Ce week-end, le Parti communiste français votait pour trancher sur ses orientations, en préparation de son congrès national qui se tiendra en avril à Marseille. Avec plus de 80% des voix, le texte de la direction sortante a recueilli un large consensus et développe une pensée originale sur l’Europe.
Ceci est d’autant plus intéressant que le débat entre les deux orientations ne portait pas directement sur l’Europe, largement impensée par le texte alternatif, mais sur la nature même du projet communiste. Là où la direction maintient une ligne relativement identitaire sur le passé communiste, la perspective révolutionnaire et l’abolition de l’ordre capitaliste, le texte alternatif prônait une revisitation du concept de communisme autour de la notion de communs, une optique plus gradualiste de la révolution qui se réalise par morceaux dans la sécurité sociale et le droit du travail, une lutte contre les dominants plus que le capital; en somme une doctrine du mouvement social plus que de la lutte structurelle contre le capitalisme qui suit toute proportion gardée la transformation il y a quelques années de la Ligue Communiste Révolutionnaire en Nouveau Parti Anticapitaliste. Tactiquement, et c’est ce que le chœur du public aura retenu, ceci se traduit pour la direction par une méfiance envers la Nupes sous la forme d’une inféodation aux doctrines Insoumises, tandis que les opposants y voyaient plus de perspectives de convergences sous condition de démocratisation de l’alliance.
Mais revenons à l’Europe à partir donc du seul texte majoritaire, qui présente cet intérêt dans le processus de débat du Parti communiste d’être une proposition de synthèse posée comme base de la discussion en amont de celle-ci. Evidemment, comme dans toute bonne approche communiste, l’Europe entre dans sa crise finale : écartelée par les contradictions interne du capitalisme mondial, elle subit une rupture définitive avec les peuples. Ce diagnostic de bon aloi posé, on en tirera plus guère de conséquence pratique et en particulier on ne se projette pas un instant dans une sortie de l’Euro, de l’Europe (refusées sans ambiguïté) ou dans un combat de tranchée. Bien au contraire, on note au passage que « des brèches se sont ouvertes » sur l’austérité, ce qui est en réalité une meilleure prise en compte des évolutions européennes que d’autres partis à gauche. L’Europe est également un niveau d’analyse présent à travers tout le texte, comme échelle de traitement de l’ensemble des sujets soulevés.
Mais la suite est intéressante. D’abord, l’enjeu des prochaines élections européennes est la constitution de services publics financés par l’Europe, la mise en place d’une politique de protection sociale, de création d’emploi et d’écologie. L’ambition est de redessiner l’Europe sur la base de coopérations entre les peuples qui soient à la fois fiscales et sociales, de santé, agriculturale, d’investissement industriel et de la connaissance. Les fonds de solidarités seraient financés par la création monétaire. En plus de répudier les traités libéraux, cette référence à une Europe de libres coopérations permet au Parti communiste de s’extraire de la logique du consensus ou de la majorité, pour ne plus participer qu’à des politiques choisies. Ceci l’autorise à dépasser le problème rhétorique de la sortie des traités existants en conservant une perspective d’action politique désirable en Europe.
Deuxièmement, et c’est ici que ce traitement se distingue d’une approche fédéraliste, le Parti communiste ne songe ni à une République européenne, ni à une France en plus grand. Il intègre totalement la perspective des coopérations et institutions internationales, dont l’Europe est un échelon intermédiaire. La logique va donc au-delà de l’Europe, sur les mêmes thèmes, et conduit notamment à la proposition de création d’une monnaie mondiale sur la base des droits de tirage spéciaux du FMI. L’ensemble des agences des Nations-Unies, le GIEC, doivent être la base de nouvelles coopérations internationales. Ce projet de monnaie mondiale est explicité à trois reprises, et à chaque fois clairement inscrit dans un continuum de coopérations qui passe par le niveau européen.
Cette approche mondiale de l’Europe démine la question souverainiste. Le Parti communiste réaffirme que l’échelon démocratique souverain reste la France. Mais dans le même temps, il s’autorise à poursuivre des propositions politiques européennes mobilisables dans le cadre des institutions existantes. Il s’agit ici, sur un sujet passionnel, d’un compromis politique positif fécond que l’on doit noter.
Chouette ! Cependant, sans dépasser les égoïsmes nationaux je vois mal aboutir au processus d’émancipation sociale et écologique présenté dans cet article. Sans un processus fédéraliste où le Parlement européen sera au coeur, l’UE risque d’éclater sous l’influence des conflits inévitables pour l’accès aux ressource fossiles qui seront de plus en plus rares.
Je me réjouis de lire que les communistes français ne sont plus complètement opposés à une Europe politique unie d’une façon ou d’une autre.
Sans être personnellement ni communiste ni socialiste, j’espère cependant un certain renouveau de la gauche en France, et cela ne peut passer que par une vision sociale et coopérative de l’Europe.
Maintenant il est clair : L’avenir sera écologique ou il ne sera pas !
Donc il ne reste plus beaucoup de temps aux communistes pour établir leur plan d’action aussi bien social qu’ėcologique.
Cela presse beaucoup plus que des débats sur l’interprétation de l’histoire.
Alors où en sont ils?
Pourquoi les communistes et les socialistes font-ils la fine bouche quand ils se disent tout de même de la NUPES ?
Ils l’acceptent du bout des lèvres à moitié honteux, tout péteux, car ils trouvent z Mélenchon trop présent, trop surplombant ce mouvement de gauche…
B…..l, il y a un grand mouvement qui est indispensable à la gauche pour valoir quelque chose, ne comprendrez-vous donc jamais que ce qui vous rassemble et devrait vous unir est bien plus fort et important que ce qui vous sépare ou vous fait diverger !?? Mélenchon ne sera pas éternel, mais la NUPES doit se maintenir, solide et chez tous une volonté de faire fonctionner la démocratie, on discute, on se met d’accord, on délibère et les décisions sont votées, un coup, je gagne, un coup je perds, c’est la loi démocratique !!!
Position très intéressante du PCF, convergence sociale et fiscale à construire en Europe et à élargir au monde et une monnaie mondiale…
Bonjour.
I dreamed, I dreamed, I dreamed.
Bien que gardant une certaine distance vis-à-vis du PCF, auquel des membres de ma famille ont appartenu, j’ai suivi avec intérêt les évolutions de ce parti – voire, de plusieurs de ses homologues en Europe.
Et il est vrai que si l’on remonte aux origines de ce qui est aujourd’hui l’Union européenne, l’hostilité du Parti envers des initiatives emblématiques comme le Plan Marshall ou le projet de Communauté européenne de défense au début des années 50 s’est clairement manifestée en raison de l’ « inspiration » que ces initiatives puisaient auprès du « protecteur » américain en pleine « guerre froide ». A cet égard, l’alignement sur les positions soviétiques ne souffrait aucun écart.
Avec un peu de recul, on peut toutefois considérer que la rhétorique (« l’Europe des USA », « l’impérialisme étranger », « la petite Europe des trusts », etc.) qui accompagnait cette critique de la construction européenne naissante peut paraître quelque peu déconnectée de certaines réalités pourtant chères au PCF: ainsi, l’action de la CECA à cette époque se traduisait notamment par une volonté de décartellisation des secteurs du charbon et de l’acier tout en promouvant une politique sociale innovante en faveur des mineurs et des sidérurgistes. Il demeure également que la création de la CEE, voire de l’Euratom, en 1957 se heurtait à la même méfiance de la part de ce Parti.
Il faudra attendre le début des années 70 pour constater un « frémissement » dans la doctrine, symbolisé par une affirmation plusieurs fois avancée à divers niveaux – à savoir que la CEE représentait « une certaine réalité » qu’il convenait désormais de prendre en compte. La montée en puissance de cette acceptation a sans aucun doute franchi un pas décisif avec ce qui fut le « programme commun de gouvernement » adopté au cours de ces années sous l’impulsion du PS et qui conduira à la victoire de la gauche à l’élection présidentielle de 1981. On ne négligera pas non plus le fait que la promotion de l’ « eurocommunisme », fer de lance du Parti communiste italien, a pu contribuer à certains infléchissements, même si des approches différentes prévalaient de part et d’autre des Alpes.
Il est clair que, depuis lors, le PCF a joué à sa manière, mais loyalement, le jeu des institutions européennes. A cet égard, on peut se référer à deux « figures » en particulier:
– au niveau gouvernemental, l’implication de Charles Fiterman (ministre d’Etat dans les 2ème et 3ème gouvernements de Pierre Mauroy) dans les progrès de la politique européenne des transports… avec, soit dit en passant, la complicité de son homologue allemand, plutôt classé à droite
– au niveau parlementaire (et universitaire), l’apport de Philippe Herzog, qui a dirigé la section économique du PCF ainsi que la revue « Economie et politique », et qui a été tête de liste de son parti aux élections européennes de 1989. Député européen jusqu’en 2004, il a pris progressivement ses distances avec celui-ci… un cheminement qui l’a même conduit à occuper, de 2009 à 2014, une position de conseiller spécial auprès de Michel Barnier lorsque ce dernier était en charge du portefeuille du marché intérieur et des services financiers en tant que commissaire européen. Franchissement de la « ligne rouge » ou affranchissement vis-à-vis de Moscou ?