La soirée électorale a été longue en Finlande le 14 avril dernier et il a fallu attendre le milieu de la nuit pour avoir la confirmation de la victoire définitive du SDP qui ne devance finalement l’extrême droite que d’un seul siège et d’environ 7.000 voix. On aurait certes pu espérer un résultat plus clair mais il convient néanmoins de noter que c’est la première fois depuis 20 ans que les Sociaux Démocrates finlandais arrivent en tête d’une élection nationale. Et, au moment où les succès électoraux de la gauche sont rarissimes en Europe, l’arrivée au pouvoir de nos camarades dans l’une des zones emblématiques de la social démocratie constitue un événement dont nous devons tous nous réjouir.
Dans l’esprit des sociaux démocrates de toute l’Europe, la social démocratie nordique représente souvent la forme la plus pure, un modèle auréolé de décennies de succès et qui, malgré les difficultés plus récentes, représente encore une sorte d’idéal. Si ces pays sont aujourd’hui les plus égalitaires au monde, ils le doivent à cette quasi hégémonie de ce courant de pensée y compris, d’ailleurs, lorsque la droite est au pouvoir, cette dernière n’osant généralement moins remettre en cause les fondamentaux du Welfare State qu’ailleurs en Europe. Ce modèle repose également sur un syndicalisme de masse, lié politiquement aux forces progressistes : le Premier Ministre suédois, Stefan Löfven, est un ancien ouvrier métallurgiste arrivé aux sommets grâce à ses responsabilités syndicales. L’homme qui devrait devenir Premier Ministre en Finlande dans les prochaines semaines, Antti Rinne, a lui aussi présidé aux destinées de plusieurs syndicats avant d’entamer une carrière politique.
Le SDP a su mettre au cœur de sa campagne deux préoccupations importantes pour l’électorat de gauche à savoir la fin d’une austérité mise en œuvre sous le précédent gouvernement de Juha Sipilä – dont le parti a été durement sanctionné dans les urnes – et la mise en avant de thématiques écologiques qui a permis de contenir la montée des Verts – probables futurs alliés au sein de la coalition gouvernementale – et d’obtenir les quelques voix suffisantes pour virer en tête devant l’extrême droite. Les Sociaux démocrates ont également insisté sur les politiques de santé et d’éducation, négligées par le gouvernement précédent alors que davantage de volontarisme en la matière a été plébiscité par les électeurs Finlandais.
Comme dans d’autres pays nordiques, la montée de l’extrême droite est néanmoins préoccupante. Depuis quelques années, cette dernière s’est converti au Welfare State dont elle ne cesse de vanter les mérites et son discours consiste aujourd’hui à dire que l’immigration et la globalisation représentent des menaces pour le modèle nordique. Les Sociaux Démocrates ne s’en sortent qu’en durcissant à leur tour quelques peu leurs positions sur ces sujets : c’est encore plus vrai au Danemark – où les élections auront lieu en juin prochain – avec un positionnement assez atypique à gauche concernant l’immigration et l’intégration mais qui leur permet de caracoler en tête dans les sondages. De par leur caractère pragmatique et adaptable, il n’est pas forcément étonnant de voir les Sociaux Démocrates nordiques en mesure d’être parmi les premiers – avec les pays ibériques – à rebondir en Europe : il est vrai aussi qu’ils font partie de l’identité même des pays en question dans des sociétés fortement attachées aux questions de solidarité et d’état fort.
Difficile en revanche de prédire les contours de la future coalition qui gouvernera la Finlande. Il semble acquis qu’un cordon sanitaire sera dressé contre des « Vrais Finlandais » encore plus radicalisés que jamais. On peut également imaginer que le Parti du Centre, très affaibli, optera pour l’opposition. Ce qui laisse potentiellement des Sociaux Démocrates et des Verts en situation de s’allier avec les Conservateurs et le petit parti de la minorité suédoise. Ce type de partenariat, qualifié de « Frankenstein », reste néanmoins assez commun en Finlande du fait de la culture de consensus qui rend la vie politique un peu moins clivante qu’ailleurs. Le SDP devra néanmoins être en mesure de mettre en œuvre ce pourquoi il a été élu, c’est-à-dire avant tout la sauvegarde et l’amélioration du Welfare State finlandais.
[author title= »Sébastien Poupon » image= »https://www.sauvonsleurope.eu/wp-content/uploads/2019/01/Sebastien-Poupon.jpg »]Sébastien Poupon est militant social-démocrate[/author]
Article intéressant. Merci Sébastien Poupon