Dans le cadre de l’élection présidentielle, nous interrogeons Eva Joly, candidate d’Europe-Ecologie-Les Verts, qui a bien voulu répondre à nos questions. Se définissant comme la seule candidate fédéraliste, elle dénonce le risque de retour du fascisme lié aux politiques européennes actuelles, et avertit que l’Europe démocratique a disparu derrière les intérêts économiques. La sortie de cette crise politique et institutionnelle ne peut selon elle se faire que dans le cadre d’un nouveau projet européen porté par un arc europrogressiste.
Vous avez affirmé que la réponse à la crise doit être européenne. Pour autant, est-il facile de parler d’Europe pendant cette campagne, nationale, pour l’élection présidentielle ? Cela interesse-t-il les citoyens et les médias ?
Oui je pense qu’au delà de la crise économique et écologique, nous traversons une crise institutionnelle et politique majeure. Il n’est en effet pas évident d’en parler dans cette campagne nationale, mais c’est ma mission. C’est la mission des partis profondément européens comme EELV. Le Parti Socialiste reste marqué par la division liée au Traite Constitutionnel de 2005 et cherche donc à éviter le sujet. La droite semble considérer que l’Europe progresse dans le bon sens, avec cette crise qui lui permet d’imposer l’austérité et de défaire le modèle social Européen. Nous sommes donc investis d’une mission importante et je tente de faire vivre ce débat avec les grands Européens de notre parti comme Daniel Cohn-Bendit.
Aussi, j’ai proposé la négociation d’un nouveau traité ambitieux qui ne se limite pas a la résolution de la crise ni aux questions économiques. J’ai décidé de l’appeler le Traité d’Athènes pour rappeler que la crise Grecque exige une nouvelle Europe. L’Europe que nous avions avant la crise Grecque et l’Europe dont nous accouchons aujourd’hui dans la douleur ne sont ni l’une ni l’autre des projets auxquels les peuples européens peuvent adhérer. Nous avons besoin d’un nouveau projet européen.
Beaucoup de citoyens pensent, parfois à raison, que l’Europe est un sujet lointain, compliqué. En quoi l’Europe peut-elle aujourd’hui apporter des solutions concrètes à la crise ?
L’Europe est devenue un sujet lointain et compliqué. L’Europe a aussi beaucoup déçu, elle a failli à ses missions premières et à ce qui la rendait populaire. Il faut reconstruire une Europe qui rassemble et qui ne soit pas le pré-carré des élites nationales ou des lobbies.
L’Europe peut apporter des réponses concrètes à la crise, sur des sujets techniques en mettant en commun plus de ressources pour pouvoir mettre en œuvre une réelle politique économique. Mais c’est sur le fond, en mettant en commun de nouvelles prérogatives comme la politique énergétique, la défense, les affaires extérieures que nous avancerons réellement et que nous donnerons du sens au projet européen. J’ai proposé à cet effet un pacte écologique et social qui se décline au niveau Européen. En effet, certaines politiques comme la politique énergétique ou les normes sociales et environnementales ne peuvent plus faire l’objet d’une simple négociation nationale. Elles sont devenues des enjeux mondiaux sur lesquels seule l’Europe peut peser.
Enfin, il faut s’attacher partout à faire vivre une Europe démocratique qui a complètement disparu derrière les intérêts économiques liés au Marché unique.
Et pourtant, la droite, largement majoritaire en Europe, répond sur le plan politique par l’affaiblissement de la méthode communautaire au profit de l’intergouvernementalité et, sur le plan économique, par une austérité aveugle, sur fond de montée des populismes…
Pour les droites européennes, la crise est une aubaine. Elle permet de casser l’Etat providence et nos modèles sociaux en utilisant le feu bien réel de la crise financière. Je ne dis pas que nos économies ne doivent pas changer et que notre régime de protection ne doit pas évoluer. Je dis que l’austérité myope n’est pas une reforme de fond. Le programme Grecque est l’illustration assez claire de cet aveuglement. Ce dont la Grèce a besoin, c’est d’un Etat et d’une administration fiscale libérée de l’évasion, de la fraude et du clientélisme. En quoi ce programme permet-il cela ? Ensuite, il faut réussir à rendre l’économie grecque compétitive et attractive, en quoi la baisse des salaires des fonctionnaires et des retraités permet-elle cela ?
Le danger de ce genre de politique comme vous le soulignez n’est pas seulement leur inanité économique, c’est le risque qu’ils font courir a la démocratie en donnant de l’espace à la contestation populiste et anti-Européenne. L’Europe se pense libérée du fascisme et du populisme pour toujours. Ma visite en Grèce m’a montré clairement, que la marche que l’Europe suit actuellement porte en elle les germes du retour du fascisme. Nous devons absolument changer de voie.
Afin de concilier à nouveau solidarité et compétitivité, justice sociale et emploi, Sauvons l’Europe milite pour un arc europrogressiste, c’est à dire l’alliance de la gauche, des écologistes et des démocrates. Alliance qui se ferait au niveau national et au niveau européen pour mener des politiques cohérentes et complémentaires, ambitieuses et efficaces. Qu’en pensez-vous ?
C’est l’arc que nous essayons tous les jours de construire au Parlement européen. Il faut réussir à mener ces combats au niveau national aussi. Des partis transnationaux comme les Verts sont des véhicules pour construire des projets et une envie européenne progressiste au niveau local et au niveau Européen. Mais je salue aussi votre initiative parce qu’il faut que l’Europe ne soit pas l’endroit des technocrates, des élites et des élus, mais qu’elle soit aussi populaire et que la société civile s’y investisse.
Le 22 avril, pourquoi les militants pro-européens devront-ils voter pour vous ?
Je suis la seule candidate fédéraliste à cette élection présidentielle. J’ai mis l’Europe au cœur de mon combat politique personnel et elle est au cœur de mon projet. Je sais bien les doutes que les citoyens nourrissent au sujet de l’Europe, je sais qu’ils la vivent plus comme une menace que comme un vecteur de paix, de prospérité ou un bouclier les protégeant. Est que l’Europe répond à nos besoins fondamentaux ? Avons nous confiance dans sa capacité de nous garantir ainsi qu’à nos enfants, une eau propre, une alimentation saine, une énergie qui ne mette pas en danger notre habitat ou celui des autres ? Ces enjeux sont des batailles que nous pouvons mieux mener au niveau Européen qu’au niveau national. C’est parce que je crois fondamentalement que le cadre de l’Etat-nation n’est plus suffisant pour affecter la marche du monde que je crois que nous avons de plus en plus besoin d’une Europe forte, unie et solidaire, c’est mon combat.
Je n’ai pas compris ce que Mme Joly appelle « la gauche ».
Le PS n’est pas la « gauche ».
Montée des fascismes ? En Grece, le Laos (extrême-droite) est tombe a 4 % depuis son alliance avec la « gauche » socialiste.
Merci de clarifier.
Je peux me tromper, mais à aucun moment je n’ai lu dans cette interview le mot « gauche » dans les cases réservées aux réponses de Mme Joly. Par contre, si le PS n’est pas la gauche, alors qu’est-ce ?
S’affirmer comme la seule candidate fédéraliste comporte un risque. Je ne conteste pas cette étiquette à Eva Joly. Mais identifier le fédéralisme à un score minoritaire n’est pas un service à lui rendre. Il existe des fédéralistes dans tous les partis « mainstream » de la scène politique européenne. Et les plus fédéralistes des Européens ne sont peut-être même pas affiliés à un parti. L’unité politique de ce continent est une question constitutionnelle, qui ne relève pas de la politique normale, celle qui voit l’affrontement des partis pour la conquête d’une majorité gouvernementale, mais de la construction patiente d’un consensus sur l’objectif final et les étapes intermédiaires. Faire du fédéralisme européen ne contribue qu’à fédérer les souverainistes et les pro-européens tièdes contre l’unité. L’approche de l’unité par les partis ne peut pas être concurrentielle. Elle passe par la création de plate-formes communes, de pactes entre les partis. Il faut sortir l’unité du débat électoral et ouvrir sur l’unité un débat fondateur, constituant.
Il faut lire à la neuvième ligne « faire du fédéralisme européen une option partisane ».
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La France n’est ni de Droite ni de Gauche, elle EXISTE en tant que nation.
Si l’on veut obtenir une majorité de citoyens européens pour militer pour une Europe fédérale (ce que je souhaite), il faut pouvoir réunir des gens de droite comme de gauche (Cf le Mouvement Européen).
Une fois que l’on aura construit une Europe fédérale DÉMOCRATIQUE, elle EXISTERA en tant que nouvelle nation, et sera gouvernée, au rythme des alternances politiques, par la droite ou par la gauche.
Son organisation sociale sera alors le consensus élaboré au fil du temps.
Aucune constitution démocratique ne décrète qu’un pays est de « droite » ou de « gauche », si tant est que ces notions aient un sens universel.
Réponse à Christian RdM :
« Si l’on veut obtenir une majorité de citoyens européens pour militer pour une Europe fédérale (ce que je souhaite), il faut pouvoir réunir des gens de droite comme de gauche »…
Dans l’absolu, je suis tout à fait d’accord..
Mais vous ne pouvez faire l’impasse sur le fait que, PLUS ON S’APPROCHE DES EXTRÊMES de l’échiquier politique —quel que soit le pays—, plus la position dominante est ANTI-européenne : à droite : PVV en Hollande, FPÖ en Autriche, FN bien évidemment en France, mais aussi à gauche : les (« restes ») des différents partis dits communistes…
TOUS prônent plus ou moins la sortie, par leurs pays respectifs, de l’Union européenne… VOIRE, le torpillage, carrément, des institutions « transnationales » actuellement existantes (Conseil de l’Europe = « repaire des droits-de-l’hommistes », Cour de Justice, U.E., etc)
Malheureusement, avec la tendance « lourde » constatée depuis 10-15 ans (effet Bush/Kohl), et même depuis 30 ans (effet Reagan/Thatcher..), les tentations de recroquevillements nationalistes ont nettement plus progressé du coté de la « droite » que de la « gauche » !
Tristes t()opiques…
les véritables fachos sont ceux qui veulent empêcher les autres (
le peuple) de s’exprimer !