Avant le prochain Conseil européen, à l’heure du débat sur la réponse adéquate de l’UE face aux aides massives des USA à leur industrie, Henri Lastenouse s’est entretenu avec Nicolas Ravailhe, avocat, enseignant à l’école de guerre économique, sur la réalité des aides d’Etat au sein du Marché Unique européen.
Faut-il paraphraser Molière : « Cacher moi ces aides d’Etat que je ne saurais voir » …
C’est sans doute un rien provocateur, mais force est de constater que l’Union européenne, dont on a souvent dit qu’elle s’était érigée en dévot de la politique de concurrence, s’en émancipe de plus en plus, de par la guerre économique à laquelle se livrent ses États membres, à coups de milliards d’euros octroyés à leurs champions économiques.
Le terme de tartufferie peut aussi faire référence au fait que les Etats considérés habituellement comme « dévot de la gestion orthodoxe » en Europe, pratiquent allègrement les aides d’Etat.
Pour rappel, le parlement allemand a récemment entériné une aide d’État de 200 milliards d’euros destinée à amortir le choc de l’augmentation des prix de l’énergie en Allemagne.
Autre exemple, l’agriculture des « très libéraux » Pays Bas bénéficie d’aides publiques au même niveau, en valeur absolue, que l’agriculture française, alors que les superficies d’exploitations agricoles sont loin d’être comparables. On comprend mieux pourquoi nous mangeons des tomates néerlandaises dans toute l’Europe…
À l’opposé, il est paradoxal de constater que la France, si souvent accusée d’être une économie étatisée, colbertiste… est en réalité un « moyen/petit joueur » sur le terrain des aides d’Etat !
Cette situation est principalement due à la conjoncture actuelle… liée aux récentes crises sanitaires et géostratégiques ?
Pas vraiment, car si nous remontons avant la crise COVID, l’on observe des tendances lourdes.
Force est de constater — en pourcentage du PIB, donc en données comparables — que l’Allemagne alloue beaucoup plus d’aides que la France. Étant donné que le PIB allemand est supérieur au PIB français, l’écart se creuse encore davantage en valeur absolue des montants versés.
On notera également que les aides allemandes ciblent des secteurs clefs et très stratégiques. Ainsi, dans le domaine des énergies en 2019, l’Allemagne a octroyé des aides presque cinq fois supérieures à celles allouées par la France en pourcentage du PIB.
A l’opposé, à Bercy, il semblerait que limiter les aides d’État constitue un « satisfecit » de bonne gestion et une « fierté » à juguler des demandes excessives venant du tissu industriel, en jouant le rôle de « rempart protecteur » des finances publiques.
Quel sens donner à votre propos dans le cadre du débat français : nos dévots de Bercy gagneraient ils eux aussi à plus de « faiblesses coupables » ?
Au moment où notre pays continue de s’entre-tuer sur son budget, les dépenses sociales, les retraites… il est parfois utile de regarder nos « partenaires/concurrents » européens.
En comparant avec l’Allemagne, on comprend que l’Hexagone n’est pas un pays qui dépense trop pour aider ses acteurs économiques, mais un pays qui dépense mal et pas suffisamment.
Prenons l’exemple de la crise Covid, où la réglementation sur les aides d’État a été régulièrement aménagée afin d’éviter l’effondrement des économies européennes. Les États les plus stratèges en Europe, à l’instar de l’Allemagne — que l’on ne peut pas blâmer en l’espèce — en ont profité pour aider leurs acteurs économiques. Les aides les plus efficaces ont été octroyées en fonds propres aux entreprises afin de les protéger des prédations et permettent de croquer des concurrents fragilisés. L’option retenue en France, le « quoi qu’il en coûte » (prêt remboursable) s’est avérée moins stratégique.
Que pouvons nous apprendre de nos voisins européens en matière d’aides d’Etat ?
La France doit être beaucoup plus offensive afin de mieux saisir les milliards d’euros de subventions européennes disponibles dans toute l’Europe, en particulier dans le Sud et l’Est du continent, pour servir les relais de croissances de ses propres acteurs économiques.
Contrairement aux poncifs habituels, les aides distribuées chez nos partenaires européens n’ont pas vocation à supprimer des emplois en France. A nouveau, l’Allemagne a ultra investi à l’Est de l’Europe, sans perte d’emplois dans ses territoires mais au détriment du tissu industriel français.
L’un des principaux facteurs de la désindustrialisation de la France vient qu’elle n’a pas intégrée les règles du marché intérieur « compétitif ». Tant que les règles européennes ne changent pas, le rôle de l’exécutif français est justement d’aider son tissu industriel à mieux jouer la partie, dans la logique propre du Marché Unique, à s’adapter et être pro-actif !
C’est aussi un enjeu pour conserver un équilibre des rapports de force entre les Etats membres, lequel est nécessaire à la viabilité du projet européen.
Enfin, pour sortir du seul Marché Unique européen, faut-il considérer aujourd’hui, qu’une guerre économique est relancée avec « l’inflation act » américain ?
Certes, il faut en Europe s’alarmer des montants alloués aux USA dans le cadre de « l’inflation act ». Il faudra donc adapter les cadres européens des aides d’Etat en conséquence et/ou relancer des programmes d’investissements européens. Il en existe déjà et très bien dotés, et souvent sous et mal utilisés.
Mais l’Europe a toujours été bien plus stratège que l’on ne dit avec les USA. Ce n’est malheureusement pas le cas de la France, mais l’UE dans son ensemble connait des excédents commerciaux records depuis des années aux Etats-Unis. Ce statut de « leader commercial » est la raison pour laquelle les dirigeants européens ne veulent majoritairement pas durcir les relations avec les USA.
Certes les Pays Bas cultivent sous serre et toute l’année des tomates et en inondent le marché européen. Mais il appartient à la conscience et à la liberté de chacun d’en consommer ou pas et ainsi de favoriser cette culture et ces subventions ou pas…D’où la nécessité soit de cultiver des tomates, soit de parfaire sa propre culture. Pour ma part, je n’en consomme aucune et par ailleurs, je trouve que l’Etat français aide déjà suffisamment ses entreprises depuis 2017, sans leur demander contre parties et au détriment de ses services publics et donc de la collectivité. Merci à SLE, j’ai bien ri en lisant « …Nicolas Ravailhe, avocat, enseignant à l’école de guerre économique,…» (sic) !
Je ne savais pas encore que c’était une matière officielle à étudier. Cette école a-t-elle été créée par un ex soixante-huitard clamant à la fin des années 60 « Faites l’amour pas la guerre ? »
Quoiqu’il en soit la propension à tout présenter d’un point de vue des enjeux économico-guerro-financiers est gênante et manque de profondeur. Nous manquons tous de recul et d’analyses plus systémiques.
Bonjour.
Comme je l’ai déjà écrit, balayons d’abord devant notre porte.
Nous sommes impuissants car nous sommes divisés, l’Europe est un semblant d’unité, nous règlementons d’un côté pour laisser rentrer des produits qui n’obéissent pas à cette règlementation, trouver l’erreur ?
Nous établissons des règles pour certains et laissons les autres les bafouer allègrement en les contournant, oui nous sommes en pleine « TARTOUFIADE », toujours les mêmes qui engrangent d’énormes profits pendant que d’autres tombent dans la précarité à cause d’eux, derniers d’une multitudes d’exemples, la spéculation sur les matières premières dont le blé, en plus de l’effet de la guerre en UKRAINE, les cours sont montés artificiellement à cause de la spéculation des milieux financiers entre autres sur cette matière première essentielle à la vie de nombreux humains, un vrai scandale.
Que fait l’Europe, rien, on réfléchit, on va peut ‘être faire ???
Idem en France sur les supers profits des entreprises, quand vont ‘elles être taxés ?
Par contre, réformer le régime des retraites est une obsessions pour nos gouvernants, je dirai peut-être mais prenez d’abord l’argent de l’indécence, après on pourra discuter.
Oui, tout est fait pour nous appauvrir, pour désindustrialiser la France, ils promettent des relocalisations, ils sont incapable d’agir, je pense plutôt qu’ils ne veulent pas agir sur elles, cherchez les milliards octroyés pour rien à des sociétés sans scrupules.
L’absence d’une véritable gouvernance européenne est la cause de la majorité des déboires que nous rencontrons, quand allons nous le comprendre ?
Ce n’est pas les discours d’une URSULA VON DER LEYEN ou d’un Charles MICHEL qui vont nous faire progresser, ils regardent d’abord eux même et leurs portefeuilles ?
L’absence d’une véritable gouvernance politique française est la cause de la majorité des déboires que nous, les français, rencontrons, quand allons-nous le comprendre !