Commission européenne ou Conseil européen : l’option Draghi

L’homme du « quoi qu’il en coûte » is « back on stage » avec un projet pour l’Europe.

D’abord, un constat : « Notre organisation, notre processus décisionnel et notre financement ont été conçus pour le monde d’avant — avant le Covid-19, avant l’Ukraine, avant l’embrasement au Moyen-Orient, avant le retour de la rivalité entre grandes puissances. Or nous avons besoin d’une Union européenne adaptée au monde d’aujourd’hui et de demain. »

Ensuite, un objectif clairement politique : « Je propose un changement radical — car un changement radical est nécessaire » pour soutenir la compétition avec la Chine et les États-Unis.

A ce jour, notre homme n’est candidat sur aucune liste pour le scrutin de juin, et moins encore le Spitzenkandiat d’aucune famille politique. De plus, il approche l’âge d’un candidat américain à la Maison-Blanche… N’empêche, la petite musique de la candidature Draghi à la présidence de la Commission européenne, voire celle du Conseil européen, participe de la bande son de la campagne des Européennes.

Naturellement, voilà une situation qui ne participe pas à la lisibilité du scrutin européen. A ce jour, les Etats membres (y compris la France) s’obstinent à ne pas faire du scrutin européen le choix de qui va « cheffer » l’Europe pendant cinq ans. Le débat électoral européen et celui sur la présidence de la Commission continuent donc partiellement de vivre chacun leur vie, comme le démontre justement le sujet Draghi.

Le plus troublant est certainement que les dernières interventions du Maestro Draghi résonnent comme le programme attendu d’un candidat à la direction de l’Europe. Voilà une presque candidature qui illustre clairement une rupture avec le « statu quo » que semble aujourd’hui incarner madame Von der Leyen. Celle-ci reste la prisonnière politique d’un « statut quo financier et institutionnel » qui paralyse l’action de l’UE et, surtout, mine sa crédibilité. De là une Europe si fragile face aux vents populistes de notre continent qui gonflent les voiles du RN en France.

Particulièrement, Draghi assume que l’approche de l’UE s’est trompée d’objectif en matière de compétitivité depuis la crise de la dette souveraine. « Nous avons en effet délibérément poursuivi une stratégie visant à abaisser les coûts salariaux les uns par rapport aux autres… L’effet net n’a été que d’affaiblir notre propre demande intérieure et de saper notre modèle social. » Dans le même temps, l’UE n’a pas accordé suffisamment d’attention à sa compétition avec les Etats-Unis et la Chine, soit sa compétitivité extérieure qui « n’a jamais été traitée comme une question politique sérieuse ».

Si le prochain quinquennat européen a vocation à révéler une « Europe puissance », ou du moins une « Europe souveraine », celle-ci doit commencer par rester compétitive. Or, comme le souligne l’ancien président de la BCE, « si nos rivaux nous prennent de vitesse, c’est parce qu’ils peuvent agir comme un seul pays, avec une seule stratégie — et aligner tous les outils et politiques nécessaires derrière elle ».

Pour égaler les performances américaine et chinoise, la promesse politique de Draghi est celle « d’une redéfinition de notre Union qui n’est pas moins ambitieuse que ce que les Pères fondateurs ont fait il y a soixante-dix ans en créant la Communauté européenne du charbon et de l’acier ».

Henri Lastenouse
Henri Lastenouse
Vice-Président de Sauvons l'Europe

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7 Commentaires

  1. « Pour égaler les performances américaine et chinoise, la promesse politique de Draghi est celle « d’une redéfinition de notre Union qui n’est pas moins ambitieuse que ce que les Pères fondateurs ont fait il y a soixante-dix ans en créant la Communauté européenne du charbon et de l’acier». Concrètement ça veut dire quoi?

    • En effet, je m’interroge également sur le sens de cette « redéfinition », surtout de la part d’un homme qui a occupé différents niveaux de pouvoir, aussi bien en Italie que dans l’U.E. et qui ne s’est pas distingué par un progressisme évident aussi bien d’un point de vue économique que social et écologique. Il me fait l’impression plutôt d’un navigateur en eaux troubles, aussi bien au niveau de la grande finance que de la compromission politique. L’U.E. a-t-elle besoin d’une telle personnalité pour aller dans le sens des fondamentaux définis par SLE ?

  2. Totalement d’accord avec Henri Lastenouse.
    Et j’ajouterai que j’ai eu honte de notre pays lors du voyage du président chinois pour qui cette occasion de diviser l’Europe était comme une gourmandise

  3. La France a décroché par rapport à l’Allemagne, et l’UE passe les paliers (indolores pour l’instant) de son décrochage par rapport aux Etats-Unis et la Chine, , qui doivent peut être se demander (pour être optimiste) qu’elle peut -encore -attendre pour… mourir.

    Mais Glucksmann dans ce qu’il appelle sa « révolution écologique européenne » , de toute évidence la perte de compétitivité européenne, face à ces 2 pays et pas moins, concurrents directs, n’est pas, de toute évidence, pas inclusive de sa clé de voute. Sans doute la magie d’être pro-européen, sincère, à n’en pas douter, comme ne pas douter, non plus à ce qui s’apparente a une belle naïveté….élimée.

  4. L’Union Européenne est, encore, en cours de construction.
    Dans sa structure actuelle, elle a un avantage sur tout autre pays : la DEMOCRATIE .
    L’histoire et l’actualité nous montre bien que dès qu’il y a  » MONSIEUR  » ou « MADAME » qui s’attribue, ou à qui on attribue, le nom d’une nation, la démocratie est en grand danger.
    Mieux vaut moins de compétitivité qu’un Trump, un Xi Jinping, un Poutine, et j’en passe.
    Gardons-nous bien de permettre l’émergence d’une Madame EUROPE ou d’un Monsieur EUROPE.
    L’élection des membres du PE est l’occasion d’ambitions. Défendons-nous en !

  5. Ça semble clair, pourtant: la faiblesse de l’Europe tient à sa production de biens matériels en décroissance continue. Draghi veut relancer le processus productif et je ne vois pas où serait le problème. Dans la foulée, j’espère qu’il saura relancer un plan de construction européen de centrales électriques ( nucléaires) et de barrages hydro-electriques, seuls atouts sérieux pour une indépendance européenne…

  6. Oui, le problème de l’UE c’est qu’elle ne peut comme les autres pays se comporter comme une nation unie, défendant l’indépendance et les intérêts de ses peuples, son modèle, une troisième voix, voie. L’efficacité de toute action dépend de choix clairs, lisibles, sans concession.

    L’UE est déchirée entre ses intérêts communs et ceux, nationalistes, protectionnistes, régressifs, défensifs, de repli sur soi, de chacun de ses membres. Il est un moment où pour agir il faut choisir et tout choix, toute mue, est aussi un renoncement, une perte, un abandon à quelque chose, un changement d’habitudes, de fonctionnement. On ne peut avoir et le beurre et l’argent du beurre.

    On a le choix entre 4 UE: ou une UE des nations nationalistes, défendant chacune ses intérêts tout en privilégiant entre elles une politique de traités peu contraignants, soit une UE fédérale sur le modèle US, avec un président élu au suffrage universel, une droite, une gauche, des lois fédérales de moins en moins efficaces, de plus en plus contestées par les lois de chaque état, une constitution commune, un intérêt commun : la puissance du pays.

    La troisième voie, c’est la nôtre actuelle, celle de Von der Leyden. Agir c’est aussi aller vers un cap, une direction, claire, c’est aussi prévoir à long terme les conséquences de ses choix, productifs ou contre-productifs. L’UE actuelle n’agit pas, ne pense pas le monde, ne domine pas les circonstances, ne crée pas les opportunités. Elle se contente de ré-agir aux circonstances, à court terme, dans l’urgence, de façon chaotique, confuse, désordonnée, avec une lenteur bureaucratique et ne trouve qu’un semblant de cohésion qu’en période de crise (Covid,Ukraine…).

    L’UE de Von der Leyden a choisi de pencher à droite, de se coucher devant les lobbies, de garantir les profits de leurs investisseurs: transition écologique faite par les entreprises, selon leur rythme, les intérêts de leurs actionnaires aux dépends des biens communs, de la santé du vivant, austérité sociale pour concurrencer le coût du travail des plus pauvres, marchandisation de la main d’œuvre mondiale, variable d’ajustement, permettant le développement d’emplois précaires, de bas salaires, mise en tension, en concurrence de tous les secteurs d’activité à flux tendu, surcharge des tâches, économie de bouts de chandelles, désignation de bouc émissaires, privatisation du secteur public, l’argent des impôts réservé aux seule entreprises privées compétitives, criminalisation d’une fraude marginale étendue à tous…..réarmement très offensif du capitalisme, nouveaux tour de vis, explosion des profits…

    Et enfin, la quatrième voie, celle du banquier Macron qui se moque des frontières, des idéologies, pour qui ce qui fait la puissance, c’est la puissance des investisseurs, des banques. Seule limite politique pour la galerie (parce que tous les marchés mondiaux sont interdépendants, des banques UE toujours agissantes en Russie…nous dépendons toujours de nos entreprises sur le marché chinois…), faire croire au choix privilégié d’investisseurs occidentaux soit disant moins contrôlés politiquement par la CIA… La relocalisation française est en majorité faite non par des investisseurs français, qui font plus confiance au marché US qu’au marché français bien que garanti par l’État. C’est encore le contribuable français qui va payer, après la délocalisation, le changement d’investisseurs étrangers pour la relocalisation : US (305 projets ;17.000 emplois), Allemagne (272 projets ; 6.815 emplois), GB (173 projets ; 4.435 emplois) Belgique (126 projets ; 3.585 emplois) Italie (126 projets ; 2.611 emplois) sans compter Taïwan, la Corée du sud…

    Conclusion, quelle UE? Peut-être changera-t-elle de chef.ffe pour faire croire à un changement, tout en accentuant sa politique actuelle de plus en plus idéologiquement à droite et économiquement de plus en plus ultra-libérale, écolo-bashing ? Mauvais temps pour les peuples et la démocratie? Pas si sûr que les élites politiques aient tant de pouvoir et qu’au fond, au nom de la démocratie, elles ne soient pas obligées de céder au désirs réels des peuples qui par ses choix individuels, par son inertie ou ses luttes rappelle son existence et son pouvoir !

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