nous projeter dans un avenir qui aura pour cadre une Europe conquérante, fière de ses valeurs et exemplaires face à des empires nationalistes (USA, Chine…).
L’Europe ce sont les peuples qui doivent la faire et décider d’en être ou pas et décider aussi si on admet ou pas un pays au sein de cette Europe.
Jusqu’à présent, ce sont les cols blancs qui ont décidé de ce qui leur convenait en matière de profits ,sans tenir compte de notre devenir. On voit où cela nous a mené. Nous ne cautionneront plus de décisions qui ne nous conviennent pas. Autant voter pour ceux qui veulent quitter cette Europe des riches et faite pour les riches.
« Les peuples »? Et si on construisait une démocratie européenne, avec un Parlement élu au suffrage universel qui décide qui est le Président de la Commission.
Pour le reste, vos critiques s’adressent aussi au système politique français. Proposez-vous de quitter cette France des riches?
La France c’est mon pays et j’y vis même si ce n’est pas en harmonie avec ceux qui nous exploitent. Faire une Europe , ok, mais différente de ma France sinon cela n’en vaut pas la peine. Je me sens plus capable d’amener mon pays à se réformer, plutôt que l’Europe entière.
Voici une contribution de la superstructure!
Comment organiser le pouvoir..
Le principal est ailleurs et l’action et ses modalités sa conséquence.
Pourquoi l’Europe? Quels objectifs ? Quels contrôles?
Voilà les questions qui intéressent les peuples, même si elles peuvent apparaitre réduites à un intérêt trop immédiat.
L’intergouvernemental promu par Sarkozy et Merkel, qui choisirent l’ectoplasme Barroso pour ne pas déranger, est/fut la simple expression de la primauté des égoïsmes nationaux au détriment de toute ambition collective. Le court terme contre la distance.
Il ne suffit pas de revendiquer la démocratie tout en valorisant sa propre position M Goldschmidt.
Quoiqu’il en soit l’UE ne pourra pas faire l’économie de ses peuples et de son vote (et aujourd’hui il ne peut s’exprimer que dans un cadre national). Tout processus de démocratisation de l’appareil européen ne peut être qu’accueillie favorablement. Il est temps d’avancer sur une première vraie élection transeuropéenne, si nous voulons éviter que l’Europe des (grands-) pères fondateurs ne soit dévoyée par des états de plus en plus national-souverainistes, et qui ont bien une idée de l’Europe eux aussi. Il y a urgence, d’où notre « Lettre ouverte aux dirigeants européens: Bloquer le “coup d’états” britannique par un coup démocratique européen – Vers une première vraie élection transeuropéenne » (https://www.franck-biancheri.eu/?lang=fr)