Interview de Lorenzo Consoli, correspondant de l’agence ASKA news (Italie), ancien président de l’association internationale de la presse à Bruxelles par Henri Lastenouse
Comment l’Europe s’apprête t-elle à réagir aux conséquences économiques du Covid19 ?
Deux conceptions de l’Europe, deux visions de son avenir, s’affrontent dramatiquement ces jours-ci à Bruxelles. Ces deux points de vue s’expriment désormais clairement dans le soutien ou l’opposition à la proposition d’établir des «euro-obligations Corona ». Il s’agit de la mise en place d’un instrument financier commun à tous les européens, pour que tous les Etat membres puissent financer leur surcroît de dette due à la crise sanitaire du Coronavirus, et à ses conséquences sur l’économie, en payant tous les mêmes taux d’intérêt.
Ce débat est-il mené avec un minimum de transparence ?
À Bruxelles, il y a des mots qui ne peuvent pas être prononcés, de vrais tabous qui ferment immédiatement toute discussion. C’est ce qui se passe ces jours-ci, lorsque l’on tente de poser des questions sur les « euro-obligations ». Les journalistes qui, au cours des dernières semaines, ont demandé, lors des conférences de presse télévisées depuis Bruxelles, comment se déroule la discussion entre les ministres des finances ou les chefs d’État et de gouvernement de l’UE, continuent de recevoir des réponses insaisissables, qui ne contiennent jamais le mot « euro-obligation » !
Quelles sont les termes du débat ?
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a demandé et obtenu la suspension des exigences du Pacte de stabilité qui dicte les règles en matière de déficit autorisé en Europe. Elle a exhorté les Etats à « dépenser tout ce qui est nécessaire ».
Mais à quoi sert cette invitation si, dans un, deux ou trois ans, le Pacte de stabilité est à nouveau appliqué à des Etats qui auront une dette publique beaucoup plus élevée qu’aujourd’hui ? Ces derniers devront recommencer à réduire leurs dette à marche forcée, avec de nouvelles mesures d’austérité et des taux d’intérêt bien plus élevés.
D’où la proposition des chefs d’État et de gouvernement de l’Italie, de la France, de l’Espagne, de la Belgique, du Luxembourg, du Portugal, de la Grèce, de la Slovénie et de l’Irlande, en faveur de la mise en place d’« Obligations Corona ».
Aujourd’hui que devons-nous comprendre du rapport de force au sein du Conseil européen ?
« Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour protéger nos citoyens et sortir de la crise, tout en préservant les valeurs et les modes de vie européens », ont écrit les vingt- sept dans leur déclaration commune. Mais que signifie cet engagement pour des Néerlandais, Autrichiens, Allemand et Finlandais, qui ne savent que dire « non » à toute proposition allant au-delà du statu quo actuel ? Soit la répétition de ce que nous avons déjà vu lors de la crise de la dette souveraine de la zone euro…
Peut-on vraiment répondre avec des outils ordinaires, déjà existants, à un choc si tragiquement nouveau et imprévisible que celui du Coronavirus ? Les tenant du statu quo proposent d’utiliser un fond de solidarité européen, issu de la crise de l’Euro, appelé Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Mais, activer les lignes de crédit de ce fond reviendrait pour les pays les plus en difficulté à reconnaître leur fragilité financière et à payer en conséquence des taux d’intérêt très élevés. De plus, ces prêts sont octroyés en contreparties de coupes budgétaires en pleine crise. Bref, cet instrument n’est pas adapté à la crise sans précédent qu’est la pandémie actuelle.
Sur le terrain, quelles sont les réactions face à ce statu quo ?
Que répondre face à des rangées de camions militaires qui transportent des centaines de cercueils dans les crématoires en Lombardie et aux médecins et infirmières dans les hôpitaux en Espagne, forcés de décider qui tenter de sauver et qui laisser mourir, faute de places en soins intensifs ?
L’appel lancé par le président de la République italien, Sergio Mattarella est sans ambiguïté : « De nouvelles initiatives conjointes sont indispensables, surmontant les vieux schémas qui sont désormais hors de la réalité des conditions dramatiques dans lesquelles se trouve notre continent. J’espère que tout le monde comprend parfaitement avant qu’il ne soit trop tard ».
Le premier italien, Giuseppe Conte, a pour sa part déclaré ce mercredi soir qu’il pourrait accepter le recours au crédit du « Mécanisme européen de stabilité » seulement si celui-ci était « transfiguré » sans aucun condition d’austérité, ce qui n’est pas de nature à rassurer les tenants de l’austérité en Europe…
Selon vous quelle pourrait être une sortie de crise ?
In fine, l’objectif peut se traduire de la manière suivante : « Tous égaux face au virus et donc tous égaux face au coût de la dette générée par le virus ».
Manifestement la France est à la manœuvre et va dérouler quelques propositions incessamment… Il est raisonnable de penser que si l’on accepte d’écarter les termes tabous « euro-obligation » et de « mutualisation de la dette », des pistes sont alors envisageables. Par exemple, le ministre Bruno Lemaire a proposé un fond européen avec un système d’émission de dette en commun, mais ayant une durée limitée dans le temps (10 ans…) et avec un champs d’application strictement lié aux mesures de réponse par les Etats à la crise et de relance économique post Coronavirus.
Après se pose la question de savoir qui émet la dite dette, car, créer un nouvel organisme émetteur pourrait s’avérer trop long. Par conséquent l’on en vient à imaginer un fond s’appuyant, soit sur la Commission européenne (Fond annexe et autonome par rapport au budget européen), soit sur le « Mécanisme Européen de stabilité ». Les obligations ainsi émises pourraient ultérieurement être rachetées par la Banque Centrale Européenne sur le marché secondaire, au même titre qu’une dette nationale. En plus, Les marchés financiers se verraient ponctuellement offrir un nouvel «Safe Asset» européen, plus important en volume que les trop rares bunds allemands …
Ce qui pose quand même problème avec l’Italie, c’est sa plus ou moins perpétuelle instabilité politique (même si aujourd’hui cette tendance, tend à se généraliser dans bcp de démocratie, pas qu’européenne; l’Allemagne n’en étant plus exclue, par ex, et peut être même la France dans un proche futur) avec un personnel politique de « choix » un Berlusconi (condamné pour fraude fiscale) ; et sa dernière coalition Salvini – Di Maio. (abaissement du départ à la retraite et revenu universel au menu des festivités électorales). Forcément ça marque les esprits.
Alors invoquer- à juste titre -, la solidarité, à plus forte raison dans des circonstances exceptionnelles, ce qui est, d’ailleurs prévu dans le Traité de Lisbonne (ce serait même une obligation) mais ça ne peut que finir par coincer, à un moment donné, quand, après tant de » légèreté « , par des choix politiques démagogiques (clairement pas financés), tout en faisant, sciemment, soustraction d’une certaine « éthique » (très vilain mot en politique) de la responsabilité. L’une (solidarité) ne pouvant se dédouaner de l’autre (responsabilité).
Mais, il est vrai qu’à partir du moment où c’est politique; on peut dire tout, et son contraire. Avec aplomb. C’est même la règle, aujourd’hui.
Eh bien, il faut aussi, en assumer les conséquences. A défaut d’en avoir mesuré les risques, tant il est, il était encore, temps.
C’est vrai qu’en ce moment, la stabilité c’est l’essentiel… Ah ! Mourir et/ou souffrir pour le respect des traités européens, et punir les méchants qui n’ont pas assez fort massacré la vie de leurs peuples (Italiens, Grecs, etc.) ! Finalement, pour une fois, l’article était presque coloré d’humanité. Quant au commentaire…
Encore, après la crise de 2008, le Brexit,, une possibilité de véritable solidarité des peuples européens, de réformes, l’UE continuera-t-elle à faire la sourde oreille? Un prêt européen ouvert à tous et non pas seulement aux investisseurs habituels qui en profitent pour dicter encore plus leur politique de privatisation, prendre en otage l’UE, à quand dans les médias une annonce solennelle d’une position commune face au corona?
Quand arrêterons nous les égoïsmes nationaux, à ne pas confondre avec la déclaration de Macron aux journalistes, qui a parlé d’égoïsme de l’Europe. Avec de tels propos, il ne faut pas s’étonner que les nationalismes remontent en flèche.
Article inaudible pour beaucoup de gens, dont moi. Vous ne pensez pas que l’urgence commanderait un réel effort de vulgarisation de votre part ?
Paresse intellectuelle ? Et puis c’est quoi Safe Asset ? Marre de ces anglicismes (?) prétentieux à la con.