Escroquerie à la démocratie : le souverainisme du Brexit

La pierre angulaire du souverainisme était censée être la réconciliation avec une démocratie authentique.

Après des années de débats, l’expérience du Brexit et la parution de Front Populaire qui rassemble la fine fleur des intellectuels de ce courant, nous pouvons dire avec confiance qu’il n’en est rien, et qu’il n’en a jamais rien été. La démocratie est une simple référence présentable accrochée au mur, mais dont on aura pas l’emploi.

En réalité, l’Europe est répudiée pour les contraintes qu’elle impose aux gouvernement. Mais elle n’est pas la seule. Les souverainistes vouent également aux gémonies les juges, les droits de l’homme, les parlementaires. En somme tout ce qui peut encadrer l’action de l’exécutif. Pour mieux exercer la volonté du Peuple ? Mais comment s’en assurer sur une myriade de sujets alors qu’on a ôté tout rail de sécurité ? Il serait possible d’imaginer un recours exacerbé à tous les instruments de consultation du Peuple. Mais ce n’est pas la voie prise par les dirigeants proposés en exemple par les souverainistes. Tout simplement, les leaders souverainistes savent parce qu’ils sont avec le Peuple, parce qu’ils sont dans le réel et pas dans les élites parisiennes. Et à la fin tout se résume à cela: donnez moi l’intégralité du pouvoir sans partage, ce que je ferai est conforme à la volonté du Peuple parce que ma communion avec lui le garantit.

On peut penser que la charge est violente et qu’elle manque de mesure. Vérifions-le avec le Brexit, et voyons sur pièces.

L’un des objectifs affichés du Brexit était de retrouver la maîtrise des normes et du commerce, pour obtenir des accords plus favorables et plus adaptés à l’économie anglaise qu’au sein de l’UE. La discussion a surtout porté techniquement sur le réalisme de cette ambition: comment un pays isolé peut-il obtenir des traités plus avantageux que la superpuissance mondiale en matière de commerce ? Cela semble effectivement difficile et les premier résultats ne sont pas vraiment réconfortants. Mais posons la question autrement: en quoi ce qui se passe est-il démocratique ?

Sur le principe, on voit tout de suite comment la démocratie pourrait gagner à cette autonomie retrouvée: des normes hier négociées en commun à Bruxelles vont pouvoir être décidées nationalement, et correspondre exactement au goût du public britannique, comme pouvoir appeler chocolat des choses qui n’en contiennent quasiment pas.

Dans les faits… Les Brexiters s’étaient engagés à ce que les nouveaux traités de commerce soient aussi protecteurs du niveau de normes sanitaire, environnemental et social attendu par les citoyens du pays. Fort logiquement, une partie des députés a tenté de définir un mandat de négociation pour le Gouvernement qui soit impératif sur ce point. Le Gouvernement a refusé, indiquant qu’il ne peut se lier les mains dans les négociations. Qu’est-ce que ça signifie ? Les députés ont alors tenté d’obtenir des engagements moraux clairs des ministres sur l’absence de poulet au chlore ou de boeuf aux hormones. Les ministres ont officiellement répondu ne pas être en mesure de le garantir. On parle aussi de la privatisation des hôpitaux publics.

Comment est-ce possible si l’objet de tout le Brexit est précisément de garantir la souveraineté alimentaire britannique, et que donc les citoyens seront assurés de pouvoir choisir ce qui arrive dans leurs assiettes ?

Allons plus loin. Le Royaume-Uni n’est plus un Etat centralisé, mais est désormais assez proche d’une fédération, les nations Ecossaise, Irlandaise et Galloise disposant chacune de son Parlement. Et ces Parlements sont notamment compétents pour tout ce qui concerne les normes de consommation. Ils arrivent à maintenir une sorte de marché commun britannique par un mécanisme de concertation unanime. En plus des normes européennes !

Les souverainistes nous expliquent depuis des années que leur unité de compte est la nation, et qu’il ne peut exister de démocratie européenne parce qu’il n’y a pas de Peuple européen. A cette aune pourtant, il existe clairement quatre nations et quatre peuples au sein du Royaume-Uni. Nos souverainistes devraient donc vouloir assurer au maximum la souveraineté de chacun de ces Peuples sur ce qu’ils mangent, à travers leurs Parlements respectifs. Eh bien non, dans le cadre du Brexit cet équilibre est remis en cause par le Gouvernement pour faciliter la conclusion de traités de commerce sans que ces Parlements n’aient en réalité plus leur mot à dire sur les normes alimentaires. Dans une lettre assez extraordinaire, le Ministre des affaires étrangères d’Ecosse vient de menacer le Chancelier d’une crise constitutionnelle majeure s’il persistait dans son projet.

Alors, dans cette démocratie renouvelée par le Brexit, les citoyens ont-ils été interrogés de près ou de loin sur la privatisation de leurs hôpitaux, l’arrivée du poulet au chlore, du boeuf aux hormones, et la mise en orbite de leur Parlement national ? Il ne semble pas.

Arthur Colin
Arthur Colin
Président de Sauvons l'Europe

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10 Commentaires

  1. Les souverainistes parlent du peuple en permanence. Je ne me reconnais pas dans leur discours. J’aimerais en trouver un qui me dise si je fais ou non partie du peuple. Je suis agriculteur bio depuis plus de 20 ans, de gauche depuis encore plus longtemps, suis je un « oligarque » ou pire un « bobo »?

  2. Qui sont les souverainistes? D’ou viennent-ils? Qui les financent? Suivent-ils seulement les regles qu’ils imposent aux autres? Je suis francaise residente en Angleterre depuis plus de 20 et je constate tous les jours l’aveuglement national actuel. C’est effrayant.

  3. Je suis souverainiste !

    Oui, je suis souverainiste. La souverainete (du peuple) ne se limite pas a la seule conception étroite de la souveraineté nationale.
    La souveraineté pour des petites et moyennes nations qui composent l’ Europe n’est souvent qu’une souveraineté fictive. En réalité il ne s’agit que de la souveraineté des dirigeants nationaux.

    Un exemple : que signifie la souverainete de la Hongrie de Mr Orban? Une economie qui depend pour les 3/4 des exportations (essentiellement vers l’Union Européenne), une économie en état de totale dépendance énergétique vis a vis de la Russie (et pas seulement pout le gaz, également dans le nucléaire).
    La politique extérieure hongroise est ballotée entre les influences Chinoises, Turques et Russes : trois pays cités comme modèles par Mr Orban lors de son « discours fondateur » en 2014 sur la « démocratie illibérale »
    Ce n’est pas parce que Mr Orban et son administration, sa justice, sa presse tombée sous la coupe de son parti Fidesz se proclament « souverains » que le peuple Hongrois est souverain.

    Comment expliquer d’ailleurs que les « souverainistes » nationaux au pouvoir coïncide avec restriction des libertés et l’effacement de l’etat de droit?

    Il s’agit d’une souveraineté purement fictive.

    Face la la Chine, aux US, a la Russie et au pouvoir de nuisance de la Turquie, faisons en sorte que l’Union Européenne soit en mesure d’assurer notre souveraineté réelle.

    • Enfin la seul souveraineté fictive est celle de l’UE qui n’y a pas si longtemps craché sur ceux mots. Enfin votre haine anti-national ne vous permet pas d’avoir une vision objective de la chose.

      Je parie que rien que de voir le drapeau français ou entendre la marseillaise vous révulse.

    • Sinon pour info:

      Le souverainisme est une doctrine politique soutenant la préservation de la souveraineté nationale d’un pays par rapport à des instances supranationales.

      Et donc la souveraineté européens ne veut rien dire

  4.  » Ce que je ferai est conforme à la volonté du Peuple parce que ma communion avec lui le garantit ». Hitler disait-il autre chose ?

    • Oh le point godwin. Bon pour pas que vous vous sentier seul je veux en faire un aussi, Hitler voulez aussi un projet européen.

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