Les élections législatives de ce début d’été 2024 ont permis à la gauche de progresser à l’Assemblée nationale. Ce sont quelque 40 sièges de plus par rapport au précédent scrutin de 2022 qui ont été gagnés. Ces gains ne font cependant pas de la gauche la force politique victorieuse d’élections législatives avant tout marquées par les 11 millions de voix recueillies par le Rassemblement national, puis par le sursaut au second tour d’un front républicain qui a permis de mettre en échec l’extrême-droite. Au sein de ce front républicain, improvisé en quelques heures le lendemain du premier tour, la gauche a joué un rôle déterminant de mobilisation, qu’il faut reconnaître et saluer.
La vérité oblige à regarder à froid les résultats des élections législatives. La gauche n’a pas gagné. Il y a bien sûr l’arithmétique des sièges. Avec 182 sièges, il lui en manque plus de 100 pour atteindre la majorité absolue. Mais c’est surtout la carte électorale qu’il faut observer et celle-ci est tristement révélatrice. La gauche a été éliminée par le Rassemblement national des terres populaires du nord et du nord-est de la France comme de l’espace rural. Elle ne l’emporte que dans les banlieues et les grandes villes. Elle conquiert une part de la jeunesse et des Français d’origine étrangère, mais elle perd les catégories populaires et les classes moyennes.
Entendre les craintes et les colères
Cette base électorale est trop étroite. La gauche ne peut gagner sans l’adhésion des milieux populaires. Leur reconquête est la clé. Cela commence par un travail sans concession sur ce que la société française est devenue, loin de tout confort de pensée et de certitudes idéologiques. Il faut entendre les craintes et les colères sur l’insécurité, l’immigration, l’identité, l’autorité. A fuir ces sujets depuis des années, la gauche s’est coupée des réalités de millions de compatriotes et a laissé le champ libre à l’extrême-droite. La gauche ne retrouvera les milieux populaires que si elle a le courage d’affronter le vécu des Français sans y coller une grille de lecture datée et prévisible.
La belle ambition de la gauche est de changer la vie. Elle va de pair avec le devoir de responsabilité. Un programme de gauche ne peut consister en l’empilement de mesures au coût astronomique qu’une fiscalité accrue ne parviendrait même pas à financer. C’est une fuite en avant, un déni de vérité, alors même que les finances publiques sont lourdement déficitaires et que l’endettement de la France est une menace pour sa souveraineté. La gauche ne peut s’affranchir de décisions difficiles et donc d’arbitrages sur l’efficacité des politiques publiques, les choix à opérer et la réduction des déficits, en parallèle de la mise en place d’une fiscalité plus juste et productive.
Mener le combat d’une juste contribution
Il faut faire davantage contribuer les plus riches et les entreprises qui se sont enrichies durant la pandémie, puis la crise de l’énergie. Les inégalités de patrimoine en France sont choquantes et la gauche doit mener le combat d’une juste contribution. Ce combat ne sera gagné, politiquement et économiquement, que si la puissance publique fait montre par la preuve de sa détermination à maîtriser la dépense et réduire l’endettement du pays, que si elle sait expliquer, justifier et créer la confiance. La gauche ne peut se confondre avec l’imposition, avec taxer plus et dépenser plus. Le réalisme doit être de gauche, pour préserver un modèle social qui protège les plus humbles.
Les priorités de l’action de la gauche doivent être ciblées. Il y a l’éducation et la formation, pour la productivité et le pouvoir d’achat. Il y a le logement. Il y a la santé. Il y a la sécurité des personnes et des biens, la laïcité, la maîtrise de l’immigration. Et il y a une transition énergétique et écologique juste. Il faut agir à la racine des inégalités, là où elles se trouvent, par la géographie et les générations. Traiter la France invariablement, loin de la carte des souffrances, est une erreur majeure. La gauche doit retrouver son histoire et sa passion pour la décentralisation des politiques et des moyens pour que l’action publique soit la plus efficace, la plus juste et la plus pertinente.
Réinvestir le terreau militant
Ce travail prendra du temps. Il sera programmatique. Il devra être militant aussi. Dans les milieux populaires, dans l’espace rural, le monde associatif, syndical et politique est en recul, là où le Rassemblement national a pris pied. Ce travail d’implantation de l’extrême-droite paie. Les scores du Rassemblement national au premier tour des élections législatives lui permettent d’entrevoir la conquête de nombreuses communes aux élections municipales de mars 2026. Ce serait pour l’extrême-droite le marchepied idéal avant l’élection présidentielle de 2027. Réinvestir le terreau militant dans tout le pays est urgent pour renouer le lien de la gauche et des milieux populaires.
La social-démocratie n’est pas l’unique famille au sein de la gauche, mais elle en est le cœur. Cela fait longtemps qu’elle est en déshérence, émiettée en de multiples initiatives, clubs, collectifs et partis, tous louables, pleins de projets et peu audibles. La faiblesse de la social-démocratie est son absence d’unité. Face au bruit et à la fureur, il y a place pour une gauche réaliste, décentralisatrice, européenne, renouvelée par les idées et les méthodes, une gauche du compromis, une social-démocratie au service de la France. Il est temps de donner le signal du rassemblement et du travail à mener ensemble. En 2026 et en 2027, cette gauche-là, la nôtre, devra être au rendez-vous des Français.
Un bel article que je partage mais qui n’a pas grand chose à voir avec l’objet de « sauvons l’Europe »
De bien belles idées, mais rien sur leur mise en œuvre concrète.
Il me semble urgent de proposer aux citoyens engagés mais lassés par les querelles intestines des comités interpartis et intersyndicaux pour agir sur le terrain. Au niveau d’un quartier, d’une petite commune, etc… s’engager pour faire émerger un projet d’amélioration de la vie ensemble, du genre ici dans notre quartier on a un problème de sécurité de circulation, ou de délinquance ….
Puis décider ensemble des moyens et modalités pour le faire avancer AVEC le plus de monde possible, ….
Les querelles stériles et d’un autre temps, comme vous le dites très bien, doivent faire place à l’engagement commun et sur du concret.
Vous voulez gérer à un niveau de copropriétaire, mais la pratique prouve la faiblesse de ce type de comportements. C est la porte ouverte à tout type de mafia ou de communautarisme.
Croire que l investissement individuel sera pertinent est une erreur.
L intérêt général est au delà de la commune, de la région ou même de l état « souverain ». C est la que se trouve l intérêt du fédéralisme. Pas la démocratie directe/référendum, outil des dictatures.
Afin de calmer les frustrations nationalistes de LFI ou du RN( même combat), il est temps de passer à un représentation proportionnelle globalement européenne, qui gommera
les méprisables nationalismes locaux.
Noyer le poison ….
Cette idée est à creuser, il faut en effet créer les conditions d’un retour à la confiance de ceux, militants bien sûr qui ne se reconnaissent plus dans une gauche qui semble les avoir oubliés, militants et sympathisants ;mais aussi ceux qui subissent les conséquences d’évolutions de l’environnement économique et politique,
lui même bousculé par ces évolutions.
Situation difficile, complexe mais qui appelle l’obligation de l’ensemble des forces de la societe et et de ses membres d’accepter les réalités des évolutions en cours.
Et donc de bâtir un projet d’adaptation aux réalités d’un monde en évolution rapide.
Excellent article que je partage complétement.
Au-delà de ce qui est dit sur le programme, la seule solution pour sortir des blocages politiques français serait une nouvelle étape dans la décentralisation. Car, si on veut retrouver la confiance des milieux populaires, il faut aussi que ceux-ci sortent de l’illusion d’une France seule au monde et s’en remettant à un dirigeant tout puissant. A l’avenir le pouvoir sera en Europe et au niveau local, ce qui suppose de rechercher des solutions collectives, européennes ou locales. Pour cela, il faut une fiscalité entièrement propre aux collectivités locales et probablement réduire le nombre de niveaux d’administration locale, de 4 à 2: dépertement ou région, commune ou communauté de commune.
Voilà un texte qui semble sans concession et donne des perspectives. Cependant, quand vous mettez en premier lieu la nécessité incontournable de la réduction du déficit budgétaire, vous nous embarquez tout de suite dans la même erreur que précédemment. Car, quand on lit l’ensemble des mesures qui vous semblent indispensables ( et elles le sont!) , elles ne permettront pas de réduire ce déficit, du moins dans l’immédiat. Car c’est bien la reprise économique, et le plein emploi qui en découlent, qui pourra offrir des perspectives de réduction de la dette.
D’autre part, l’imposition de tous les revenus, y c les revenus étrangers sera le moyen, enfin, de faire contribuer des entreprises comme TOTAL à leur juste taux.
Bonjour Monsieur BOHY.
Je rajouterai que réformer n’est pas forcément synonyme de dépenses supplémentaires, repenser, réorganiser doit permettre de progresser dans beaucoup de secteurs, en le faisant avec et non contre les intéressés.
Faire des commissions ou on attend toujours les résultats, balancer des milliards d’Euros qui n’ont rien changé à part creuser notre déficit, voilà les réponses de nos gouvernants, absurde.
Il faut communiquer sur l’état réel de notre pays et sur sa dette, faire des dépenses en ayant pas en face les ressources nécessaires sera immédiatement sanctionné par les marchés financiers, a t’on fait comprendre au citoyen lambda que l’intérêt de la dette (argent jeté par la fenêtre) était entrain de devenir le premier poste de dépense au détriment d’autres qui sont vitaux ?
Si récalcitrants aux réformes, la voie référendaire doit trancher en ayant avant rétabli la justice fiscale, élément essentiel pour demander des efforts à chacun d’entre nous.
Il faut comprendre les Français et c’est simple, ils veulent travailler moins et gagner plus. Affirmer que la croissance passe par l’initiative, la prise de responsabilité par des premiers de cordée qui tirent des autres, c’est de la provocation. Macron n’a pas saisi le mirage qui consiste à unir l’individualisme et le collectivisme et il a été sansctionné
Excellente analyse, merci Pierre Yves