Parce que la chimie amusante de la sociologie électorale va se nicher désormais partout. J’ai tenté de recenser les prénoms présents sur les huit listes candidates aux élections municipales de Rennes, en leur ajoutant ceux des candidats de Cesson-Sévigné, car il fallait bien équilibrer les tendances et demeurer sur un secteur géographique identique.
Méthode et rigueur sont, chacun le sait, les deux mamelles de la lucidité électorale. Au final, cela constitue un inventaire de 526 hommes et femmes portant 273 prénoms différents dont l’affectation, à droite, à gauche ou au centre, mérite d’être questionnée. Car il semble se dessiner une science des prénoms conservatrice et une autre progressiste. Certes, Charles-Edouard ne se tient plus forcément au salon et Georgette à l’atelier, mais tout de même…
Au sein des listes retenues, où ne figure plus aucun Edmond, quelques prénoms hésitent entre le château et la chaumière. Ainsi à Rennes ou à Cesson, vos amis André, Benoît, Daniel, Michel, Yves seront aussi bien de droite que de gauche. Attention cependant en face de votre amie Michelle, qui a toutes les chances de préférer la droite. Pas comme Marie ou Sylvie qui s’en fichent…
Entourez-vous d’Alain et votre tablée ressemblera à une réunion de la gauche plurielle. En revanche le repas sera plus animé avec les Antoine qui, allez savoir pourquoi, n’aiment visiblement pas les partis modérés. Si vous avez des Bernard autour de vous, attendez-vous à les entendre se réjouir de la politique du gouvernement de M. Fillon. Et puis, en bon Breton, vous connaîtrez sûrement une Anne ! Et bien votre chère Anne, c’est sûr, ne pointe pas à l’UMP. Anne, ou Anne-quelquechose, dont l’affectation est rigoureuse : Anne-Marie et Anne-Soizig sont de gauche, mais Anne-Sophie et Anne-Véronique sont de droite, où elles côtoient les Béatrice et les Chantal, mais peu de Catherine ou de Christine plus rouges que bleues. Les Christophe roulent plutôt à droite, et ils ne doivent pas apprécier tant que ça les Claire qui balisent les sentiers de l’extrême gauche. Une Claire peut y croiser un Didier, un peu plus modéré.
Qui l’eût cru, néanmoins ? La liste LCR et celle de Lutte ouvrière se partagent les deux Edouard de l’aventure municipale cessano-rennaise. Ces Edouard qui font les yeux doux aux Evelyne, du même bord, ou après tout, aux François car, décidément, les temps changent… Des François qui, en tout cas, ne trouveront pas leur Françoise au PS, pas plus d’ailleurs que de Philippe. Les formations de la radicalité concentrent également les Gaëll(le).
Mais que reste-il à la droite ? Les listes conservatrices rassemblent davantage de Gérard, d’Hervé, d’Isabelle et de Thierry. Le cas du prénom Jean et de ses déclinaisons laisse particulièrement interdit. On rencontre bien un Jean divers-droite mais tous les autres Jean-Claude, Jean-François, Jean-Louis, Jean-Luc… sont à gauche. Autres prénoms plus typiquement de gauche : Josette, Liliane, Marc, Martine, Pascale, Serge, Stéphane, Valérie et Vincent. Marie serait plutôt du côté de l’ordre que de celui du mouvement mais accolez un autre prénom à Marie et voilà la brave fille qui file à gauche. Enfin pas toutes quand même… Non, si vous voulez une fille équilibrée, appelez-là Nicole ou Florence mais surtout pas Yvette. Et si c’est un garçon, le prénommer Jacques ne fera pas de lui un socialiste.
Mais vous aurez véritablement la paix en revenant aux racines des traditions. Demandez à l’agent de l’état-civil d’inscrire Marie-Caroline, Marie-Céline ou Marie-Dorothée, ou pourquoi pas Anne-Véronique, ou encore le si chic Dragan sur le livret de famille et à la maison il ne sera bientôt plus question que de François Bayrou. Ce doit être cela la République des Jules !
Yohann Abiven